|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Les affaires de trafic de drogue passent et se ressemblent. Les faits
exposés hier devant le tribunal criminel d'Oran ont, une fois de plus, mis en
évidence le caractère structuré et bien charpenté des réseaux de kif. Des
termes comme «hallab», «bardâa», entre autres mots du jargon propre aux
narcotrafiquants, reviennent tels des leitmotifs dans les procès qui se
tiennent devant cette juridiction et dont les dossiers dérivent du pôle
spécialisé. Même les magistrats découvrent et apprennent chaque jour cet argot
déformé et crypté, pour se mettre sur la même longueur d'onde que les
professionnels de cette activité criminelle. Comme presque toutes les affaires
précédentes liées au «trafic de drogue par une organisation criminelle», celle
d'hier a pour cadre la région frontalière algéro-marocaine. La genèse en
remonte à l'été 2008, lorsque la perquisition dans un domicile situé à Bab
El-Assa, à Maghnia, se solda par la saisie de 811 kilos de kif. Peu de temps auparavant, le propriétaire de cette demeure, un
certain B.Y, avait pu s'enfuir vers l'autre bout de la frontière, où les
patrons pour qui il travaillait lui auraient proposé, par le truchement d'un
intermédiaire, cela s'entend, de l'envoyer en Belgique pour être leur relais
là-bas. C'était là beaucoup plus un ordre qu'une
offre. Autrement dit, B.Y., père de famille, n'avait pas le choix. Le fugitif
s'enfuit alors à nouveau, en sens inverse cette fois-ci, préférant mettre fin à
sa cavale en se rendant aux services de sécurité algériens. Sans doute espérait-il que son geste sera vu d'un bon oeil par la
justice et lui prodiguerait quelque faveur en fin de compte. Ainsi, ce
sans-emploi, à l'image de beaucoup de jeunes de cette zone frontalière,
raconta-t-il ses débuts dans le filon de la petite contrebande comme «hallab»
(contrebandier porteur de marchandise à dos de bêtes de somme) de mazout et
d'essence, avant d'être recruté par les barons du kif, qui lui achetèrent par
le biais de M.A. une Renault 25.
A l'origine, selon ses dires, cette voiture était censée être un prêt de la part de ses partenaires, visant à développer ses moyens utilisés dans le trafic de carburant. Mais ce cadeau empoisonné n'était en fait qu'un appât dont le but était d'entraîner le hallab dans un milieu autrement plus dangereux, celui du kif. En l'espace de quelques mois, au bout de trois ou quatre opérations, B.Y. est passé d'un vulgaire hallab de mazout à un gros pourvoyeur de drogue, sous la bannière du caïd du kif, B.B. (accusé en fuite), alias Ras el-roula (tête d'ogre), un Algérois qui s'est installé au Maroc. Le premier coup réussi par B.Y. consistait en une opération de 1,2 quintal de kif, dont il s'en tira avec 15 millions de centimes, sa part du gâteau. Hier, son coaccusé, A.A., a nié en bloc les faits qui lui étaient reprochés. Il s'est dit même être à l'origine des informations parvenues aux services de sécurité faisant état de l'existence de plus de 8 quintaux de kif dans une maison-garage à Bab El-Assa. Ses déclarations étaient cohérentes et appuyées par des preuves probantes. Aussi, a-t-il été acquitté en fin de compte. B.Y., l'ancien hallab, a été quant à lui condamné à la réclusion à perpétuité. La même sentence a été prononcée contre six autres accusés en fuite, dont le gros bonnet du kif surnommé Ras el-roula. |
|