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Les lentilles et les nantis d'une corruption des cimes

par B.Khelfaoui

Le peuple algérien avait, ces dernières semaines, d'autres panthères à fouetter !

Il fêtait - à juste titre - le come-back de son onze national, désormais à la page, sans inutiles pharaoniques bavardages, notamment à l'issue de son exploit au match barrage, de la vingt-huitième place qu'il occupe au sein des nations qui pratiquent un ballon sans caillassage !

Ainsi, c'est toute l'Algérie qui avait clamé : «One Two Three, viva l'Algérie !», «Algérie mon amour, Algérie pour toujours !» dans un élégant et extraordinaire tapage? Nul besoin de recourir à d'inutiles enquêtes, quand bien même bien faites, pour attester que le monde entier aurait remarqué cette extraordinaire euphorie caractérisée par une jeunesse en liesse, brandissant les couleurs nationales, affichant des expressions vocales et corporelles d'allégresse ! L'Algérie avait besoin d'être formatée ! Les informaticiens de Saâdane et le fer-à-souder d'Antar Yahia étaient là pour dissiper le stress en soudant, à partir du Soudan, le peuple en masses!

 Ainsi, l'Algérie avait chanté, sans cesse, avec sa jeunesse» moi, je t'aime ! «et dansé «ragsat lehmam» sous le tango de «Ya leyyam ! «?Une jeunesse stéréotypée, à tort ou à raison !, à la «H» tels que Harraga et Hittistes, laquelle cependant, et à chaque croisée des chemins, «charbonise» la locomotive de nos wagons presque rouillés dans les gares de nos tares. Des Harraga qui se comptabilisent statistiquement, à la Une des journaux, en multiples de dizaines, au moment où nos précieux et «braveheart» Hittistes - n'en déplaise aux jongleurs des chiffres pièges à l'ANSEJ - le sont, en centaines de milliers, autour des tables de domino, à ironiser sur la composante automobile des heureux cortèges!

 S'il est vrai que « Rien n'est trop difficile pour la jeunesse »*1. Ces Hittistes, quoiqu'on soit encore incapable à délimiter le (es) signifié (s) de ce signifiant éclos comme par enchantement au pied et/ou au-delà d'un mur des lamentations, défiant les murs d'un Berlin insoucieux et en déphasage flagrant vis-à-vis d'une révolution censée et recensée être «par le peuple et pour le peuple», et bien qu'ils soient «très» occupés par leurs murs*2, ils ont cependant, à l'instar de leurs ainés la veille du premier novembre 1954 répondu à l'Appel de novembre 2009 ! Ils se ruèrent en masse, pour rejoindre le Soudan Frère afin d'y réconforter, sur place, les lions du désert, ils défendirent, ainsi, ensemble les couleurs?

 Ils avaient tellement scandé « Djeich, Cha3b m3ak ya Saâdane, n'jibouha f'Soudane! », que le mur - qui est, quoiqu'on critique, indubitablement mûr - a fini par s'émietter dans un éclair en donnant naissance à une piste d'où décollèrent avions civils et militaires !

 Par ailleurs, ces Hittistes ont aussi le mérite d'avoir forcé l'état d'urgence en vigueur depuis février 1992 ! En effet, la prise d'Alger, par des tsunamis indomptables, à l'instar de toutes les villes d'Algérie, s'est conçue et exécutée spontanément sans qu'il y ait nullement besoin d'un quelconque ordre de bataille qui ne prend de décisions qu'après appréciation des diverses situations ! Car tout simplement « La jeunesse est plus apte à inventer qu'à juger, à exécuter qu'à conseiller, à lancer des projets nouveaux qu'à poursuivre des anciens »*3? Pour ces raisons, nos « Hittistes », que dis-je !, nos « Braveheart*5 » méritent plus qu'un tête-tête ramadhanèsque, décoré par des chiffres « zalabia » contant les « boukalas » de l'ANSEJ, ANGEM ou que sais-je ! Paradoxalement, devant cet élan anesthésiant, Ch'ayeb Lekhdim, le légitime, dont le cœur, en dépit de ses lésions, bat à la cadence de Kassamen et Mindjibalina (ce dernier hymne qui fut chanté, en mémoire, par notre onze dans les vestiaires de la victoire !), est en droit de se gratter les neurones, cherchant tant à élucider, dans une équation de rapprochement comparatif, l'énigmatique passerelle entre cette extraordinaire prise en charge réservée à l'emblématique novembre 2009 et celles qui peinent à brûler - à la Tarek Ibn Ziyad - les rafiots des Harraga et à briser - à la Helmut Kohl - les murs des Hittistes, qu'à se donner une raison pour expliquer l'explosion des prix, dont le tonnerre assourdissant s'est dissout dans l'euphorie comptant les « One, Two, Three? », qui veut le priver de son seul et unique plat de lentilles Blech avec comme dessert quelques dattes sèches !?

