C'est presque une supplique :
«please, ne faites pas grève» ! C'est à quelque chose de ce goût là que les
enseignants sont en train d'assister. Le bras de fer entre tutelle et
enseignants dans le secteur de l'Education nationale a pris, depuis des années,
la forme d'un long feuilleton à?.la brésilienne. Y a pas à dire, les parents
d'élèves sont mélangés à toutes les sauces, eux qui regardent, pardon qui
assistent impuissants à des querelles de clochers entre le ministère et les
enseignants, à travers de tenaces syndicats, ceux-ci font vraiment mener la vie
dure au ministre, M. Benbouzid. Jusqu'à ce que celui-ci, de guerre lasse ! ne
se décide à intervenir dans ce débat, pour appeler les enseignants à la
sagesse. La méthode utilisée est originale, unique dans les annales d'un
secteur qui ne fait pas sortir chaque année que des lumières. M.Benbouzid a
ainsi décidé de répliquer aux syndicats par une lettre ouverte à la communauté
éducative. Bizarre ! N'est-ce pas que d'habitude ce sont les syndicats des
enseignants, si ce ne sont pas ceux-là même, qui rédigent des lettres ouvertes
publiées par la presse à l'intention des pouvoirs publics pour attirer leur
attention sur les maux sociaux qui minent le secteur. Et, accessoirement, des
revendications salariales. Non, là, le scénario est tout autre : c'est bien le
ministre qui a décidé de prendre sa plume, et non pas un microphone dans une
conférence de presse, pour, selon lui, démontrer aux syndicats d'enseignants
qu'ils ont tort de penser à faire grève. C'est purement de la Science-Fiction,
du surréel. Un moment et on se croirait en plein dans un autre pays. Là où les
idées se font et se défont à travers des débats démocratiques, même vifs et
parfois violents. Cette fois-ci l'opinion publique, et notamment la communauté
de l'Education, sont prises au dépourvu avec cette lettre du ministre qui dit
que les futurs grévistes ont tort d'aller vers un mouvement qui, de toute
façon, ne servira à rien, puisque les résultats sont connus d'avance. Dans
cette bagarre qui lasse les parents d'élèves, qui voudraient bien y participer
en faisant les arbitres, il y a toute la dimension humaine d'un secteur qu'il
faudrait sauver. Oui, il faut sauver ce secteur, d'abord contre les prédations
sociales, les déperditions de compétences et les aventurismes. Oui !mais
comment, sacrebleu ? Cela fait longtemps que l'Education en Algérie vit mal des
changements intempestifs, presque une fois tous les dix ans. Non, y a quelque
chose qui ne va pas, d'autant que le secteur public, encore majoritaire, est en
train d'être dépassé en douceur par le secteur privé où les salaires sont
fixes, selon les compétences, et où le niveau est, parait-il, très Bon. Là, pas
de grèves, pas de débrayages, c'est ?'tu bosses bien, je te paie bien», point à
la ligne, comme disaient nos bons vieux professeurs de langues. Et puis,
pourquoi, diantre ! Une lettre dans un océan d'incompréhensions, d'absence de
passerelles de dialogues, lorsque c'est souvent les élèves qui supportent le
poids de cette bataille devenue lassante ? A moins que les lettres ouvertes
soient devenues de vraies balles, de vraies munitions contre l'immobilisme
ambiant, comme des parallèles qui ne se rejoignent jamais, même à l'infini.
Faudrait peut-être penser à revoir certaines notions essentielles dans nos
écoles des principes du calcul du temps qu'on perd en de vaines batailles. Car
jouer au ?'perdant gagnant» ne peut s'appliquer que dans le principe du jeu de
cartes, mais pas au détriment de générations entières. Aller ! faut sonner les
cloches !