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Le tramway d'Oran sera-t-il livré dans les délais ?

par Houari Barti

Quatorze mois se sont déjà écoulés depuis le lancement, en octobre 2008, du projet de réalisation du tramway d'Oran. Un projet dont le délai contractuel a été fixé à 26 mois.

Le groupement espagnol Tramnour chargé de la réalisation vient ainsi de consommer un peu plus de la moitié des délais qui lui sont impartis.

 En théorie, donc, le projet devra être réceptionné à la fin de l'année en cours, même si parmi les Oranais beaucoup émettent de sérieux doutes quant au respect de cette échéance. Une appréhension nourrie tant par les difficultés qu'a eu à affronter le groupement espagnol tout au long de ces quatorze mois de travaux, notamment en matière de déviation des réseaux, que par l'absence quasi totale de communication. Un déficit en communication qui incombe aussi bien à Tramnour qu'au maître de l'ouvrage, l'Entreprise du métro d'Alger et sa tutelle, le ministère des Transports. Que se passe-t-il réellement donc dans le chantier du tramway d'Oran ?

 Selon certaines indiscrétions, l'entreprise chargée de la réalisation, en l'occurrence, Tramnour, aurait «de sérieuses difficultés» à assurer la cadence nécessaire à la bonne marche du projet. Des difficultés qui, selon les mêmes sources, iront en s'accentuant, car il sera beaucoup plus difficile de les gérer, une fois les travaux entamés au centre-ville. Une zone de la ville connue pour l'exiguïté de ses artères et la densité de son trafic automobile.

 Mais ce qui fait craindre le pire, c'est surtout la complexité et la vétusté de ses réseaux souterrains, qu'il faudra dévier avant de lancer les travaux de terrassements et de réalisation des plates-formes. Déjà, dans d'autres artères de la ville comme l'avenue de l'ANP ou encore le boulevard Mascara, la circulation automobile est carrément étranglée en dépit des solutions de rechange adoptées par la direction des Transports. Une situation particulièrement pénalisante pour les usagers du transport en commun qui, souvent, sont obligés de passer plusieurs dizaines de minutes, voire même des heures pour rallier leur lieu de travail. Autre catégorie de citoyens qui subit les retombées négatives résultant de ces travaux, les commerçants dont les locaux se trouvent sur le tracé du tramway, à l'instar de ceux de l'avenue principale d'Es-Sénia, qui ont vu leur chiffre d'affaires divisé par deux, et même trois. Ceci dit, il s'agit en effet, «d'un mal pour un bien», comme l'a si bien résumé, lors de ses différentes interventions, le wali d'Oran, M. Sekrane Tahar, en évoquant cet aspect. Cependant, il est reste encore difficile aujourd'hui d'avancer, sans risque de se tromper, un taux d'avancement des travaux, car aucune parmi les instances chargées du projet, ni l'Entreprise du métro d'Alger (EMA), ni le groupement Tramnour n'acceptent de communiquer sur le sujet. D'après les termes du contrat liant le ministère des Transports au groupement espagnol (Isolux Corsan et Alstom Transporte), le projet doit être opérationnel avant fin 2010. Face à cette situation de flou total, certains techniciens locaux ont brisé ce silence, car pour eux «tout semble indiquer aujourd'hui, et la réalité du terrain le confirme, qu'il devient de plus en plus difficile d'envisager que le projet soit livré dans les délais». Ils ont même avancé que dans le cas où le rythme des travaux continue avec cette faible cadence, ils s'attendent à un retard de «deux années» minimum sur les délais prévus. D'autres sont allés encore plus loin en affirmant que ce retard tant redouté a fait réagir les pouvoirs publics. C'est ce qui expliquerait, selon eux, le changement effectué il y a quelques mois par les Espagnols au sein de l'équipe dirigeante de Tramnour, à qui, dit-on, on a reproché une cadence trop faible des travaux. Mais d'après nos sources, personne n'a intérêt à ce que les délais soient dépassés, particulièrement la partie espagnole qui risque de payer de lourdes pénalités à la partie algérienne en cas de retards. En effet, et conformément à l'article 36 du CCAG et des dispositions de l'article 78 du décret présidentiel n°002-250 du 24/07/2002, modifié et complété portant réglementation des marchés publics, les pénalités de retard prévues sont appliquées sans mise en demeure préalable sur la simple confrontation de la date d'expiration des délais contractuels d'exécution et des dates de réception provisoire. Pour le cas précis du projet du tramway d'Oran, ces retenues sont appliquées en cas de dépassement des délais contractuels relatifs à chaque délai partiel, qu'on désigne selon les termes du contrat sous la dénomination de «Jalon», à condition bien évidemment que ces dépassements de délais sont imputables au titulaire c'est-à-dire Tramnour ou à l'un de ses sous-traitants.

