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Carton rouge et
fair-play Les rebelles du Flec (Front de Libération de l'Enclave de Cabinda)
ont mitraillé le car transportant l'équipe nationale du Togo. Deux morts et
plusieurs blessés. Plus terrible que le caillassage de notre EN. Plus horrible
que toutes les violences dans le sport. Les joueurs sont en réunion. Après,
Emmanuel Adebayor le capitaine dit aux journalistes :
«On a fait une réunion entre joueurs et on s'est dit qu'on était quand même des footballeurs. On a tous décidé de faire quelque chose de beau pour le pays et de jouer pour rendre hommage à ceux qui sont morts. Malheureusement, le Chef de l'Etat et les autorités du pays ont en décidé autrement. On va donc plier bagage et rentrer chez nous.» Ils son rentrés à la maison en laissant derrière eux l'entraineur adjoint et l'attaché de presse de l'équipe auxquels ils voulaient rendre hommage. Mais la voix des puissants a été la plus forte. La voix du politique a dominé celle des sportifs. Deux logiques, deux mondes se sont affrontés. Deux visages du monde des humains. D'un côté la spontanéité, la générosité et la beauté de la décision des joueurs qui voulaient offrir quelque chose de beau à leur pays et rendre hommage à leurs frères assassinés. De l'autre, la fermeture de l'univers politique. Black out, entêtement et intransigeance de politiques frileux et calculateurs. Faure Gnassingbé, le jeune Président mal élu, après les trente huit ans de dictature de son père Eyadema Gnassingbé était en campagne électorale. Il fallait frapper les esprits par une décision forte. Il l'a fait sur le dos des suppliciés. Alors que les footballeurs ont donné du Togo une belle image d'humanité et de fraternité, leurs dirigeants ont enlaidi cette image. Dirigeants aux petits pieds, aux c_urs étroits et aux calculs sordides. Par une décision unilatérale, ils ont démontré que la dictature a encore de beaux jours au Togo et dans toute l'Afrique, malgré les hennissements démocratiques qui ne trompent plus grand monde. Ils ont administré un énorme camouflet à la générosité des joueurs. Carton rouge pour les autorités du Togo et prix du fair play aux joueurs togolais. La gifle Je sais que je ne suis pas le seul algérien à avoir mal dormi, pas mangé et m'être réveillé le c_ur chaviré par la frustration et une profonde déception. Tout un peuple assommé, knout out debout, baladé entre les cordes du ring où les joueurs du Malawi régnaient presque en maîtres. Cela dit, quoique je connaisse, en athlétisme, les lendemains de défaite et leur amertume, lorsque dans ma tête, je refais la course perdue une dizaine de fois, pour ne savoir rien d'autre que ce pourquoi la course a été perdue. Ce que j'aurais du faire et que je n'ai pu faire. Ce que je n'ai pas fait pour couper le fil, le premier. Les joueurs et leur entraineur ont du faire et refaire plus d'une fois le match de l'imprévisible débâcle. Mais, nous sommes dans le monde du foot, une défaite de l'équipe nationale, n'a plus rien à voir avec les déboires d'un athlète. C'est la « Bérézina angolaise », programmée à trois heures moins le quart ; « pour des raisons techniques », explique un responsable, sans nous donner d'autres précisions sur la technicité de ce choix aberrant. Qu'il fallait contester pied à pied, d'autant que le même responsable reconnait que nous étions les seuls à jouer à une heure aussi « technique ». En l'occurrence, la technique avait des raisons que les angolais et les CAF...kaéiens, connaissaient très bien. Tout le peuple est resté hébété ; d'autant plus que tous, nous prédisions une victoire, difficile certes, mais une victoire quand même. Tous les dirigeants le disaient, certains le claironnaient, lorsque d'autres, plus prudents, le laissaient croire du bout des lèvres. Seul Saâdane lançait des signaux de