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Lorsque l'intention fait défaut

par Aissa Hirèche

Nous avons certes battu l'Egypte. Nous irons sans doute en Angola et en Afrique du Sud et cela suffit incontestablement pour que les choses continuent à être ce qu'elles sont pendant au moins quelques mois? Et après ?! Mais après ?!

Assis sur notre incroyable autosatisfaction, nous nesentons même pas les choses venir. Dormir, c'est confortable. C'est facile. Mais il faudrait bien un jour se résoudre à se? réveiller. Parce qu'on ne vit pas de sommeil et d'irresponsabilité. Le monde bouge autour de nous, au-dessus de notre tête, et sous nos pieds et, enfoncés dans ce que nous pensons être le drap de notre aise, nous ne sentons même pas les secousses, si nombreuses pourtant, qui soulèvent le lit de notre inconscience et nous avec.

 Sur le chemin d'un futur que tous décrivent difficile et impitoyable pour les faibles, nous n'avons même pas pris le temps de planter quelques repères. Ou de tracer une issue de secours. Au cas où!

 Les nations responsables, sentant les difficultés venir, se sont attelées depuis au moins une dizaine d'années à relever leurs standards et à redresser leurs ambitions. Des plus légitimes aux moins sensées. Manches retroussées, regard collé au but et avec grande volonté, les uns se déchirent en dix pour remettre l'éducation de leur jeunesse sur les rails, les autres se cassent en vingt pour repenser leur mode de vie, les autres se débrouillent avec ce qu'ils sont pour faire coller la formation au marché de travail, les autres posent les bonnes questions et se tuent à trouver les bonnes réponses.

 Tous ne réussissent pas de la même manière. En fonction des hommes et des moyens, les résultats varient bien sûr d'un pays à l'autre et d'une région du monde à l'autre?

 Lorsqu'un pays a la chance de disposer de suffisamment d'hommes et de moyens, il y a beaucoup de chances pour qu'il se propulse dans les meilleures cases du jeu. Et en Algérie ce ne sont ni les hommes qui manquent ni les moyens. Il y a seulement l'intention de les mettre en œuvre qui fait défaut. Et lorsque l'intention est au rayon des absents, plus rien ne va. A-t-on seulement idée de ce que nous sommes en train de perdre chaque jour que Dieu fait ? Imagine-t-on seulement ce que nous accusons comme retard chaque soir lorsque les autres tombent, crevés de fatigue, et que nous allons continuer notre inutile journée dans le café du coin ?

 Contentes d'avoir travaillé, chaque jour un peu plus, pour les générations futures, les nations d'aujourd'hui dorment avec le sourire aux lèvres alors que, ne faisant rien ni pour nous-mêmes ni pour personne d'autre, nous trimbalons sous le soleil du jour nos rictus génétiques et nos froncements de sourcils innés.

 Les errements qui, depuis un si long demi siècle, ne finissent pas de creuser le sillon d'un temps suspendu n'auraient en toute vraisemblance abouti à rien d'autre sinon la destruction de tous les repères et la mise à feu de toutes les valeurs. A part cela, rien de bon!

 Qu'avons-nous fait en un si long moment ? Nous avons changé deux fois de weekend et nous avons passé chaque fois vingt ans à contempler notre œuvre, les mains dans le ventre et les yeux dans les poches. Dans vingt ans, nous changerons encore notre weekend !

 Maintenu en état de respirer grâce au don divin que constitue le pétrole, nous nous somme accommodés de la pire des situations rentières, c'est-à-dire celle où les morceaux et les miettes vont aux puissants du moment et où le faible est sommé de remercier, avec chants et applaudissements, pour n'avoir rien reçu.

 Le devenir d'une nation ne peut être considéré ni comme étant une affaire intime ni comme un passe temps pour enfants à l'intelligence douteuse. Il y va de l'avenir de générations entières, quand même, et la génération actuelle a le devoir, oui le devoir, de rendre à ceux qui viendront plus tard leur pays en bonne et due forme !

 Boire du pétrole aide certes les invalides à vivre le présent sous perfusion mais jamais, au grand jamais, cela ne saurait être vu comme un moyen de préparer l'avenir. D'autres, beaucoup d'autres, l'ont compris, nous pas ! Il suffit de voir ce que ces autres ont fait lorsqu'ils ont compris qu'ils n'étaient pas sur bonne voie. Ils ont, pour ainsi dire, remué le monde! Plus rien n'est comme avant. Ils courent à cent à l'heure derrière l'accréditation de leur université, ils foncent à deux cent à l'heure derrière le relèvement des standards de leur gouvernance, ils appuient à fond dans leur course derrière l'amélioration des indicateurs les plus significatifs. Pas ceux qu'on brandit en passant devant la porte des ONG ou des autres organisations. Non, les bons, les vrais, ceux qui font qu'une nation soit une nation réellement, pas les faux fuyant!

 Le nombre est banni, de nos jours, chez presque tous les peuples du monde. Il n'y a que quelques fins fonds de l'humanité qui y tiennent encore. Pourquoi faudrait-il que nous y soyons ? Ce n'est plus le «combien» qui occupe les esprits des gouvernants, mais le «comment» des choses qui les empêche de dormir, qui les fait courir. Pendant ce temps, on continue quelque part, à réciter en, sirotant du lait, les chiffres qui ne signifient plus rien.

 On définit généralement la capacité d'un système quelconque comme l'espace qui relie l'intention à la réalisation? ce qui suppose qu'il y ait intention. Mais lorsque l'intention n'existe pas ?