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A chaque fois que
reviennent les Jeux Olympiques d'hiver, je ne peux m'empêcher de repenser au
film Rasta Rocket. Ce dernier met en scène une équipe jamaïcaine de? bobsleigh
qui a participé à ceux de 1988 à Calgary, dans la province de l'Alberta au
Canada (ah, cette scène de l'arrivée des Jamaïcains à l'aéroport et leur
premier contact avec la température extérieure?). Comédie hilarante et basée
sur des faits réels, Rasta Rocket traduit par la dérision une réalité sur
laquelle on ne s'attarde jamais de manière sérieuse lorsque débutent les JO d'hiver.
Parés du qualificatif d'universel qui sied à toute manifestation olympique, ces
derniers ne sont en réalité que des Jeux pour pays riches, réservés à une
population d'athlètes presqu'exclusivement blanche, exception faite de quelques
asiatiques tels les Chinois, les Japonais et les Coréens.
A titre d'exemple, les JO de Vancouver accueillent 2.762 compétiteurs dont sept seulement représentent le continent africain (contre dix il y a quatre ans, à Turin). Cette participation ultra-minoritaire (elle équivaut à celle de l'Argentine?) ne donne pas lieu à une réflexion sur le statut de ces Jeux car la presse y trouve surtout son compte en matière de sujets incontournables pour alimenter, avec une ironie mordante ou une indulgence attendrie, la rubrique des « à-côtés ». Voici le tableau : un skieur de fond éthiopien, Robel Zeimichael Teklemariam, qui s'entraîne sur des skis à roulette pour le plus grand bonheur des photographes (et qui avait dû créer à lui tout seul la Fédération de ski éthiopienne en 2006 pour participer aux JO d'hiver de Turin !) ou bien encore un Sud-africain qui jure qu'il skiera nu s'il atteint les quarts-de-finale de vitesse. Au passage, n'oublions pas de saluer la participation du skieur Mehdi-Selim Khelifi, seul représentant de l'Algérie et de fraternellement signaler celle d'un égyptien de 120 kilogrammes dont j'ai oublié le nom et qui concourt en patinage artistique masculin avec des collants roses (non, là, je plaisante?). Il y a des épreuves que j'aime bien regarder même si, pour certaines, je n'y comprends pas grand-chose. Le tremplin, le super-G ou encore le patinage de vitesse sont impressionnants et plus ou moins compréhensibles ce qui n'est pas le cas du hockey sur glace ou du curling. Et à regarder toutes ces compétitions, on se dit que seul un enfant de la diaspora africaine installée en Europe ou aux Etats-Unis arrivera à s'y imposer un jour (l'Afrique n'a jamais décroché de médaille aux JO d'hiver). En étant optimiste, on se dit même que ce n'est peut-être qu'une question de temps. D'ailleurs, avec le réchauffement climatique, il est fort possible que les JO d'hiver soient organisés un jour sous des latitudes tempérées où de la neige artificielle aura été fabriquée, à l'image de ce qui vient de se passer à Vancouver. Des JO d'hiver à Dubaï, où existe déjà une piste de ski artificielle ? Ce n'est peut-être pas pour demain mais sait-on jamais. Et cela créerait forcément des vocations. Ce que je veux dire, c'est qu'il y a des sports qui, sur le long terme, ne me paraissent pas relever d'un monopole nordique même s'ils nous paraissent aujourd'hui bien compliqués et hors de portée. Si l'Algérie le désire, elle peut très bien décider de chercher des talents en France comme en Suisse. D'ailleurs, pour ceux qui l'ignorent, il existe déjà une équipe algérienne de hockey sur glace qui s'est frottée à ses homologues marocaine, koweïtienne et émiratie lors du Championnat arabe des Nations organisé en 2008 à? Abou Dhabi (victoire finale des Emirats arabes unis). Mais, pour le moment, et à suivre les Jeux de Vancouver, on se rend compte que les pays arabes, africains ou même sud-américains ont une longue route devant eux pour atteindre le niveau du Nord. Prenez le curling. Jeu stupide par excellence, me direz-vous sûrement. Peut-être, là n'est pas le problème. Donnez-vous le temps de suivre une épreuve. Retenez-vous de rire ou de bailler et jaugez la technicité et le savoir-faire séculaire des joueurs. C'est une démonstration de supériorité qui ne dit pas son nom. C'est une manière, comme une autre, de dire aux spectateurs des pays du Sud, il demeure tout de même quelques disciplines sportives dans lesquelles nous vous serons toujours supérieurs. Peut-on alors sérieusement parler d'universalité pour ces Jeux d'hiver ? Faut-il plutôt se résigner au fait qu'ils sont le dernier carré consolatoire où l'Homme blanc préserve une suprématie perdue dans d'autres disciplines à commencer par celles des Jeux d'été ? Pendant longtemps, les JO d'hiver n'étaient officiellement que des « Jeux nordiques », ce qui voulait bien dire qu'ils n'avaient rien à voir avec l'olympisme. Voilà une expression qui leur sied mieux et qui traduirait de manière honnête leur caractère singulier. Pour autant, il ne faut guère compter sur le Comité international olympique (CIO) pour se résoudre à un tel changement de dénomination. L'hiver et la neige rapportent gros tout comme ils confortent le nord dans son sentiment de domination. C'est d'ailleurs pour cette raison que la Chine met le paquet sur les sports d'hiver, espérant démontrer à l'Occident qu'elle peut, là aussi, le dépasser. Mais qui sait ? Un jour, peut-être, les pays du Sud s'y mettront eux aussi et l'Algérie célébrera dans la ferveur populaire sa première médaille d'or en curling. |
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