détresse que nous n'avons pas su décrypter, obnubilés que nous étions par l'euphorie dévastatrice du 18.11. Seule vigie ne perdant pas le Nord, sachant ce qui se tramait dans les entrailles de son équipe et autour d'elle. C'est ainsi que j'ai compris sa placidité sur le banc de touche, après s'être un peu agité au début du naufrage, pour lancer quelques ordres afin de redresser une barre déjà fortement compromise. Il savait, en son fort intérieur, que les dés étaient jetés et que son équipe était en train de se faire froidement, mais surement, étriller sous 35 degrés à l'ombre. Et que les rues d'Egypte exultaient d'une joie vengeresse. Chute du dernier cache-sexe L'Algérie a été lessivée par le Malawi petit poucet de la CAN 2010. On ne peut faire illusion avec de l'illusoire. Qui bâtit sur le sable ou les marécages risque de voir sa bâtisse s'effondrer en un rien de temps. Alors que le front social flambe, le navire de l'équipe nationale prend eaux de toutes parts. Plus rien n'est camouflable. Le Malawi vient de nous enlever le cache sexe de nos dernières illusions. Et d'arracher la feuille de vigne dont se couvraient les politiques. Saâdane fut le premier à remettre les pieds sur terre en déclarant, en toute simplicité, que nous venions de recevoir une leçon d'humilité. Mais il faut aller jusqu'au bout de la descente aux enfers en dépassant la spontanéité de ce lucide mea culpa ; et évaluer, tête froide, toutes les erreurs commises. Surtout avoir l'humilité, en les reconnaissant, de les assumer, sans rejeter la faute sur les journalistes qui n'ont pas été tendres avec les dirigeants de la FAF et l'entraineur national. Ils se sont exprimés avec la liberté que leur permet le respect des règles de leur déontologie et de leur compte en pages publicitaires. Pour aller à l'essentiel, il faut reconnaitre la force dissolvante et destructrice de l'argent dans le monde du sport. En déceler les traces et en identifier les dégâts, à tous les niveaux, pour s'en prémunir à l'avenir. Si tant est que l'on puisse s'en prémunir lorsque la corruption bat son plein tout azimut le long des autoroutes, des pipes line et des gazoducs. Cela ne signifie nullement que le « travail sportif » et les prestations produites à la suite d'un long effort, ne doivent pas être récompensés en recevant leur juste salaire. Toutefois, puisque nous sommes dans le domaine du professionnalisme, que les termes du contrat soient respectés par tous ; et que les humeurs, susceptibilités et autres tripatouillages de mauvais aloi restent aux vestiaires, lorsque seul le terrain demeure l'espace des ultimes vérités. Pastiches et railleries en coin Depuis la débâcle non annoncée face au Malawi - qui aurait humilié l'Algérie, selon un commentateur, voulant probablement écrire que l'Algérie s'est humiliée face au Malawi ? je lis les commentaires des bloggeurs jusqu'à l'éc_urement. Je n'ai plus envie d'en parler, plus envie d'écrire. Je me reprends, car je sais qu'écrire est une issue pour sortir de la déprime ambiante. Parmi les internautes ayant commenté le papier sur « Raouraoua réunit le staff technique et les joueurs », paru dans El Watan, certains ne se prennent pas la tête, manière de dire mais ce n'est qu'un match de foot bon dieu. Ils se sentent alors pousser des ailes poétiques, au point de pasticher Victor Hugo et Apollinaire. Je vous en livre quelques extraits. Commençons par Benhugo Ait Victor écrivant, non plus à Léopoldine la fille bien aimée de Victor, mais au sage Sâadane qui en a ras le bol de toutes les injustices médiatiques Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne, Tu partiras. Vois-tu, Saâdane l'Angola t'attend Tu iras par la forêt, tu iras par la montagne. Tu ne peux demeurer loin de la CAN plus longtemps. Tu marcheras les yeux fixés sur tes pensées, Et quand tu arriveras, tu mettras sur