Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Entre mystification et réalité

par Kharroubi Habib

Rien ne changera au Conseil de la Nation après le renouvellement partiel de sa composante ce 29 décembre, si ce n'est qu'une autre fournée de privilégiés occupera les travées de son hémicycle. Pour le reste, cette chambre haute du Parlement continuera à approuver mécaniquement et à mains levées tout ce que l'exécutif lui demandera.

 Incorrigibles byzantins, les commentateurs et analystes de presse que nous sommes avons trouvé au scrutin qui perpétue cette situation, des enjeux dont nous sommes les seuls à faire semblant de croire qu'ils existent. Ce en quoi nous participons, consciemment ou pas, à la mystification qui consiste à présenter l'agitation et les tractations auxquelles ce scrutin a donné lieu dans le marigot politico-partisan sous l'aspect d'une confrontation démocratique entre formations politiques aux visions et programmes différents.

 S'il est exact que le FLN et le RND se sont livrés un duel au cours de ce scrutin sénatorial, il est faux qu'ils l'ont fait sur la base de divergences programmatiques, comme l'ont prétendu leurs porte-voix. Leur guerre électorale ne doit rien à un «choc des idées». Elle est tout simplement la conséquence de l'ambition de chacune de ces formations à vouloir rester ou à devenir le relais politique prédominant du pouvoir en place. Au-delà de leurs «affrontements» en périodes électorales, les deux partis sont associés dans l'alliance présidentielle et au gouvernement de la République. Preuve s'il en est que les divergences dont ils se targuent ne sont qu'expression d'inimitiés individuelles et non doctrinales. Que dans ces conditions, le Sénat ou l'Assemblée nationale aient une majorité FLN ou Rndiste ne change en rien la donne essentielle, qui est que les deux formations «roulent» pour le même pouvoir.

 Cela, les Algériens l'ont compris depuis longtemps et ce ne sont pas nos laborieux commentaires et analyses qui les convaincront d'une réalité autre. Pour eux, ces deux partis sont et restent un attelage tiraillé peut-être par des discordances, mais qui, fondamentalement, va dans la même direction. Ce qui est la vérité vraie puisque la politique gouvernementale, conduite par Belkhadem ou par Ouyahia en étant à la tête de l'exécutif, tient le même cap.

 N'eussent été les peu ragoûtantes magouilles auxquelles ont donné lieu ces élections sénatoriales, l'opinion publique ne se serait même pas préoccupée de connaître qui a été candidat et pour qui. Que l'élu soit FLN ou RND pour cette opinion, c'est «Moussa El-Hadj ou El-Hadj Moussa». Et ce n'est pas la façon dont les choses se sont passées dans cette élection sénatoriale qui va réconcilier les citoyens avec la sphère partisane et notamment avec le FLN et le RND qui, en la circonstance, ont confirmé qu'ils vivent et évoluent totalement en dehors de la société algérienne.

 Il est dommage que le Parti des travailleurs, qui capitalise de la sympathie populaire pour s'être montré plus «accro» aux préoccupations citoyennes et s'en est fait le porte-voix, se soit laissé entraîner à prendre position dans la fausse vraie guerre que sont censés se livrer ce FLN et ce RND.

 De nouveaux sénateurs vont entrer à la chambre haute. Ils sont les seuls à avoir motif à satisfaction. Et comment non, puisqu'ils feront désormais partie de cette caste des privilégiés du régime à qui tout est offert et permis.