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Parmi les dirigeants en poste dans le pays, Ahmed Ouyahia
est certainement celui qui apprécie à sa plus juste valeur l'état d'affranchissement
dans lequel se trouve l'Algérie à l'égard des institutions financières
mondiales, au premier rang desquelles le FMI. D'où l'ironie jubilatoire dont a
été imprégnée sa réponse ayant eu trait aux dernières recommandations adressées
par cet organisme aux autorités algériennes, leur «conseillant» entre autre de
réinstaurer le crédit à la consommation.
Pour bien faire comprendre la nouvelle donne dans les rapports de l'Algérie au FMI, le Premier ministre a abruptement fait savoir que celui-ci «n'a plus d'oukase à délivrer, l'Algérie n'est plus celle des années 90". En vertu de quoi, ses dernières recommandations sont tout simplement nulles et non avenues. Pour Ouyahia, cette capacité acquise de l'Algérie à «moucher» le FMI est une revanche qui a une dimension personnelle compréhensible. C'est lui en effet qui, en tant que chef du gouvernement au début des années 90, quand le pays en faillite a été contraint et forcé de passer sous les fourches caudines du Fonds monétaire international, a dû appliquer «ses recommandations», dont l'Algérie paye encore les désastreuses conséquences sociales et lui ont valu pour une bonne part l'impopularité durable qui est la sienne dans les couches populaires. De son point de vue, et il a raison, c'est un juste retour des choses que sa longévité dans la sphère du pouvoir étatique lui offre l'opportunité d'être celui qui dise son fait à ce FMI. Sa satisfaction se double d'un gain politique, celui de recueillir l'approbation de forces politiques et sociales ne l'ayant pas ménagé quand les circonstances l'ont obligé à mettre en œuvre sans états d'âme les prescriptions draconiennes de l'institution financière internationale. Ouyahia est en train de se dédouaner de son passé, marqué à tort ou à raison par la tâche d'avoir été aux ordres du FMI, en se mettant dans la posture de chef de file du courant «souverainiste» qui prône le retour au «patriotisme économique», auquel les diktats du Fonds monétaire avaient fait obligation à l'Algérie de renoncer. Sa «métamorphose» lui vaut le soutien appuyé de Louisa Hanoun et de son Parti des travailleurs, qui furent un temps parmi ses plus féroces détracteurs. Au début des années 90, quand Ouyahia a été envoyé «au charbon» sur le plan économique et social dans les conditions que l'on sait, vécues par l'Algérie à cette période, il n'était certainement pas dans la conviction qu'il avait «un destin national». Il se l'est forgé depuis. Mais il a aussi appris entre-temps qu'un «destin national» ne se construit pas sur la dévalorisante et rebutante réputation «d'homme des bases besognes», même en la justifiant par le service de l'Etat. Qu'il est indispensable que celui qui y postule prouve sans se renier qu'il sait être pragmatique et ne s'enferme pas dans l'autisme s'agissant d'autres visions et démarches politique, économique et sociale que celles que son rôle d'exécutant lui a fait mettre en œuvre et défendre. Ouyahia n'a pas encore renoncé totalement à son image de «commis de l'Etat désincarné». Mais il est à coup sûr en train de s'en fabriquer une autre. Le temps et les circonstances lui donneront-ils l'occasion d'y parvenir ? C'est là toute la question. |
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