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A deux semaines de la tenue du forum du gaz à Oran en marge de la conférence mondiale GNL 16, la priorité de l'Algérie se précise : combattre la bulle de gaz naturel qui tire les cours vers le bas sur le marché spot. Un marché que Chakib Khelil encensait en 2008. Le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil espère faire de «Oran gaz 2010», un remake de «Oran pétrole 2008», référence à la réunion ministérielle de l'OPEP qui a décidé, en décembre 2008, de prélever 2,2 millions de barils-jour du marché, la plus grosse réduction de l'histoire du cartel. Motif, il y a un excédent de l'offre de gaz naturel sur les marchés spot dans le monde. Le ministre s'en est ouvert à plusieurs reprises ces dernières semaines : les contrats d'exportation de gaz naturel à long terme des pays producteurs «sont confrontés à une réelle menace» car les consommateurs «ne veulent pas s'engager dans des contrats à long terme sous prétexte qu'ils déterminent des prix et des niveaux d'exportation fixes alors que le marché leur offre un plus large choix à des prix inférieurs à ceux stipulés dans les contrats à long terme» a-t-il notamment déclaré début janvier dernier au journal jordanien «El Sabil». Les pays exportateurs de gaz, réunis dans le FPEG, sont donc amenés à réagir à cette émergence très rapide d'une concurrence gaz-gaz. Une part de plus en plus importante du gaz cédé dans les contrats spots est d'origine non-conventionnelle. Ce gaz, essentiellement nord américain, représentait 12% de la production mondiale en 2009 alors qu'il ne correspond qu'à 4% des réserves de gaz. En clair, les 11 Etats membres du Forum des pays exportateurs du gaz (FPEG) sont invités à réduire leur offre de gaz. Pourront-ils le décider ? Le contexte qu'offre Oran le 19 avril prochain paraît propice. Les données du marché sont, elles, bien plus complexes. La fausse «mort» des contrats de long terme En réalité, le retournement de conjoncture sur les marchés mondiaux du gaz naturel est des plus spectaculaires en deux années. En 2007-2008, dans le sillage de la flambée des prix du brut, les contrats spots de gaz naturel ont tiré le prix du million de BTU vers le haut. De sorte qu'à plus de 14 dollars le million de BTU sur le Nymex (New York) au premier semestre 2008, les contrats à long terme paraissaient devenir un piège qui se refermait sur les pays exportateurs qui y avaient eu, comme l'Algérie, massivement recours, pour couvrir de lourds investissements dans la chaîne gazière. Au début de l'été 2008, Chakib Khelil annonçait même dans une déclaration «historique», qui a surprit les clients de Sonatrach, que l'Algérie n'allait plus signer de contrats de livraison de longues durées, tordant ainsi le coup à la doctrine algérienne en la matière, vieille de 30 ans. L'idée soutenue alors était de ne plus reconduire les contrats de longue durée qui arrivaient à terme, et de vendre une part grandissante du gaz algérien dans des contrats spots, la tendance sur ces marchés étant haussière. Aujourd'hui, avec l'arrivée massive d'une offre non conventionnelle -la seule production des Etats-Unis a été de 300 milliards de m3 en 2009- le rapport de force a totalement basculé en faveur des clients. Et le ministre algérien de l'Energie et des Mines qui ne voulait plus de contrats de longues durée de se plaindre au journal jordanien ; «les consommateurs préfèrent acheter le volume minimum stipulé dans les contrats et acquérir le reste sur les marchés spot où l'offre dépasse la demande et où les prix sont bas». Le prix moyen du million de BTU a repris sa baisse le dernier mois passant de plus de 4,5 dollars à moins de 4 dollars. Chakib Khelil a déclaré que le prix juste se situait aujourd'hui autour de 14 dollars le million de BTU, compte tenu d'un prix du baril de brute proche de 80 dollars. Une baisse de production de gaz qui tombe à pic Le nouveau discours de l'Algérie sur la nécessité de réduire l'offre de gaz sur les marchés tranche avec celui qui, jusqu'à très récemment, se proposait d'exporter 85 milliards de m3 par an en 2012, puis en 2015. «La crise des prix du gaz à cause des contrats spot a offert un excellent prétexte à Chakib Khelil pour temporiser sur les objectifs de production. La course à l'extraction dans laquelle il a plongé le sous sol algérien n'a pas encore montré l'étendue de ses méfaits» estime un ancien cadre à Sonatrach. L'orientation en 2008 était de renforcer les capacités d'exportation de l'Algérie en GNL ? deux nouveaux trains de liquéfaction en cours de réalisation à Arzew et Skikda. «Le GNL donne de la flexibilité commerciale à l'exportation, puisqu'il peut voyager vers de lointains marchés régionaux» explique le cadre de Sonatrach. «En 2010, ce n'est plus la répartition des exportations entre gazoduc et GNL ? plus de l'un ou moins de l'autre - qui préoccupe les esprits, mais tous simplement, les quantités optimales à extraire et à vendre à nos clients dans les deux ou trois prochaines années». Le virage semble donc bien pris. L'Algérie a besoin d'influencer les cours du gaz par le niveau de l'offre. Comme dans l'OPEP pour le pétrole. Il est juste dommage que son ministre de l'énergie se soit tant égaré avant de rejoindre sous la contrainte des faits, la Russie et l'Iran, ces compagnons un peu embarrassants dans le FPEG. |
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