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Sommet de Copenhague: L'Afrique, la grande perdante

par Amine L.

L'Afrique est la grande perdante de l'échec du sommet de Copenhague. Après 12 jours de discours pompeux, le bilan du sommet de Copenhague sur le climat est plus quae décevant: un «accord» non contraignant qui n'est pas signé par tous les pays, obtenu au terme de pourparlers menés en coulisses. Les Africains sont de faibles pollueurs mais les principales victimes du réchauffement climatique. Le principal échec de Copenhague est l'accord obtenu par les Etats-Unis et la Chine lors de discussions parallèles. Un document non contraignant bien en deçà des discours proférés. Son contenu est loin de satisfaire les attentes. Il s'est contenté d'affirmer «la nécessité de limiter le réchauffement planétaire à 2°C par rapport à l'ère préindustrielle». Le texte ne compte aucun engagement chiffré de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et ne comporte aucun détail précis sur les moyens à mettre en oeuvre. Il se contente d'évoquer vaguement «une coopération». Une simple déclaration politique. Le sommet n'a pas débouché sur un accord ambitieux.

 Les observateurs disent en tous cas que cet échec est prévisible. Ce n'est pas à la hauteur du défi à relever, jugeait le négociateur soudanais Lumumba Di-Aping, qui représente les pays en développement (G77 et la Chine). Pour l'Algérie dont la position a été réitérée par le président Abdelaziz Bouteflika, il ne s'agit pas seulement de négocier la réduction des gaz à effet de serre pour remédier à une situation de plus en plus dramatique, mais surtout de réfléchir également à une série de mesures d'accompagnement à même de concilier développement économique et préservation de la nature.

 L'Algérie estime que la question de la réduction des gaz à effet de serre n'est qu'une partie du problème tant que ne sera pas engagée une action commune sur le volet compensatoire lié aux financements auxquels pourront accéder les pays africains qui sont les plus pénalisés. L'Algérie, à l'instar des pays africains, refuse la disparition du texte de Kyoto, dont la première période d'engagement prend fin en 2012. L'Afrique exige de le prolonger sur 2012-2020. «Le protocole de Kyoto est le seul instrument légalement contraignant. Le processus de ratification a pris sept ans. Nous ne lâcherons pas ce traité tant que nous n'aurons pas de certitudes sur l'adoption d'un prochain traité», affirme l'Algérien Kamel Djemouai, au nom des Africains. Les pays africains ont manifesté leur colère en suspendant leur participation aux groupes de travail pour protester contre le manque d'attention portée à l'avenir du protocole de Kyoto, seul à imposer des contraintes aux pays développés.

 Il faut dire que l'Europe et particulièrement la France ont tout fait pour rallier l'Afrique à leur cause et par ricochet s'opposer aux Etats-Unis et à la Chine. La France avait même fait signer à un délégué africain un texte sur la conférence de Copenhague incluant des objectifs chiffrés sur la réduction de 2 degrés de la température globale et sur le financement. Sarkozy a aussi tenté de rallier le Brésilien Lula et l'Ethiopien Meles Zenawi, porte-parole de la cinquantaine de pays d'Afrique présents à Copenhague. La France évoquait une aide annuelle de 10 milliards de dollars jusqu'en 2012, dont 40% pour l'Afrique et 20% pour limiter la déforestation.

 L'Union européenne a affirmé vouloir accorder 50 millions d'euros de compensation d'urgence à quatre pays de la Corne de l'Afrique qui souffrent de la sécheresse induite par le réchauffement climatique. La moitié de la compensation d'urgence européenne - 25 millions d'euros - a été promise à l'Ethiopie. Une enveloppe de 13 millions d'euros va permettre de financer l'achat de nourriture et de bétail pour les populations du Kenya. L'UE a promis à la Somalie une compensation financière de 7 millions d'euros et 5 millions d'euros en nourriture, en eau potable et en médicaments. De leur côté, les Etats-Unis ont proposé une compensation de 100 milliards de dollars par an d'ici à 2020 pour répondre aux besoins des pays en voie de développement liés au changement climatique. Bien qu'elle ne soit pas assortie d'un chiffre sur la part qu'endosserait l'Amérique dans cette aide financière, sujet essentiel pour obtenir la signature des quelque 130 Etats du groupe du G77, cette promesse a été perçue comme un pas positif. Car, sur les engagements chiffrés de réduction des rejets de CO2, personne n'attend de progrès de Washington.

 Les USA ont annoncé avant Copenhague qu'ils réduiraient leurs émissions de carbone de 17% en 2020 par rapport à 2005. Rapporté à l'année de référence du protocole de Kyoto, ce chiffre équivaut à 4% de réduction à peine, en raison de la forte hausse des rejets survenue de 1990 à aujourd'hui.

 La Chine, deuxième émetteur mondial de CO2, a promis de réduire son «intensité carbone» de 40 à 45% d'ici à 2020, soit une diminution des rejets de CO2 pour chaque point de croissance économique. Par ailleurs, les pays producteurs de pétrole rejettent la proposition d'instaurer une taxe carbone. Si une telle mesure est appliquée, les pays producteurs de pétrole et de gaz risquent de connaître une chute de leurs revenus.

 Selon Chakib Khelil, ministre de l'Energie et des Mines, sur les ondes de la radio Chaîne III, cette réduction pourrait atteindre, d'ici 2050, les 3.000 milliards de dollars. La Chine a aussi affiché son hostilité à la taxe carbone, qui risque d'affecter le développement du commerce extérieur. La Chine estime qu'une telle taxe ignore le fait que les pays en voie de développement et les pays développés doivent endosser différentes responsabilités et obligations.