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LA DEFAITE EN CHANTANT ?

par K. Selim

La défaite en chantant ? Même après la défaite dans l'ultime match contre le Nigéria, l'équipe nationale reste adulée. Et on épiloguera longtemps sur la réaction des Algériens après la lourde défaite subie face aux Egyptiens au cours de la demi-finale de la CAN. Tout le monde a appris le nom de l'arbitre béninois qui se trouve ainsi chargé, par ses erreurs constatées et son alignement présumé, de la fonction, un peu commode, d'absoudre l'équipe nationale.

 C'est vrai que le premier avertissement donné à Halliche ne se justifiait pas, mais tout le reste se discute. Un ami, très connaisseur en football, a résumé les choses simplement : «Jusqu'au penalty, les joueurs étaient professionnels et faisaient jeu égal avec les Egyptiens. Après le penalty et l'expulsion, ils sont devenus très algériens». En clair, ils ont perdu leur concentration et sont tombés dans des erreurs évitables. Il ne s'agit pas de «refaire le match», mais de constater, à la lecture de nombreux journaux, que la fâcheuse propension à chercher des explications ailleurs qu'en nous-mêmes, perdure.

 Le parcours de l'équipe nationale a été chaotique... avec des périodes d'absence surprenante et des moments brillants et fulgurants. Il y a donc une grande part d'impondérable dans la performance de l'équipe nationale. C'est ce qu'il faut traiter : renforcer la résistance psychologique de l'équipe et réduire la part d'impondérable. A ces niveaux de compétition, on ne doit pas perdre son self-control. Il faut parvenir au fait que le professionnalisme devienne algérien. Autant dire que cela n'est pas valable seulement pour l'équipe nationale de football.

 Constatons cependant qu'une pudeur très algérienne nous évite, très naturellement, de tomber dans les travers inouïs et indécents des médias égyptiens après la défaite de Khartoum. Il reste bien à digérer le fait qu'après la 37e minute, les joueurs ont perdu pied et qu'ils n'ont pas eu le sang-froid qu'on aurait attendu d'eux. Le fait d'avoir l'intime conviction que l'arbitre est partial devait renforcer la concentration et non l'inverse. Les instances du football ont tendance à faire bloc derrière les arbitres, même s'ils font des erreurs grossières : il fallait donc faire avec et rester pro.

 Il reste, à quelque mois du Mondial, à constater que cette équipe nationale a conquis les coeurs. Elle a redonné à une jeunesse algérienne sans loisirs et qui se morfond dans un terrible ennui, des raisons de faire la fête. Et une envie de faire la fête. Elle a permis - ce qu'aucune opération officielle n'a jamais pu faire - une réappropriation sympathique des couleurs nationales. Elle a mis dans la rue une Algérie diverse et bariolée dans des moments d'allégresse rare. Cette équipe de football a donné de la «bahdja» aux Algériens et c'est immense dans une société qui est passée par deux décennies de deuils et de contrition.

 Ne cherchons donc pas très loin les raisons qui ont poussé les Algériens à les fêter après la défaite en demi-finale comme des victorieux. Ces joueurs méritent bien cet hommage. Ce n'est pas une raison de ne pas garder la tête froide et de souhaiter, définitivement, que professionnel soit aussi algérien.