la tombe Des Verts des bruyères pour les apaiser. Omar l'altitude avec la gracieuse participation Benhugo Ait Victor. Puis plus loin, probablement le même lecteur poète, du nom de Omar l'altitude avec la collaboration de Tata H'lima, se fait Apollinaire évoquant sous le Pont Mirabeau son amour pour Marie Laurencin, en se baladant sur les bords de la Seine, euh pardon, du fleuve d'El-Harrach Sous le pont coule l'Oued El Harrach Aicha pourquoi ce 3 à 0 contrarie nos amours Faut-il qu'il m'en souvienne La peine appelle toujours la peine Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont mais le score demeure ! Voilà, d'avoir recopié ces brins de poésie, espiègles et railleurs en coin, me réconcilie avec le monde du foot et un peu avec les verts. Les guerriers du désert Les Fennecs trop petits, même s'ils sont mignons et mutins tout plein, pour cadrer avec la démesure de l'ambition nationale, brandie à tour d'emblèmes, se sont transformés en « Guerriers du désert », par un coup de baguette médiatique, plus à la mesure de ce que le public attend et braille à coups de klaxons tonitruants. Je veux bien sortir de la fable de 1975 et des jeux méditerranéens à l'occasion desquels nous avions choisi le Fennec, mascotte des jeux. Mais que l'on me dise en quoi les « fennecs » de la finale Algérie ? France d'août 1975, ou ceux de 1982 et 86, ont-ils été moins vaillants que nos actuels « guerriers du désert » ? Il est vrai qu'à côté des Aigles, des Lions et des Eléphants, sans parler de nos amis Pharaons du Nil, les fennecs ne font plus le poids et ne sont plus à la taille des ambitions nationales mesurées en décibels patriotiques, voilant bien des dérives économiques et sécuritaires. Dernièrement, Le Matin a rendu compte, dans un article tout aussi poignant que grinçant des dents, de la mort de deux officiers supérieurs « un jour de foot ». La vague du foot banalise tout, la mort comme la misère. Mais face à ces « morts obscures », posons-nous simplement la question : qui sont donc les vrais guerriers du désert ? Le football n'est pas une science exacte Il est facile de parler, d'ergoter, de juger et de condamner que de se sentir concerné, à tout moment, pas uniquement au moment de la victoire, par la vie difficile de cette équipe nationale et de son entraineur, voué aux gémonies, par certains. Si tant de critiques s'abattent sur Sâadane et son équipe, c'est comme si l'ensemble constitué par la FAF, Sâadane et l'EN était devenue une représentation symbolique de l'Etat. Plus facile et moins dangereux de critiquer qui est à portée de main, plutôt que de s'en prendre à l'Etat réel, concret et répressif à souhait. Qui peut vous offrir la manne de ses pages publicitaires ou vous les retirer, si vous devenez un empêcheur de jouer en rond. Avant le match contre l'Angola, j'ai rencontré Hocine, un jeune de dix sept ans, amoureux fou de l'EN et respectueux de son «cheikh» d'entraineur. Il en veut aux journalistes qui «critiquent sans savoir». Il se livre : «tu sais, les critiques, les fausses nouvelles, les scoops «khorti» cela fait vendre_et la vente attire la pub. Ils se prennent tous pour des entraineurs ; moi même je le fais avec mes amis, mais c'est pour la frime. On parle de tactique, il aurait du les faire jouer en en 4.2.4, ou en 4.3.3 et patati, et patata. Mais en réalité on n'y comprend rien. Du reste, on sait que tout est commandé par l'argent. Tout le monde se sert. C'est la chipa âmmou, c'est l'argent qui dirige le monde.» Je lui dis qu'il n'y a pas que l'argent dans la vie «çà aussi on le sait, et malgré l'argent, l'équipe nationale on l'aime parce que c'est notre pays ! Et notre pays on l'a dans le sang !». C'est d'une logique imparable. Face aux élucubrations des uns et des autres au sujet des systèmes de jeu, on finit par se dire que toute cela c'est de la théorie, parce