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Nasser Sandjak au «En Algérie, on ne sait pas programmer à moyen terme»

par Propos Recueillis A Paris Par Fatiha Temmouri

Ancien sélectionneur de l'Algérie durant la Coupe d'Afrique des Nations 2000 et vainqueur de la Coupe de la CAF avec

la Jeunesse Sportive de Kabylie en 2001, Nasser Sandjak revient sur le parcours des Fennecs en Coupe d'Afrique des Nations et donne son avis sur les échéances à venir dont le Mondial.

Le Quotidien d'oran.: Quelles leçons tirez-vous de la participation de l'Algérie à la CAN 2010?

Nasser Sandjak.: Ce n'était pas simple. Vous savez, l'Algérie revient un peu dans l'élite du football mondial. Cela fait plusieurs années qu'on a quitté le haut niveau. C'est difficile de revenir dans une compétition à laquelle on n'a pas participé depuis trois éditions.

Or, ce qui compte, c'est la régularité et la régularité fait la différence. Il faut tout un dispositif, il faut construire une véritable machine et monter en puissance petit à petit pour être efficace en fin de compétition.

Q.O.: Diriez-vous que des erreurs ont été commises ?

N.S.: Non, je ne crois pas. Mais c'était une équipe toute jeune qu'on a mis dans une compétition qui est de plus en plus difficile. Il aurait fallu préparer davantage cette équipe qui a été affectée par l'épisode rocambolesque des éliminatoires de la Coupe du Monde.

 On a vu une équipe parfois très bonne, parfois très mauvaise. Les joueurs avaient les moyens de réaliser un gros coup mais ils n'étaient pas prêts, ils n'avaient pas assez d'expérience dans cette compétition.

Q.O.: Le fait que beaucoup de joueurs algériens évoluent dans des clubs européens fut un inconvénient ou un avantage ?

N.S.: Le fait qu'ils évoluent dans des championnats européens est un plus. Le football africain a beaucoup évolué. L'Afrique d'aujourd'hui n'est pas l'Afrique d'il y a trente ans. Les infrastructures existent, les terrains sont de bonne qualité. Le gros problème c'est le climat. Quand vous passez de -10 à +30 degrés, il faut pouvoir s'adapter.

Q.O.: Donc c'est dans l'ensemble une valeur ajoutée pour l'Algérie ?

N.S.: Oui, les joueurs qui vivent les plus grands championnats européens sont des pros qui ont le souci du détail. Ils maîtrisent parfaitement leur sujet. Ils savent ce qu'est un terrain de football et gèrent tout cela aussi bien techniquement que psychiquement. En Algérie, le niveau est plus bas, l'intensité physique moins forte. Même si l'Algérie n'a pas tous les outils nécessaires, on a vu une équipe forte qui a réussi des matches de haut niveau en Angola.

 Je pense au match contre la Côte d'Ivoire qui est incontestablement notre match référence.

Q.O.: Le football requiert partout des qualités physiques de plus en plus complètes. L'équipe d'Algérie est-elle compétitive de ce point de vue là ?

N.S.: La particularité du football algérien c'est que les joueurs sont très vifs, ils ont une explosivité. Mais ils sont encore assez chétifs, ils n'ont pas une grande capacité athlétique. Maintenant nous avons une charnière centrale très forte, avec des garçons d'1m85, de 85 kilos de muscle et de puissance, comme Madjid Bougherra. Dans une équipe de football, c'est très important. Il faut aussi une bonne défense et devant, offensivement, on laisse parler les qualités personnelles. C'est comme cela que fonctionne une équipe en Afrique.

Q.O.: Karim Ziani, ne joue pas beaucoup avec son club de Wolfsburg, en Allemagne. Cela peut-il lui porter préjudice en prévision de la Coupe du Monde ?

N.S.: Difficile à dire. Cela peut être préjudiciable comme cela peut ne pas l'être. Ce n'est peut-être pas plus mal qu'il puisse se reposer un peu pendant deux mois. De toute façon il participe aux entraînements et peut faire des stages compensatoires. On ne perd pas son football en deux mois. Il sera frais au moins, même s'il risque de n'avoir pas trop de rythme au début. Ma conviction personnelle, c'est qu'il ne joue pas à cause de vengeances personnelles. On lui fait payer sa participation à la CAN.

Q.O.: Vous allez vous rendre en Algérie ? Y allez-vous en tant que supporter ?

N.S.: Je vais assister à deux matchs. Celui de France 98, avec Zidane, pour la promotion du futsal (le 1er à Alger) et bien sûr le match amical Algérie-Serbie, le 3 mars. J'y serai comme consultant pour Radio-beur, on va commenter le match. Je suis aussi consultant pour le Figaro, j'écris un blog sur leur site.

Q.O.: Comment voyez-vous ce match préparatoire ?

N.S.: Ce ne sera pas facile face à la Serbie, issue de l'ex-Yougoslavie qui excelle dans tous les sports collectifs. Cela fait 25 ans qu'on a quitté le football mondial. C'est devenu quelque chose de très scientifique.

 Le problème chez nous, c'est qu'on ne sait pas programmer à moyen terme, ou même à court terme. Il ne faut pas pour autant changer d'entraîneur mais il faut réunir toutes les compétences nécessaires, de façon à préparer au mieux le rendez-vous de juin. Je suis allé dernièrement à Clairefontaine [où s'entraîne l'équipe de France], là-bas, il n'y a pas qu'un seul entraîneur, il faut aussi aller voir de nombreux matchs de très haut niveau afin d'évaluer la forme des joueurs. C'est énormément de travail.

Q.O.: Quelles sont vos activités actuelles ?

N.S.: Outre mes activités de consultant, je suis toujours entraîneur et directeur technique de mon club, l'Olympique Noisy-le-Sec (93). Je reçois beaucoup de sollicitations de l'étranger, je vais peut-être bouger à la fin de la saison.

Q.O.: Aimeriez-vous revenir sur la scène du football algérien ?

N.S.: Pourquoi pas. Comme entraîneur, on est ouvert à toute sollicitation. Mais ce n'est pas une priorité. Vous savez, on est dépendant du marché du travail, comme tout le monde.