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Le colonel Chaïb Oultache a été
interrogé vendredi dernier, pour une première fois, sur son lit d'hôpital dans
le cadre
de l'enquête sur un crime dont les causes devraient imposer des bouleversements au niveau de toutes les castes du pouvoir. C'est de trois balles à la tête que cet ancien responsable de l'aviation militaire a tué, jeudi dernier, le directeur général de la sûreté nationale (DGSN) qui était assis à son bureau, et avait un stylo à la main. Des sources concordantes nous précisaient vendredi dernier que l'arme du crime avait quelque peu bloqué avant qu'elle ne puisse permettre à son détenteur de tirer les trois balles qui ont mis fin à la vie du DGSN. Ce blocage, nous avaient-elles dit, était dû au fait que l'arme du crime n'avait pas servi depuis très longtemps. On dit d'ailleurs du colonel Oultache qu'il ne portait plus d'armes depuis de longues années. Mais ce jour-là, il l'avait bien en main, disent nos sources. Après avoir tué Ali Tounsi, il a, toujours selon nos sources, ouvert la porte capitonnée du bureau de la victime et a demandé à ce qu'on appelle deux autres responsables de la police dont celui de la sûreté d'Alger. Dès qu'il les a aperçus, il a commencé à tirer mais n'a atteint personne selon nos interlocuteurs. Pris de panique, les deux responsables se sont mis à courir, toujours selon nos sources, pour redescendre les escaliers en toute vitesse. L'on dit que dans cette course-poursuite, le responsable de la sûreté d'Alger est tombé dans les escaliers et s'est blessé à la tête. Nos sources nous affirment que le colonel Oultache n'a pas retourné l'arme contre lui pour se suicider mais a été neutralisé par des policiers qui ont tiré sur lui alors qu'il poursuivait les deux responsables qui avaient pris leurs jambes à leur cou après avoir compris qu'il était décidé à les tuer eux aussi. Oultache a été ainsi touché par deux balles, une dans l'abdomen et la seconde dans la cuisse. Evacué dans un état aggravé par des hémorragies de tout ordre, le blessé avait été immédiatement admis au bloc opératoire. Considéré comme la carte maîtresse d'un drame dont le mobile n'est pas simple à cerner, Oultache ne devait surtout pas mourir. Pour des considérations d'urgence absolue et surtout de garanties d'ordre sécuritaire, il a été transporté vers l'hôpital le plus proche de la DGSN. Un hôpital civil, bien éloigné ainsi de celui militaire de Aïn Naâdja ou de celui de la sûreté nationale, aux Glycines. Toujours selon des sources concordantes, après avoir appris qu'il avait été relevé de ses fonctions par voie de presse, Oultache criait en ce malheureux jeudi, qu'il refusait d'être jeté en pâture, d'être le seul à payer. Des paraboles qui en disent long de l'engrenage dans lequel le pays continue d'être enfoncé. Le premier interrogatoire Le colonel Oultache a été interrogé pour la première fois vendredi dernier. L'on nous a précisé ce jour-là que le blessé parlait calmement et sans difficulté. Aucun élément de ce début d'interrogatoire n'a filtré mais aux dires de sources judiciaires, l'on s'attend à des révélations scabreuses. Depuis que le Département des renseignements généraux a décidé de rendre publics de lourds dossiers de corruption, le pays semble avoir été plongé dans un état second. En effet, l'assurance que devait provoquer en principe, chez les citoyens, ce qui devait être ressenti comme étant de «la clarté et de la transparence dans la lutte contre la corruption», a de suite cédé la place à un sentiment de panique collective. Panique que l'assassinat de Tounsi vient justifier, indéniablement. Pire encore. Entre-temps et au lendemain de l'affaire Sonatrach, la folle rumeur de la constitution «sur instruction du président de la République» d'une commission d'enquête sur les assassinats des années 90 et que des sites Internet ont diffusé, a fait l'objet de commentaires terrifiants. Sans pour autant confirmer l'information, un haut responsable à la présidence de la République estime que ce serait là la seule manière d'apaiser la mémoire collective après avoir voulu l'amnésier par les effets de mise en œuvre de la charte pour la paix et la réconciliation nationale. L'on précise, comme lu déjà en ligne, la commission d'enquête en question devrait notamment s'attarder sur l'assassinat de Boudiaf et du général Fodil Saïdi, mort ainsi que son chauffeur, dans un accident de voiture en juin 1996 à Zelfana, dans le centre-est algérien. La victime était dans une voiture aux côtés de Mustapha Kouadri, alors wali de Laghouat. Le véhicule qui les transportait avait été écrabouillé par