que nous sommes loin des réalités palpables de la vie de l'équipe nationale. Des tensions, des conflits qui y naissent comme dans tout groupe humain, des attirances et rejets qui la secouent et dont l'impact est connu sur le cours du jeu et son organisation. Dans le football existe une dynamique de groupe qui en anime la vie, une histoire et une culture communes qui se forgent dans des combats réels, difficiles, durs, où chacun laisse un peu de sa peau pour que le groupe avance. C'est comme cette histoire de chaleur et d'humidité : qui donc a joué sous un soleil de plomb, pour savoir si ça vous coupe les jambes ou non. Les médecins qui ont soigné Belhadj le savent. Comme les psychosociologues vous diront qu'il y a un sociogramme, qui explique pourquoi on joue souvent à droite et pas assez à gauche, pourquoi tel joueur préfète passer la balle à un tel, plutôt qu'à tel autre. C'est important mais pas déterminant. Certes, le football est loin d'être une science exacte, mais la science permet d'en comprendre les mécanismes, les flux d'énergie et les forces distributrices du jeu. Nous savons sur la base des travaux effectués par Norbert Elias que le système de jeu est essentiellement une configuration mouvante entre deux équipes, deux pôles, coopération et conflit, et que la répartition des joueurs sur l'aire de jeu, 4.4.2, ou 3.5.2, etc. n'est rien d'autre qu'une rationalisation plus ou moins bien réussie de l'occupation du terrain. Que ces configurations aussi mouvantes qu'aléatoires, visent à monopoliser ou à distribuer la balle pour construire une offensive et marquer un but. Mais cela demeure un jeu, souvent dangereux et parfois mortel. Un jeu loin d'être à l'abri de toutes les tentations et de toutes les manipulations : exploité par les Blatter et consorts, les annonceurs et leurs entreprises, et, pour finir, les hommes politiques. Finalement tout est lié. Passer au deuxième tour C'est une performance que de passer au deuxième tour. Les «criticailleurs et les criticasseurs» ont pour un temps suspendus leurs plumes, pour le moins railleuses. Le terrain a rendu son verdict. Passé le cap du Mali, maitrisé la fougue angolaise, même si la manière, le panache ou la bravoure n'y étaient pas. Mais il ne s'agit pas d'un seul match que l'on peut jouer à tombeau ouvert, mais d'une Coupe. D'un voyage au long cours, exigeant bien des calculs et devant compter avec bien des facteurs et aléas : la chaleur, l'humidité, les coups de soleil comme les coups du sort, les blessures du corps et celles de l'âme, les critiques justifiées et les coups bas. Et face à toutes ces turbulences, il faut garder le cap et la tête froide. C'est ce que Sâadane essaie de faire, son staff, ses joueurs et la fédération. Pour que le pays savoure la délivrance et se contente d'une petite joie, d'une joie tiède peut-être, mais qui rassure pour la suite de la compétition. Une joie faisant oublier que l'économie va mal Que les dispositions de la loi des finances 2010 nous ramènent au temps de l'économie administrée. Que les «Credoc» imposés, c'est pire que l'anti jeu pour asphyxier une économie qui tarde à trouver un second souffle et donne plutôt l'impression d'agonir. Que les travailleurs sont en grève pour défendre leur outil de travail, leurs conditions et leurs salaires. Que des entreprises ferment leurs portes, surtout les PEM qui ne peuvent mobiliser et immobiliser des sommes importantes chaque fois qu'elles s'adressent à l'étranger. Qu'une entreprise qui disparait, ce sont des jeunes qui perdent leur job, mais qui, comme Hocine, pensent à la harga_ et à la finale qui attend leur équipe nationale. Et puis l'équipe nationale en finale, c'est, en soi, une suprême harga. Qui donc disait, il y a bien longtemps, que la religion était l'opium du peuple ? |
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