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Le vrai vaccin contre la grippe porcine

par Kamel Daoud

Une grande vérité lue surInternet (facebook): ni vaccin, ni Tamiflu, Algériens de toute l'Algérie ne comptez que sur vous-mêmes ! Explication: contre la grippe A, vous ne pouvez compter que sur vous-mêmes: lavez-vous les mains car l'Etat se lave déjà les siens en donnant des chiffres. Barkat a déjà prouvé ce qu'il ne peut faire devant le virus que ce qu'il a fait devant la pomme de terre devenue fruit sous son règne. C'est vous dire qu'il ne vous reste que vous-mêmes contre la maladie. Le pays est une bonne terre mais une mauvaise machine: si nous n'avons même pas réussi à distribuer équitablement les 2.000 DA du cartable du pauvre, ni le couffin du ramadan, ni les logements sociaux, ni les aides de l'ANSEJ, ni l'Indépendance, ni les grades de colonels, ni les budgets des wilayas, on ne va pas quand même réussir à distribuer équitablement le vaccin contre la grippe A.

 Nous n'avons ni la volonté pour le faire (l'Etat ne nous aime pas et on ne l'aime pas), ni les mécanismes, ni l'éthique, ni les circuits pour en réussir la ventilation. Une loi molle a déjà fixé les populations prioritaires selon le naufrage du Titanic: les femmes enceintes, les enfants, les vieux, les corps de sécurité. Sauf que contrairement à l'équipage du Titanic où le capitaine et les musiciens ont préféré le martyr, il faut présumer que cette liste va comprendre les gens du pétrole, les hauts cadres, les Services, les proches, les parents, les connaissances, les influents, les puissants, les forts, les musclés, les insolents, etc. Nous avons, en effet, l'habitude, depuis les premiers Souk El-Fellah et les plans anti-pénurie, de nous organiser très vite selon le rapport de force et de sang: pour la banane comme pour le vaccin contre la grippe A. Donc, cette fois-ci, nous ferons comme d'habitude: il faut que chacun retrouve vite sa «famille» et sa généalogie.

 Que va-t-il rester au fond du ruisseau ? Une chose molle, enfiévrée, tremblante et contagieuse, «éternuante» et sans papiers mouchoirs: le peuple. Si vous en faites parti, vous allez peut-être mourir. La fin du monde ne sera même pas une fin du monde mais seulement la vôtre, insignifiante et sans générique. Vous allez donc éternuer sans pouvoir vous arrêter et votre seule consolation sera la réplique selon le hadith: «yarhamouka Allah», prononcé sous forme d'injection virtuelle pour vous aider à aller dans l'au-delà avec un bon de garantie. Ah que c'est dur d'être le peuple ! Vous chantez, vous applaudissez, vous vous battez, vous faites de grandes choses et prenez de grandes poses, mais lorsque vous mourrez, c'est vous seul qui crevez car le peuple vous survivra sous une autre forme, toujours musicale et statistique.

 Le pire pour un homme c'est d'incarner le peuple: il est toujours derrière le dos de quelqu'un même quand il se fait face à lui-même. Le peuple est grand mais toujours anonyme. Donc prenez garde: ni vaccin, ni Tamiflu. Seulement vous et le savon. Lavez-vous les mains, ne vous embrassez pas, éviter les réconciliations, les référendums, les choeurs, les claviers, les téléphones communs, la tendresse physique et l'espoir pharmaceutique.