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Une fausse avocate arrêtée à la cour d'Oran

par H. Saaïdia

Le palais de justice d'Oran a été jeudi le théâtre d'un incident peu commun, dont l'auteur était une jeune femme, la trentaine. L'acte commis par celle-ci aurait pu être mis dans le chapitre «faits insolites» au regard de la gaucherie avec laquelle a agi cette femme, s'il ne consistait pas en cette grave infraction: usurpation de fonction. La scène s'est déroulée dans la matinée de jeudi, jour consacré à la réception des justiciables par le parquet général de la cour d'Oran depuis l'entrée en vigueur du nouveau week-end (auparavant c'était tous les mercredis). En raison de l'ampleur du flux des visiteurs ou d'indisponibilité, comme il arrive très souvent, les justiciables sont dispatchés sur les bureaux du procureur général (PG) et de ses adjoints (PGA).

 Portant le voile et vêtue de la robe noire, vêtement officiel de la profession d'avocat, la femme en question, un paquet de dossiers sous les bras, est reçue par un procureur général adjoint. Motif de la visite: demande de renseignements sur le dossier de l'un de ses clients. Mais l'oreille du parquetier a vite décelé quelques fausses notes dans le jargon de l'avocate, dont le vocabulaire juridique très approximatif lui paraissait très suspect. En tout cas, cela ne pouvait pas passer sous le nez d'un PGA. Le bâtonnier du barreau d'Oran, en sa qualité de garant du respect des droits matériels et moraux de la profession, est appelé pour confronter la prétendue avocate. Il n'en fallait pas plus pour que la jeune femme se décide de tout avouer.

 Ainsi, il s'est avéré qu'elle n'est pas avocate, ne figure pas sur le grand tableau du barreau d'Oran, ni sur celui d'aucun autre barreau. La toge qu'elle portait, elle l'a empruntée à une avocate, une vraie, en prétextant une audience urgente et en prétendant avoir oublié la sienne chez elle.

 L'avocate crédule est sortie «indemne» de cette histoire... enfin presque, puisque sa toge a été provisoirement saisie comme pièce à conviction.

 La pseudo-avocate a été, quant à elle, poursuivie pour «usurpation de fonction», action déclenchée contre elle par le parquet général sur plainte du bâtonnier du barreau d'Oran, étant donné que l'acte commis par la mise en cause portait préjudice à l'image de cette institution. Placée en garde à vue, elle devra être présentée demain, tous les éléments constituant le flagrant délit étant réunis dans ce cas. Mobile de son acte ? Selon le bâtonnier, en enfilant la robe noire, la mise en cause avait l'intention de faciliter son accès devant les services administratifs de la cour en vue de recueillir des informations sur un justiciable dont elle prétendait assurer la défense, mais elle s'est trahie par «ses propos fort démarqués du jargon professionnel», a-t-il fait savoir.

 Selon des informations parvenues «a posteriori» au bâtonnier, cette jeune femme aurait été vue auparavant à plusieurs reprises dans l'enceinte du barreau dont le local se trouve au sein du siège de la cour, mais personne n'avait été intrigué par la présence de l'intruse, en raison, entre autres, du nombre important de l'effectif que compte l'organisation d'avocats d'Oran, qui dépasse les 3.100.

 Détail important: les trois ou quatre dossiers qui étaient en possession de la mise en cause étaient des dossiers de justiciables authentiques, et non des pièces d'artifice, ce qui privilégie davantage la version non écartée par le bâtonnier, selon la quelle la mise en cause pourrait avoir eu recours à ce mode opératoire pour monnayer ses (indus) services rendus à des justiciables bien ciblés.