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2010, l'année des grèves

par Yazid Alilat

2010 a pris toutes les allures d'une année résolument orientée vers le désordre social, vue d'en haut, et celle de la lutte pour une vie meilleure, vue d'en bas. Entre les deux niveaux, il y a pourtant beaucoup de couches, ou de strates sociales, si l'on veut.

 Il y a d'abord la strate des enseignants du scolaire, où l'on apprend même en terminale à bien calculer, à ne pas confondre avec les enseignants universitaires. Ceux -là sont une autre catégorie socioprofessionnelle et revendicative. Il y a la strate des médecins, qui travaille dans le secteur public, c'est-à-dire dans les hôpitaux, les centres de santé et autres polycliniques. Il y a également la strate des adjoints et auxiliaires de la santé, comme celle des infirmiers et des paramédicaux. Et puis, il y a la grande strate sociale des ouvriers, cheminots, mécaniciens, travailleurs des hauts fourneaux, etc. C'est dire que les strates sociales en Algérie sont nombreuses. Mais curieusement, presque toutes se sont mises d'accord pour, à tour de rôle, sortir dans la rue protester, ou faire grève, pour un minimum de dignité sociale. Face à une vie de plus en plus chère, à des conditions sociales de vie souvent angoissantes, oppressantes, les travailleurs de ces différentes strates sociales n'ont d'autre moyen que de ne pas travailler, c'est-à-dire faire un débrayage pour se faire écouter. Et obtenir quelques augmentations salariales de plus.

 Les enseignants ont, paraît-il, eu gain de cause ces jours-ci. Mais combien restent encore sur le carreau ? Et puis, ce début d'année 2010 a vu une grande sortie de la strate des médecins du secteur public, qui veulent une vie plus décente et un statut qui les protège des aléas de la vie future.

 Donc, 2010 s'annonce aux Algériens de la plus belle des manières, avec des débrayages cycliques dans les secteurs qui concernent tous les Algériens, santé et éducation au premier fronton de revendications salariales. Pourtant, en haut de la pyramide sociale, les choses se passent différemment. Là haut, on calcule également, beaucoup d'ailleurs, mais un autre genre d'arithmétique. C'est, par exemple, si on donne tant à cette strate sociale, de combien va-t-on soulager les finances du Trésor public ? Ou bien, si les salaires sont augmentés, aura-t-on pour autant la paix sociale ? Les arrangements politiques prennent à ce niveau les contours de pondération mathématique de l'exacerbation sociale : quel effet l'augmentation par X des salaires des strates qui frappent le plus sur la table et sortent le plus dans la rue, au détriment de celles qui se la jouent «démocratique», aura-t-elle sur l'inflation, et particulièrement l'accès des faibles strates sociales à un minimum de décence sociale ? Là haut, les calculs sont différents de ceux d'en bas.

 Evidemment, on ne pense pas de la même manière, que l'on soit enseignant du primaire et habitant des hautes sphères.

 Donc, pour que la cacophonie des grèves revendicatives pour un niveau de vie plus conforme au rythme absolument démentiel de l'inflation soit la plus porteuse, rien de mieux que d'associer ceux d'en haut aux problèmes de ceux d'en bas.

 La hiérarchie sociale ne sera que mieux respectée dans la priorisation des satisfactions par le gouvernement des revendications salariales des différentes catégories sociales. Et tant pis si 2010 sera celle des grèves ; tout le monde se prépare à vivre une grande aventure avec la Coupe du monde et les 11 petits bonshommes Verts qu'on va utiliser à toutes les sauces, pourvu qu'ils donnent de la joie à ceux d'en bas.