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Une révision, une autre !

par Kharroubi Habib

L'Etat a décidé de réviser l'actuelle loi sur la concurrence, dont le ministre du Commerce a admis qu'elle n'offre pas de dispositions qui protègent le consommateur contre les mouvements spéculatifs qui aggravent l'inflation à laquelle sont sujet les prix sur le marché national.

 Djaaboub, qui a fait lundi l'annonce de ce projet de révision, a déclaré que «le but de l'Etat avec cette révision n'est pas de fixer les prix mais de mieux les contrôler», et ajouté «que ce n'est pas un retour au système socialiste, mais nous allons tenter de trouver un juste milieu».

 Notre ministre du Commerce et avec lui les pouvoirs publics semblent enfin avoir pris conscience que l'inflation inconsidérée qui fait flamber les prix sur les marchés est pour une grande part d'origine artificielle que ne justifient en aucun cas les sacro-saintes lois de l'offre et de la demande, et de la liberté des prix, qu'il y a en somme un mouvement spéculatif que l'Etat doit combattre en se dotant de nouveaux moyens juridiques. Ceux qui lui permettraient d'agir par exemple dans des cas où cette inflation est trop grande, qu'il y a situation de monopole, une grosse spéculation ou une entente illicite. Or, c'est précisément ce qui a lieu sur le marché national. De ce fait, il n'existe pas de concurrence dont la pratique serait favorable aux consommateurs.

 L'Etat le sait, mais a laissé faire, en se contentant de temps à autre de faire savoir qu'il sait qui sont les monopolistes et les spéculateurs. La loi sur la concurrence, telle qu'elle est chez nous, même actuelle, ne rend pas légales les augmentations de prix injustifiées, les hausses débridées, les situations de monopole et les ententes illicites. Seul le laxisme des pouvoirs publics les a rendues possibles. L'initiative des autorités de réviser l'actuelle loi sur la concurrence est bonne dans son principe, qui vise à permettre à l'Etat de plafonner les prix et de fixer les marges bénéficiaires entre les différents intervenants dans le circuit commercial quand se produisent de fortes hausses de prix sur les marchés.

 Il reste à savoir s'il existe néanmoins une volonté d'assainir les us et pratiques qui ont cours dans cette sphère. Ici comme ailleurs chez nous, ce ne sont pas les textes législatifs et règlementaires qui sont défaillants. La défaillance provient de ceux qui ont la mission de les appliquer. Les situations de monopole et les ententes illicites qui empêchent toute concurrence sont, c'est un secret de Polichinelle, le fait d'individus et personnages dont les entrées auprès des pouvoirs de décision et de contrôle sont connues et vérifiées. Leur identification n'échappe pas aux pouvoirs publics.

 C'est en tout cas se qu'a affirmé le Premier ministre il y a quelques mois, quand le mécontentement social est monté d'un cran au constat de la vertigineuse flambée des prix qui s'est déclarée sur les marchés du pays. Affirmation assortie de la menace que l'Etat allait sévir contre cette faune de profiteurs. L'on veut bien croire que la révision annoncée de la loi sur la concurrence soit un passage obligé pour cet Etat, avant qu'il ne mette en pratique la menace proférée par le Premier ministre. Mais que de réformes et de lois décidées par l'Etat dans l'intention louable de changer et moraliser les comportements en divers secteurs, sont restées lettre morte devant la combinaison de l'influence dont les possibles touchés disposent et les complicités dont ils jouissent au sein même de l'Etat.