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«Démocratie :
régime où tout le monde peut dire qu'il est en dictature.Dictature : régime où
tout le monde doit dire qu'il est en démocratie. »
Paroles d'un humoriste? Qui accepterait ou cautionnerait, raisonnablement, l'insulte faite à autrui, quelle qu'elle soit - en raison d'opinions ou de convictions lui appartenant -, prétendument au nom de la liberté d'expression ? Droit précieux, que nul parmi nous, ne saurait mettre en cause, élevés dans la patrie de la Révolution, des droits de l'homme et nourris dès le plus jeune âge, aux philosophies de la liberté. Nous ne reviendrons pas, au cours de cette contribution, sur les sanctions prévues par la loi française, lorsque cette liberté fondamentale est détournée, en particulier, à des fins d'incitation à la haine raciale. Nous nous situerons plutôt, du strict point de vue citoyen aspirant à la responsabilité et souhaitant, du mieux possible, la faire partager. La liberté d'expression ne doit pas devenir le prétexte à la banalisation du rejet de l'Autre au nom de croyances et/ou d'appartenances supposées ou réelles. L'idée que nous voulons ici mettre en évidence est que, précisément, au travers de l'organisation officielle de débats nationaux du type identité nationale et burqa1 (via une mission parlementaire pour ce cas d'espèce), il semblerait, que naisse, particulièrement ces derniers mois, une espèce de banalisation, sous les ors de la République et le sceau de nos plus hautes instances politiques, de la stigmatisation des minorités dites «visibles», au premier rang desquelles les minorités musulmanes ; précisément au nom de la démocratie et de la liberté d'expression. Souvenons-nous un peu. Lors de l'affaire dite «des caricatures danoises», publiées dans un premier temps par le Jyllands-Posten et dont une partie, ensuite, avait été reproduite par des journaux français en 2006, la liberté d'expression avait justement été invoquée pour justifier le bien-fondé de leur diffusion dans l'hexagone malgré les protestations, vaines, des citoyens musulmans de France et de Navarre. Motif : le droit à la satire. L'islam et les musulmans étaient, une énième fois, sous les feux des projecteurs, sous un jour, de nouveau, très négatif. En effet, depuis quelques années maintenant, à la faveur de critiques de plus en plus acerbes et tout à fait injustes, car essentiellement tournées vers la religion islamique spécifiquement, les musulmans sont littéralement pris en otage (abstraction faite de l'hétérogénéité de l'islam français) et ce, indistinctement; malgré par ailleurs la diversité du «parler» et du «vivre» musulmans. Autrefois, il était plutôt question de «beurs», dans les médias et dans la bouche de nos politiques et leaders d'opinion, aujourd'hui, l'usage du vocable «musulman» a remplacé le précédent, utilisé, au demeurant, à tort et surtout à travers. Son emploi s'est tellement banalisé, hélas, souvent pour le pire, que nous ne savons plus au juste ce qu'il est censé désigner : les Maghrébins d'origine, les Français d'origine x ou y, les jeunes de banlieue aux différents accents etc. Chacun de nous conviendra cependant (des pouvoirs locaux aux citoyens lambda), que l'écrasante majorité des musulmans vivant aujourd'hui sur le territoire de la République française, ne menace absolument pas l'Etat républicain et la laïcité dont il est si fier ; ces derniers s'y disent même plutôt très attachés quand on prend le soin de les interroger et d'écouter leurs réponses, généralement nuancées et apaisées. Nous voilà donc devant un étrange paradoxe, apparemment indépassable, qui tend à s'enraciner dans la société française : d'un côté, tout le monde ou presque, reconnaît la loyauté des musulmans, leur acceptation de la laïcité, et d'un autre côté, il leur est sans cesse demandé de nouveaux gages de loyalisme à l'égard de la France sous la forme d'injonctions systématiquement renouvelées. Comme si, in fine, il s'agissait d'individus perpétuellement étrangers au corps de la nation et suspectés, par-là même, de menacer la cohésion nationale. Au fond, être Français, au plan administratif, ne suffirait plus. Le principe de nationalité serait devenu obsolète, à en croire les promoteurs et certaines parties prenantes du débat sur l'identité nationale. Et ce, apparemment, dans la mesure où être Français supposerait la manifestation plus