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Le gouvernement égyptien a décidé de «mobiliser» les religieux d'AlAzhar pour obtenir une fatwa justifiant la création d'un mur d'acier souterrain entre Rafah la palestinienne et Rafah l'égyptienne. Avec sa proverbiale promptitude, Al-Azhar, sous la houlette du très évanescent mufti Sayyed Tantaoui, a défendu le droit de l'Etat égyptien «d'édifier des installations et des barrages permettant de sauvegarder sa sécurité, ses frontières et ses droits». Les auteurs de cette fatwa sur ordonnance savent qu'ils suscitent, au mieux, un sourire condescendant. Al-Azhar n'a certes jamais brillé par son irrévérence à l'égard du pouvoir politique, mais il a pendant longtemps conservé une marge de réserve consistant dans un repli silencieux quand des décisions du régime sont manifestement injustifiées. Le gouvernement Moubarak, soucieux de complaire aux Américains afin de bénéficier de leur onction pour une transmission héréditaire du pouvoir, a lui aussi perdu sa petite marge, qui consiste à s'abstenir de mesures qui rendent trop voyants son alignement et sa vassalité. Le régime cairote savait que la construction d'un mur d'acier, dont l'effet est de rendre encore plus hermétique le blocus imposé à la population de Ghaza, ne pouvait que susciter l'indignation. Mais le souci de complaire à l'Empire, unique soutien politique réel, l'emporte sur toute autre considération. Même celui de la décence la plus élémentaire. La sollicitation d'Al-Azhar est intervenue après des prises de position sans équivoque de religieux musulmans, dont Cheikh Qaradhaoui, condamnant ce mur souterrain de la honte. Al-Qaradhaoui a estimé que ce mur était condamnable, que l'on se situe aux plans religieux, politique ou humanitaire, et il s'était gaussé de cette «pauvre sécurité nationale» invoquée par le pouvoir égyptien. Le gouvernement égyptien - on l'a vu dans la dérisoire troisième mi-temps qu'il a ouverte contre l'Algérie après le match de Khartoum - considère que le recours massif à ses médias télévisuels et la mise en branle générale de ses clientèles politiques et religieuses sont suffisants pour justifier une politique qui suscite la honte et la colère de très nombreux Egyptiens. A force d'abuser de ces différents instruments, il les discrédite de manière irréversible. Al-Azhar, en conservant sa «petite marge», a pu développer un contre-discours face aux mouvements islamistes radicaux. En l'amenant sur le terrain de la justification du mur, le gouvernement égyptien ruine le reliquat de légitimité de l'institution religieuse égyptienne. Al-Azhar, qui était pendant longtemps une référence académique, ne trouvera aucun religieux dans le monde arabe pour donner du crédit à sa fatwa d'acier importé. Les religieux sont comptables de ce qu'ils émettent. Et même dans des sociétés où la religiosité est forte, une fatwa d'Al-Azhar ne peut l'emporter sur le bon sens ou le sens commun. Aucune exégèse ne peut trouver d'argument pour la construction d'un mur destiné à empêcher l'arrivée du minimum - les tunnels entre les deux Rafah ne peuvent faire plus - dans une Ghaza détruite et encerclée. Le mur d'acier de Moubarak est inacceptable. C'est la fatwa de bon sens des femmes et des hommes libres du monde entier et pas seulement des musulmans. |
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