 Le montant de ces pénalités, précisent nos sources, qui s'effectue sous forme de retenues journalières calendaires peut varier, selon le jalon en question, entre 300.000 et 600.000 dinars en HT/jour.

Selon certaines indiscrétions, actuellement, le projet serait au stade des jalons J8 et J9. Deux jalons qui correspondent au délai de 15 mois de travaux. A ce stade, Tramnour est censé être dans la phase de réalisation de «l'accès pour l'installation des voies sur l'axe sud (cité Volontaire-terminus partiel-place Mokrai) et sur l'axe Est (place Mokrai-carrefour clinique Nekkach).

Pour convaincre les Oranais que le projet est en bonne voie, les autorités locales, et à leur tête le wali d'Oran, ont décidé d'exposer le tramway en grandeur nature au niveau du palais des expositions à M'dina Jdida. C'est le chef de l'exécutif qui en a fait l'annonce en marge de la quatrième session ordinaire de l'APW. M. Sekrane a indiqué que toutes les voitures du tramway sont arrivées au port d'Oran et qu'actuellement elles étaient en cours d'assemblage. Concernant les difficultés rencontrées sur le terrain, il a indiqué que sur les 35 km du tracé du tramway, les difficultés sont ressenties sur quelque 2,5 km, notamment à la place du 1er Novembre (ex-place d'Armes), au boulevard Emir Abdelkader et l'avenue Saint-Eugène, en raison de l'étroitesse de la voie. Le problème ne se pose pas au niveau des endroits où la voie est large. M. Sekrane a ajouté que le tracé du tramway sera prolongé jusqu'à l'aéroport international d'Es-Sénia, tout en rappelant que des prolongements sont prévus vers le nouveau pôle universitaire de Belgaïd et vers Oran Ouest, notamment les Amandiers. «Dans certains endroits, les travaux sont très avancés et on a déjà commencé à poser les rails, comme à Es-Sénia», a-t-il précisé. En effet un second lot de rails, environ 15,36 km, a été débarqué, le 23 novembre dernier, au port d'Arzew, avant d'être acheminé vers les entrepôts de Sidi Maârouf. Au mois d'octobre dernier, un premier lot de dix kilomètres de rails est arrivé aux chantiers, en plus d'autres équipements, à l'instar des portiques-tramway et du matériel d'isolation servant à limiter les vibrations.

 Pour rappel, le tramway d'Oran aura un tracé bidirectionnel étendu sur une longueur de 18,7 kilomètres, entre la commune d'Es-Sénia et la localité de Sidi Maârouf via la place du 1er Novembre au centre-ville, comprenant 30 rames d'une capacité de transport de 325 passagers chacune, soit 88,5 millions de passagers par an. Une extension a été décidée par la suite, du côté Est de Sidi Maârouf vers le futur pôle universitaire, et du côté Sud d'Es-Sénia vers l'aéroport. Lancé fin 2008, le projet devra coûter plus de 39 milliards de DA. Le consortium «Tramnour» en charge du projet est composé du groupe d'ingénierie espagnol «Isolux Corsan» et du fournisseur français de tramways «Alstom».