démonstrative de l'appartenance à la communauté nationale. Et c'est précisément là que le bât blesse : comment ? Du discours politique sur l'intégration, nous sommes passés, lentement mais sûrement, à un discours néo-assimilationniste qui n'ose pas dire son nom. Certains se drapent aujourd'hui volontiers des oripeaux de la liberté d'expression, pour régler, in fine, des comptes avec les citoyens et fidèles de confession musulmane, au détour d'une soi-disant lecture critique de l'islam et ce, à partir d'une dénonciation des prétendues dérives sectaires et intégristes qui restent pourtant éminemment marginales. C'est en réalité, à une approche largement «essentialisée» (lecture des sources en dehors de toute approche critique et historicisée) du corpus religieux2 et à un mépris manifeste, des données empiriques, patiemment collectées par nos sociologues, à laquelle nous nous heurtons régulièrement et que nous n'avons de cesse de «subir». Ce matériau empirique démontre, par exemple, d'une part, que le port du niqab ou de la burqa est un épiphénomène en France et d'autre part, que beaucoup parmi les femmes qui le portent, agissent librement sans la pression de quiconque et encore moins des maris ! A cela s'ajoute une contradiction majeure de nos élites politiques, qui contreviennent régulièrement au devoir de réserve auquel elles sont tenues en matière de religion, justement au titre de la laïcité. Beaucoup de personnalités de la commission sur la pratique du port du voile intégral sur le territoire national proclament, à hue et à dia, la neutralité de la République, et pour cela, nous leur en savons gré, et dans le même temps pérorent sur des questions de théologie islamique ! Pour s'en convaincre, il suffit de consulter les retranscriptions disponibles en ligne sur le site officielle de l'assemblée nationale à l'adresse suivante : http://www.assemblee-nationale.fr/13/commissions/voile-integral/index.asp Sciemment ou non, le message qui est envoyé aux musulmans, de façon subliminale, sinon déclamatoire, est le suivant : «Soit tu choisis ta foi, ton attachement aux dogmes de l'islam, soit tu adoptes le mode de vie à la française y compris en sacrifiant certains des aspects rituels ou ritualistes de ta religion dans l'espace public». Ce qui est une atteinte éclatante aux principes mêmes de notre laïcité. Or, c'est moins transformer les dogmes qu'il s'agit, car en ce cas qu'adviendrait-il de la liberté de conscience des croyants, que de modifier notre regard à l'endroit des citoyens musulmans et de l'islam ; lequel doit être, sinon reconnu (laïcité oblige), à tout le moins compris comme une religion contenant certes de l'invariant, mais laquelle est néanmoins inscrite dans l'histoire des hommes et adoptée par des musulmans majoritairement citoyens responsables. On raisonne, a contrario, nous le déplorons fortement, en gros sur le mode suivant : Le Coran dit ceci et cela dans tel ou tel passage ; le Prophète de l'islam dit également ceci et cela à tel et tel endroit des traditions ; donc LES musulmans et L'Islam SONT nécessairement, plus que d'autres à tout le moins, enclins à ceci ou cela (implicitement à la violence, à l'intégrisme etc.) Nous l'aurons deviné ; devant des raccourcis syllogistiques aussi éhontés, tout débat sérieux (discussions dépassionnées et équitables) est empêché ; les apôtres de la liberté d'expression privilégiant à l'évidence la vérité formelle à la vérité factuelle ; le tempo médiatique et sensationnaliste à la validité scientifique et contradictoire. On en vient à forger aujourd'hui de nouvelles catégories, qui ajoutent à la confusion des esprits beaucoup plus qu'à la clarté du débat. BHL (Bernard-Henri Lévy) évoque par exemple le «fascislamisme» et personne sur les plateaux de télévision, surtout pas les animateurs, n'y trouvent quoi que ce soit à redire ; vocable construit pourtant sur les mots «islam» et «fascisme» créant de nouveaux amalgames. «Islamisme» était un terme déjà bien mal choisi en son temps ; celui-ci désigne sous un même terme, les excroissances politiques de l'islam, qu'elles soient légalistes, radicales ou sectaires, l'amalgamant par ailleurs, tout de go, aux manifestations ostensibles de la spiritualité musulmane. Pourquoi alors au juste forger encore et encore de nouvelles catégories tout à fait inutiles et éminemment spécieuses et suspicieuses au plan politique et moral ? En