Le procès d'un réseau de trafic de drogue, tenu hier devant le tribunal
criminel d'Oran, a été marqué par le réquisitoire tonitruant du représentant du
ministère public. Celui-ci a remarquablement disséqué le dossier, interprétant
avec vivacité son rôle de défenseur de la société. «Si la loi prévoyait la
peine de mort en matière de trafic de stupéfiants, je n'aurais pas hésité un
moment à requérir cette sentence contre ces barrons qui empoisonnaient nos
jeunes», a-t-il martelé. A défaut de quoi, il a demandé la réclusion à
perpétuité contre les cinq accusés. Les faits remontent au 1er avril 2008. Lors
d'un barrage dressé par les gendarmes sur la route reliant Mascara à Takhmaret
(Tiaret), une fouille d'un véhicule de marque Toyota Hilux, opérée
fortuitement, s'est soldée par la découverte de 10 kilos de kif. A la faveur
des nouveaux textes en la matière autorisant la prolongation de la garde à vue,
et grâce à leur flair, les enquêteurs ont pris le temps nécessaire de mûrir
l'enquête avant de procéder à la présentation des trois personnes arrêtées à
bord du pick-up, lequel acte aurait éventuellement tout gâché s'il avait eu
lieu prématurément. Si les gendarmes ont décidé de «creuser» l'affaire avant de
la livrer au juge d'instruction, c'est qu'ils étaient soucieux de mettre à nu
le «modus operandi» du réseau que de remonter aux autres ramifications. Ils ont
donc demandé aux trois trafiquants appréhendés, en l'occurrence B.M, le
convoyeur de la marchandise, G.M, le pourvoyeur de la région de Ghardaïa et
Ch.B, le pseudo-paysan, de continuer le jeu, de faire semblant qu'ils
poursuivaient l'exécution du plan convenu. A partir de la brigade donc, le
convoyeur appela un certain S.H.S, celui qui devait réceptionner la marchandise
à son arrivée à Oran, dans la perspective de son acheminement vers Ghardaïa. Au
prétexte que son véhicule était en panne, le convoyeur a suggéré le changement
du lieu et de la date de la rencontre convenue. Ne soupçonnant rien, S.H.S est arrivé
au rendez-vous donné dans un café à Es-Sénia. Sitôt sur place, les gendarmes
lui passent les menottes. Le scénario continue. De la même façon, le gros
fournisseur du groupe, un baron du kif marocain nommé Barison Ahmed, sera
entrainé vers le piège. Arrêté, celui-ci nie tout lien avec le groupe et
prétend être venu en Algérie dans le cadre de son activité d'agriculteur. Mais
les enquêteurs n'en ont pas cru un seul mot, pas plus que la juge, qui a par
ailleurs longuement fouiné dans le fichier de ce Marocain qui a écopé deux ans
d'emprisonnement dans les prisons de son pays pour «outrage à la famille
royale». Selon les enquêteurs, les 10 kilos de kif saisis faisaient partie
d'une quantité de 28 kilos, qui a été divisée en deux parts. Ce n'était-là, à
en croire la même source, qu'un petit «échantillon» qui faisait office de
mission d'éclairage pour l'acheminement ultérieur, via le même itinéraire,
d'une grosse cargaison de plusieurs quintaux.