Dix membres d'un réseau spécialisé dans le trafic des mines extraites des
zones minées longeant les frontières algéro-marocaines, datées de l'ère
coloniale, à destination de groupes terroristes, ont été jugés, hier, par le
tribunal criminel d'Oran, dont cinq par contumace. Les cinq personnes arrêtées
comparaissaient sous le chef d'accusation de détention et commercialisation
d'explosifs, actes punis par l'article 87 bis 7 du code pénal. Une quantité
importante de mines antipersonnel, anti-groupe et antichar, ainsi qu'un arsenal
de composants et de substances d'explosifs, a été récupérée par les services de
sécurité lors du démantèlement de ce réseau. Quelque 230 mines, déterrées de la
bande frontalière minée de la ligne Challe, ont été, notamment, saisies. Ce
réseau transfrontalier, basé à Maghnia, avait, en fait, un maillon de l'autre
bout des frontières, composé de Marocains chargés de lui fournir des intrants
d'explosifs tel que le fil conducteur et les détonateurs, qui étaient acheminés
via la localité d'Aïn Sefra (wilaya de Béchar).
La genèse de l'affaire remonte au
27 octobre 2008, avec la mise en place d'une cellule de renseignements
spécialisée, dans le cadre de la lutte contre le crime organisé
transfrontalier, à la suite d'informations fiables parvenues aux services de la
Gendarmerie nationale et de la GGF des frontières ouest, faisant état d'un
trafic d'envergure de mines terrestres à des fins criminelles et terroristes. Des
personnes suspectes ont été, dès lors, mises en filature et placées sous
écoute. A la faveur de précieuses indications recueillies par le biais d'un
agent infiltré, les enquêteurs ont pu esquisser le mode opératoire du groupe,
dont ils ont identifié les membres et localisé les ramifications. Il ne restait
alors qu'à cueillir, en flagrant délit, ces trafiquants. C'est ce qui s'est
passé, en effet, au moyen d'une souricière. Se faisant passer pour un client en
quête d'une grosse quantité d'explosifs, un gendarme est entré en contact avec
les fournisseurs de mines. Le client n'avait pas à se fatiguer les méninges
pour justifier l'usage dont il était question. De toute manière, ces mines
terrestres ne pouvaient être utilisées dans la pêche, encore moins à des fins
pacifiques. Aussi, les deux parties sont-elles parvenues directement au volet
prix de la transaction. Selon les faits consignés dans l'arrêt de renvoi de
cette affaire, qui a été instruite au niveau du Pôle pénal spécialisé de
l'Ouest, à Oran, le réseau avait l'habitude de vendre sa marchandise prohibée
au tarif suivant: entre 800 et 900 DA la mine, 330 DA le mètre pour le fil
conducteur et 370 DA le détonateur. Marché conclu, un rendez-vous est fixé dans
les environs du village de Souhahlia, dans la wilaya de Ghazaouet, pour la
livraison d'une première tranche de la commande, 183 mines, retapées et
transformées. Sitôt arrivés sur place, les mis en cause, au nombre de quatre,
ont été cueillis par les gendarmes en faction. Les investigations élargies ont
révélé que ce réseau avait des ramifications internationales, notamment en
France et en Libye. Le représentant du ministère public a requis la peine
capitale contre l'ensemble des accusés. A l'issue des délibérations, des peines
de 12 ans de réclusion ont été prononcées à l'encontre de cinq personnes
reconnues coupables de détention et commercialisation d'explosifs. Deux accusés
également jugés dans le cadre de cette affaire ont été, pour leur part,
acquittés, alors que trois autres en état de fuite ont fait l'objet d'une
procédure de condamnation par contumace. Le tribunal a rendu son verdict en
maintenant uniquement le chef de «détention et commercialisation des
explosifs», jugeant sans objet celui de leur utilisation à des fins
terroristes.