effet, n'est-ce pas là encore une fois, une entreprise malveillante et/ou incantatoire ? Ou risque-t-on encore, de nous accuser de «schizophrénie» et de «paranoïa» de telle sorte que nous devions renoncer à susciter au moins l'interrogation chez nos concitoyens ? On tente par-là même, tout à fait insidieusement, d'appréhender le musulman et ses ressources identitaires, à l'aide de lunettes éminemment déformantes et sélectives. Et alors, que devient «la majorité silencieuse», toutes tendances confondues, choquée par les outrances dont elle est l'objet depuis quelque temps maintenant laquelle, en outre, a rarement l'occasion d'exprimer son ras-le-bol ? Ceux-là mêmes qui critiquent ouvertement les musulmans sur un mode volontairement stigmatisant et outrageant, s'autorisent ensuite à se faire les défenseurs des «vrais» musulmans, des croyants tolérants, en butte à ces «vilains barbus» sic ou ceux qui observent de trop près les rites et les dogmes ; parlant ainsi en leur nom. La burqa serait une atteinte à la dignité; soit. Et que pouvons-nous rétorquer à celles qui, droit dans les yeux, sans fléchir un instant, disent la porter librement ? Servitude volontaire ? Discours de façade ? Epargnons-nous la basse psychologie. On perçoit derrière la rhétorique du musulman «laïque» et/ou «progressiste», la citoyenne et le citoyen musulmans qui accepteraient, sans broncher, la critique même vexatoire ; et par ailleurs celui et celle qui, sans rechigner, se soumettraient à une espèce de paternalisme qui sent fort les poncifs néo-colonialistes. Suite en page 9 Les musulmans sont sommés en quelque sorte de se taire «religieusement» (accepter docilement la stigmatisation et que l'on parle à leur place), sinon pour exprimer leur ralliement aux Lumières et renoncer à la critique même constructive de tout pamphlet, fût-il grossier et particulièrement véhément à leur endroit. Il semblerait que la liberté d'expression, de pensée, ait souffert de pernicieux usages, d'une récupération monopolistique nourris par une espèce de culture de la provocation stérile que l'on assimile dans son entier, à un combat pour La Liberté. Le combat contre le voile et la burqa est considéré, par une certaine doxa, comme une lutte pour la dignité de la femme en général et de la musulmane en particulier. Qu'est-ce à dire ? C'est comme si on leur disait : «vous êtes libres d'être libres à notre façon»?Regrettable contradiction dans les termes?Le philosophe John Locke ne soutenait-il pas, il y a quelques siècles déjà, que l'autorité civile n'a d'autre fin que de garantir trois principes fondamentaux : l'intégrité physique, la liberté et la propriété des biens ? En quoi est-ce que la burqa nuirait-elle, par exemple, à l'intégrité du corps, à la santé personnelle ou à celle d'autrui ? En outre, peut-on forcer les gens à être heureux ? Le même John Locke écrit, dans son Essai sur la Tolérance de 1667, que : «Le port d'une chape ou d'un surplis ne peut pas plus mettre en danger ou menacer la paix de l'Etat que le port d'un manteau ou d'un habit sur la place du marché ; le baptême des adultes ne détermine pas plus de tempête dans l'Etat ou sur la rivière que le simple fait que je prenne un bain.» Mais, N'est-il pas vrai, que, le problème, posé en ces termes, risque très vite de nous enfermer dans une espèce de manichéisme dont il faut tenter de s'arracher : nous aurions d'un côté les libéraux, et de l'autre, les affreux censeurs. Aussi, quelques précisions sémantiques et philosophiques s'imposent. Personne ne récuse la liberté de pensée. Chacun peut penser, à titre individuel ou en réunion, ce qu'il veut de la religion. A ce titre, notre esprit, notre pensée n'est bornée par aucune espèce de norme morale, religieuse ou métaphysique. Qui pourrait d'ailleurs l'en empêcher ? Mais il ne faudrait pas, toutefois, que la liberté d'expression ne devienne l'esclave d'une liberté de pensée, formatée quotidiennement aux inflations politico-médiatiques en tout genre ; pour être invoquée, ensuite, à hue et à dia, par certains, les légitimant en quelque sorte dans leur entreprise de diffusion (via les mass media) de contre-vérités et on ne sait quelles autres insanités ; tout cela sur fond de tensions internationales largement instrumentalisées. Cette liberté fondamentale ne doit point se muer, sournoisement, - avec la bénédiction des médias -, en un droit inconditionnel à la