Le
monde appar tient à ceux qui se lèvent
tôt, dit-on. On dit aussi que l'occasion fait le larron. Donc, si on conjugue
les deux dictons on peut aboutir à des conclusions assez intéressantes. L'une
d'elles serait qu'on a beau se lever tôt, mais s'il n'y a pas d'occasions à
saisir on aura perdu quelques heures précieuses de sommeil, ce qui n'est pas
rien_ avouons le. Salah croit dur comme fer au premier dicton, qui lui a été
inculqué par son père et son père par son grand père, une tradition familiale,
en quelque sorte. Ce qui fait que Salah, son père et son grand père et
peut-être bien leurs arrière, arrière grands parents, n'ont jamais pu goûter
aux délices d'une grasse matinée. Ils ne savent pas ce que c'est et ne peuvent
supporter l'image d'une personne dormant le matin. En fait, notre ami se lève
toujours avant l'aurore, bien avant le coq, et d'ailleurs c'est lui qui le
réveille d'un coup de pied en sortant de chez lui alors que la lune est encore
bien haut dans le ciel. Salah a 35 ans et, depuis l'âge de 12 ans, il se lève
de bonne heure, de très bonne heure comme vous l'avez eu à constater. Depuis
qu'il est en âge de travailler, il sort le matin à la recherche du monde, ou
plutôt d'un travail qui pourrait l'aider à subsister, dans ce monde déjà. Mais
jusque-là, il s'est toujours levé tôt, mais le monde ne lui appartient toujours
pas, parce qu'il n'a jamais rencontré la bonne occasion. Déçu jusqu'au plus
profond de son être, Salah ne croit plus au dicton et même s'il se lève tous
les jours avant le coq, c'est plus par habitude qu'autre chose. Un jour,
pourtant, en sortant de chez lui, après avoir donné un coup de pied au coq, il
tomba net, de l'autre côté du trottoir, sur un ami, un autre lève-tôt, qui courait
comme un forcené. Intrigué, il décida de le suivre. Il courut après lui à
perdre haleine. Il déboucha sur le port ; un bureau y était ouvert, avec,
au-dessus, un écriteau qui disait : Engagez vous dans la marine marchande, un
bon salaire vous attend et vous verrez du pays ! Comme quoi, un troisième
facteur était nécessaire : la Chance !