un camion. Seul Kouadri avait échappé à la mort mais s'en était sorti avec de profondes et graves blessures. Les chaudes larmes de Zeroual Nos sources affirment que le général Saïdi devait remplacer l'actuel DRS, Tewfik, de son vrai nom Mohamed Mediene. C'était au temps où Liamine Zeroual était président de la République. Zeroual, nous dit-on, avait pleuré la mort de Saïdi, à chaudes larmes. A cette époque, ceux à qui l'histoire a voulu donner un nouveau identifiant, étaient tous en poste et constituaient aux yeux de l'opinion publique nationale et internationale, le noyau dur du pouvoir et de la prise de décision particulièrement au titre de la lutte antiterroriste. Ce sont ce qu'on appelle «les janviéristes», les hauts responsables militaires de l'armée et de la sécurité militaire qui aujourd'hui sont ou décédés ou à la retraite. Il est rare que des dossiers de corruption où sont mêlés des noms de hauts dignitaires du régime, aussi proches soient-ils du chef de l'Etat, soient rendus publics et dans le détail. Ou presque. «C'est comme si le pouvoir a fait en sorte de laisser tout le monde se servir à un moment où les caisses de l'Etat débordent d'argent et le nombre des marchés d'achats d'équipement et de réalisation d'infrastructures inscrites dans les deux programmes du président, considérable. L'on dit que les services du DRS ont eu à convoquer les meilleurs experts-comptables du pays pour préciser dans le détail tout ce qui a été consommé comme argent et pris comme commission dans divers secteurs à différents niveaux des hiérarchies. Nos sources évoquent, à cet effet, plus de 8 secteurs devant être fouillés au peigne fin. Evoqué à plusieurs reprises, le changement de gouvernement ne semble pas être sur les tablettes du président, du moins pour l'instant. Il faut croire que tant que les ministres sont en poste, ils ne doivent pas craindre grand-chose à part voir leur nom cité publiquement dans les colonnes de la presse. Ceux concernés doivent croiser chaque matin les doigts pour que ce changement n'ait pas lieu pour, disent nos sources, qu'ils continuent de bénéficier de ce qui leur apparaît comme étant une immunité politique. Immunité qui, faut-il le préciser, n'est contenue dans aucun texte de loi. L'élite intellectuelle face à la dérive politique Il faut croire encore une fois que tout est fait pour que les fils de l'écheveau s'enchevêtrent davantage les uns dans les autres, qu'ils ne l'étaient déjà. Aux dernières nouvelles, le chef de l'Etat se trouve actuellement en Suisse au chevet de son frère Mustapha, très malade. Un haut responsable nous racontait jeudi dernier que quand il a été mis au courant de l'assassinat de Tounsi, Bouteflika avait blêmi alors qu'il était déjà affaibli et aussi perturbé par l'état de santé de son frère hospitalisé depuis de longs mois à Genève. Pourtant, il est le seul à détenir le sceau de décisions officielles susceptibles d'être prises pour rendre les temps moins incertains et moins troubles et ce quel qu'en soit le prix. Au-delà du caractère intenable et inquiétant de la situation qui prévaut dans le pays, il faut reconnaître que le système politique perd progressivement de sa consistance, du moins physique. Déjà, ceux qui constituaient ce que le défunt M'hamed Yazid, cet ancien ministre de l'Information au temps du GPRA, appelait de son vivant, le cabinet noir ou le pouvoir occulte, sont en phase d'extinction naturelle en raison de leur âge avancé, de leur état de santé, ou parfois des deux à la fois. Cependant, il est rare qu'un pays qui regorge de jeunesse comme l'Algérie se laisse prendre dans un tourbillon sans qu'il ne puisse s'assurer une relève politique digne de ce nom. Si les arcanes du pouvoir continuent de dégager les échos de la création d'un parti politique pour Saïd Bouteflika, le frère du président, en prévision de joutes électoraux à venir, ce qui s'apparente à l'opposition semble avoir encore une fois plié l'échine, pendant que l'élite intellectuelle a choisi de se tenir loin des soubresauts d'un magma où les règlements de compte ne feraient que commencer. Une élite qui se doit pourtant d'identifier des pistes pour sortir le pays de la crise dans laquelle il est englué. Elle se doit surtout d'agir pour rappeler à l'ordre la décision politique dont les dérives sont multiples et exposent le pays au danger. Mais il faut peut-être attendre que cette élite intellectuelle se constitue en tant que telle pour qu'elle puisse paraître comme une véritable force de proposition et agir pour la sauvegarde du pays, avant qu'il ne soit trop tard. |
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