désinformation, étouffant ainsi les voix discordantes qui viendraient à exprimer ses possibles dérives, quand elle se rapproche, par trop, des chemins escarpés de la diabolisation et/ou de la criminalisation de l'Autre minoritaire (en l'occurrence ici le citoyen musulman). Se posent ainsi de la sorte, avec insistance, les problèmes «d'une déontologie journalistique» ou médiatique, ainsi qu'une réflexion globale sur «la liberté de communication publique», sous-jacents à notre démarche d'ensemble. Oui à la critique de l'islam naturellement, mais Non à l'atteinte à la dignité de nos concitoyens, sitôt que le verbe se fait exclusif et inutilement provocateur ; à plus forte raison, quand il se crée, perfidement, au sein d'une société française déjà fortement fragilisée par la paupérisation et les échecs sociopolitiques des élites successives, l'illusion d'un danger intrinsèque de la foi islamique et des accents, paraît-il nécessairement violents, de ses adeptes. Au moment même où notre pays éprouve plus que jamais d'énormes difficultés à intégrer ses minorités ethniques et religieuses et où les discours diabolisant les immigrés vont bon train, la prudence, vertu de l'homme sage (du politique notamment) ou du phronimos comme le dit Aristote, est de rigueur. En effet, quand est-ce que nos libertaires cesseront d'abonder dans la caricature, les procès en sorcellerie, confondant lamentablement l'islam avec les musulmans ; l'idéologie politique et les aspects strictement extérieurs, rituels, et partant, généralement pacifiques de la foi monothéiste ? Un tel mauvais diagnostic conduit fort malheureusement à préconiser de très mauvais remèdes, distillant via les mass media, une représentation quasi fantasmatique des réalités sociologiques de l'islam de/en France. A contrario, on se doit de défendre avec la même opiniâtreté et ferveur, toutes les idées, y compris celles apportant de précieuses nuances, et parfois des corrections de contenu, aux propos pamphlétaires des polémistes, rompant ainsi courageusement avec l'inégalité de traitement dont sont souvent victimes «les mal pensant»; lesquels ne sont pas toujours ceux que l'on croit. Les pourfendeurs de la doxa (opinion ou idée reçue) seraient-ils à ce point forcément des ennemis de la liberté ? Est-on encore en mesure, en France, de critiquer un usage pervers de la liberté d'expression, sans être immédiatement taxés d'affreux censeurs liberticides ? Il y a foncièrement un malentendu de taille, suscité et alimenté subrepticement, à des fins politiques et idéologiques, par une frange de libres penseurs et d'intellectuels français aussi - profitant de leurs diverses tribunes -, qui confondent dangereusement/fallacieusement la liberté d'expression, ET un droit inconditionnel, non pas seulement à dire tout, mais pis : à diffuser n'importe quoi, n'importe quand. Attitude qui serait en soi inoffensive, si elle ne faisait germer, nolens volens, dans l'inconscient collectif, l'idée suivant laquelle l'opinion d'un individu ou de quelques-uns, représenterait in fine «l'opinion commune ou publique»; et d'autre part, l'idée que l'Occident libre et civilisé serait, de facto, plus attaché aux droits fondamentaux, que ne le seraient, ceux qui s'élèvent (musulmans ou non) à raison, contre les préjugés éculés prenant démesurément pour cible l'islam et l'ensemble de ses fidèles. Le quidam, l'homme ordinaire disons, ne dispose pas forcément, tant s'en faut, des clés indispensables à la compréhension, même sommaire, des fondamentaux de l'islam ; dans ce cas, pourquoi prendre le risque de répandre, à grande échelle, des idées partielles et partiales au sujet des musulmans et de leur religion, sur un ton monocorde, créant par-là même, un climat de suspicion généralisé ? Ce climat délétère dessert en définitive tout le monde et, au premier chef, les citoyens de tous horizons. Aussi, est-on encore prêts à sacrifier notre responsabilité morale, à une époque où la presse tend à re-devenir à l'opinion publique, ce que, avec à peine d'exagération, «le Parlement est à la volonté générale» ? «Du côté libéral, cependant, Alexis de Tocqueville dénonçait un double despotisme des sociétés de masse : celui de la bureaucratie d'Etat, d'une part, celui de la majorité d'autre part ; deux puissances entre lesquelles l'individu atomisé se trouverait pris comme en étau. Or, «la majorité» que Tocqueville soupçonnait d'exercer