 En effet, et bien que « la généreuse » tripartite ait consenti à revoir à la baisse le pouvoir d'achat des heureux fonctionnaires et travailleurs détenteurs des miraculeuses fiches de paies smicardes en rapiéçant le SMIG par la largesse de l'étoffe servant de filet social, Che3ayeb Lekhdim ce pauvre Yattim, qui est toujours servi à la carte dans les bureaux d'Algérie poste, ces tavernes d'Ali Baba où il ne pêche, pourtant, pour sa famille de cinq personnes, que ces 3000 DA/mois pour les travaux quotidiens de nettoyage à la brouette qu'il accomplit voilà bientôt douze années !, découvre par des opérations effectuées sur le tableau de sable que si ces riches smicards, auxquels il rêve vainement d'adhérer, ont eu droit à 25% de hausse du SMIG, ils ont vu cependant leur pouvoir d'achat revu à la baisse de 33% !? Le cas concret auquel il s'est référé demeure cet indomptable prix des fameuses lentilles, qui coutaient avant le match de la conquête 120 DA/KG et ce sont vues, dans l'opacité de l'euphorique fête qui avait détourné les têtes, affichées la modique taxe de 180 DA/KG !? Que va-t-elle cuire, Aïni la pauvre pétrolée, pour ses Aicha et Omar, dans sa vieille et squelettique marmite, rouillée à force d'avoir servi pour les purées de fer des lentilles, puisque ce plat, dont elle se souvient comme si cela datait d'hier, de son entrée au fond de sa Guedra, est devenu, du jour au lendemain, inaccessible pour les poches trouées de son Homme à la brouette !? Désormais, il ne lui reste plus que l'incontournable Tchicha, trempée dans un pseudo-lait bouilli pour tromper la faim de ses misérables, en guettant la fin du feuilleton mexicain ! Cette énième épisode où il est une fois encore, à la Une des écrans de la corruption, question des Héros de la haute sphère qui jouent - sereinement/souverainement -, à la Khalifa and co, des scènes de multiplication de zéros débitant/créditant ça et là des comptes rasés sans blaireau !!!? Elle a beau essayer de rassembler le peu de neurones intelligentes, qui peinent à court-circuiter son cortex, pour décoder ce mystère à l'ADP (Algérienne Du Pétrole) qui permet voire facilite aux « initiés » d'accaparer, à répétition, les 3000 milliards?, au moment où son infortuné Ch'ayeb Lekhdim est malmené, dans le filet de la honte, avec 3000 Dinars !? Et, aussi, comment ces nantis pourraient comprendre/imaginer sa dépendance pathologéconomique*4 au Fer des lentilles !?

 Enfin, en demeurant de fervents optimistes, et bien que « L'arrière-saison apporte à l'homme les élans de sa jeunesse, mais sans leur innocence »*5, Ch'ayeb Lekhdim tout comme sa fidèle et dévouée Aïni ainsi que leurs Aicha et Omar, ont, toutefois, l'imperturbable certitude que le Système opaque, qui est, à chaque envolée de la pomme de terre, « accusé », à tort ou à raison, par le commun des bigleux badauds, s'illuminerait de ces torches qui ont éclairci la nuit du destin footballistique !?

 Le bateau s'est redressé, quoique le Nil qui n'est pas aussi profond ait contribué à la stabilité de la barre de gouvernail, il ne reste qu'à rationaliser efficacement l'utilisation de nos boussoles et compas de voilier afin que notre direction de marche nous mène à la terre promise? !

 En conclusion comme en perspective, c'est un secret de polichinelle, d'évoquer, encore une fois, cette réorientation de notre boussole, sachant que le génie algérien n'est guère à chercher - même assisté de la précieuse carte Michelin - dans une quelconque lampe d'Aladin, il est plutôt à découvrir dans les cœurs et les esprits de la jeunesse prometteuse, qui l'a hérité, inconsciemment, dans des gênes, léguées après avoir été pétries et façonnées dans le moule des matchs face à des équipes en relais : les Phéniciens, les vandales, les romains, les Espagnols, les Turcs?et les Français ! Donc ! , ce qu'il faut frotter, pour un miraculeux «Choubbayk Loubbayk», ce sont les cœurs et les esprits des Ch'ayeb Lekhdim et Aïni et non les lampes miraculeuses d'un éphémère pétrole, siroté - impunément - par ceux qui sont censés en être les anoblis gardiens !?...

 Décidément, wait and see demeure la sage devise devant ces apprentis sorciers des antichambres des forces occultes « anti-chaveziens » qui sont, encore une fois, vaincus par l'éternel Novembre ! Ce mois sacré méritant la vénération car ayant le pouvoir miraculeux de mobiliser, spontanément, tout un peuple !?

Notes:

*1- Socrate

*2- Une enquête initiée et exécutée par un éminent Professeur, a fait ressortir que les murs d'Oran et d'Alger étaient « gardés » par des Hittistes tellement besogneux et occupés comme des abeilles-ouvrières autour de leur ruche, qu'ils remarquèrent cet étrange « enquêteur » qui perdait son temps à ne rien faire !

*3- Francis Bacon (Les essais)

*4- terme désignant la relation économie/pathologie (en voie de lexicalisation sur proposition de Ch'ayeb Lekhdim)

*5- Edmond Jaloux