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Front social: l'impasse

par Kharroubi Habib

La lettre ouverte de Benbouzid au corps enseignant l'invitant à faire preuve de «sagesse» en ne se laissant pas entraîner par les syndicats autonomes dans une nouvelle grève qui en paralysant encore une fois le secteur aura, selon lui, des retombées néfastes irrattrapables sur l'année scolaire des élèves, a comme l'on s'y attendait provoqué l'ire des syndicats et conforté leur détermination à aller à la grève à compter d'aujourd'hui. Grève dont ils ont décidé qu'elle sera d'une semaine cyclique jusqu'à l'aboutissement des revendications des enseignants.

 Sur l'ensemble des syndicats de l'éducation, la lettre ouverte de leur ministre de tutelle a fait l'effet d'une provocation à leur encontre qui se double d'une «grossière tentative de manipulation de l'opinion publique contre eux». D'aucuns ont crûment accusé Benbouzid de «mauvaise foi» et de «chercher à gagner du temps pour fuir ses engagements». On le voit donc, la lettre ouverte du ministre de l'Education nationale n'a pas atteint son objectif premier qui était d'essayer de casser l'unité de rang syndicale qui a conduit au succès incontestable de la grève du mois de novembre 2009. Elle ne semble pas non plus avoir produit sur l'opinion publique l'effet escompté par lui qui est que la population inquiète des retombées négatives auxquelles il a fait allusion adhère à son appel «à la retenue et à la sagesse»

 Il est évident qu'une nouvelle paralysie de durée indéterminée du secteur de l'éducation nationale inquiète les citoyens qui sont aussi parents d'élèves. Mais contrairement à ce qu'en attend le premier responsable de ce secteur, ils se refusent en majorité à condamner le mouvement revendicatif des enseignants.

 Benbouzid ne peut ignorer le courant de forte sympathie que suscite le combat du personnel enseignant. Une sympathie nourrie par la conviction que ce personnel en charge de la plus noble mission qui soit n'a droit ni aux égards qu'il mérite pour cela, ni à une prise en charge sociale qui lui permette de vivre et d'exercer dans la dignité. Les enseignants se sont acquis un surcroît de solidarité citoyenne parce que les pouvoirs publics donnent l'impression de les avoir exclus arbitrairement des avantages salariaux et sociaux qu'ils ont par ailleurs généreusement distribués à d'autres corps de la fonction publique, ceux-ci étant considérés comme indispensables et garants de la stabilité et du fonctionnement de l'Etat.

 Exprimant sans aucun doute l'opinion de tous les syndicats du secteur de l'éducation nationale, le secrétaire général du syndicat autonome des professeurs d'enseignement secondaire et technique (SNAPEST) a lui aussi pris les Algériens à témoin que les enseignants «ont démontré leur sagesse et leur sens des responsabilités en suspendant le mouvement de contestation de novembre 2009, et que maintenant c'est au tour de Benbouzid d'être raisonnable et d'honorer ses engagements. La balle est dans son camp».



 En attendant que raison et sagesse s'expriment dans les deux camps en même temps, un bras de fer recommence aujourd'hui entre la communauté enseignante et les pouvoirs publics. Avec la crainte que cette fois les autorités vont le gérer de la même façon que celui qui a pour protagoniste l'autre famille de la fonction publique laissée elle aussi pour compte, les praticiens de la santé publique dont le mouvement de contestation s'éternise face à l'indifférence officielle qui lui est opposée.