une tyrannie douce, insidieuse, sur l'individu renvoyait en particulier à une opinion publique représentée dans la presse et qui voudrait se faire passer pour l'opinion commune (?) l'opinion publique ne serait que l'opinion déclarée (par les journalistes et les instituts de sondage, en particulier) comme étant l'opinion commune, de sorte qu'elle deviendrait une sorte de norme officielle exerçant une violence spécifique de censure. Bien que majoritaire, l'opinion réelle des gens demeure alors privée, non dite, mise sous le boisseau3 .» On peut effectivement être attaché fermement à la liberté d'expression et néanmoins, condamner, avec certes des arguments rationnels et «laïcisés» (pas question de parler de délit de blasphème), les propos d'un penseur ou d'un politique, tout en veillant également, très scrupuleusement, à ce qu'il ne soit néanmoins, à aucun moment, inquiété physiquement pour ses convictions ; en d'autres mots, dénoncer et battre en brèche les apriorismes sans remettre en cause le principe absolu de liberté d'expression et l'intégrité des personnes. Il ne s'agirait donc, aucunement, de critiques ad hominem, ni d'une remise en cause de la liberté d'expression ; que les choses soient bien claires une fois de plus ! En effet, on combat quelqu'un en discutant, dans le débat, et non pas en le menaçant physiquement. C'est pourquoi, nous dénonçons, sans la moindre réserve, les menaces de mort prononcées, entre autres, à l'encontre, par exemple, d'un Robert Redecker en France. La bêtise n'est pas un crime, fort heureusement ! Aussi, un philosophe, par définition, n'est-il pas, précisément, constamment en prise avec ses contradicteurs ou adversaires, et par conséquent, ouvert en permanence au dialogue scientifique critique ? Rappelons tout de même, que l'étymologie même du mot grec filosofia est bâtie sur les vocables «amour» et «sagesse». Nous attendons des philosophes de notre pays qu'ils élèvent le débat ; qu'ils ne soient surtout pas, dixit Pierre Bourdieu, «des intellectuels négatifs» ! L'évolution des mentalités, de part et d'autre, aussi bien chez les musulmans les plus conservateurs (bien que minoritaires) que chez les caricaturistes et polémistes (politiques ou non) de tout poil, ne pourra s'opérer qu'au travers de débats renouvelés, avec toutes les sensibilités, mais avec une égalité de traitement, et surtout dans un égal respect. Si la critique, assurément, élève, elle peut aussi humilier et avilir, lorsqu'elle est devient un outil de promotion, aux mains d'une seule catégorie, d'idées reçues qui n'invitent pas au dialogue à têtes reposées, divisant ainsi davantage les Français au lieu de les rassembler autour de principes communs, à la fois simples et clairs. En effet, la polémique, la caricature devient pernicieuse dès lors qu'elle cultive l'ambiguïté et les amalgames et d'autant plus, quand elle court-circuite ensuite allègrement le débat. Ce chemin de traverse, entamant la paix civile et l'intercompréhension des individus au sein du tissu social de la nation, aucune personne sensée et responsable ne saurait y souscrire. 1 - Par la force des choses, la question de la « burqa » s'est muée en un débat national avec toutes sortes d'enjeux ; notamment celui de l'identité nationale laquelle serait, nolens volens, menacée par cette tenue vestimentaire (venue d'ailleurs) référant, à tort ou à raison, à l'islam. Avec un paradoxe immense : un vêtement venu d'ailleurs, certes, mais bel et bien d'ici, présentement en tous les cas. Ainsi, le débat sur l'identité nationale et la question de la burqa sont des thématiques fortement imbriquées. 2 - A ce titre, nous invitions nos chers lecteurs d'aller visiter l'excellent reportage, auquel a contribué le professeur Raphaël Liogier de l'université d'Aix-en-Provence, diffusé sur Oumma.com à l'adresse suivante : http://www.oummatv.tv/Il-y-a-des-femmes-derriere-la 3 Jean-Marc Ferry, La Question de l'Etat européen, Paris, Gallimard, 2000, p. 232-233. A lire, notamment, l'excellent chapitre V qui traite, outre des «transformations historiques de l'espace public», «d'une théorie critique des médias». L'auteur s'insurge, par ailleurs, contre «les déformations, distorsions, endoctrinements muets, limitations sémantiques et dégradations grammaticales que le message médiatique opère dans la communication publique». |
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