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One, two, three, viva le magot de la rente !

par Kharroubi Habib

Très tôt, l'opinion publique a été convaincue que le pharaonique chantier de l'autoroute Est-Ouest donnait lieu à des pratiques de corruption à grande échelle, à la mesure de la faramineuse enveloppe qui lui a été consacrée. Par la rumeur d'abord, puis par le résultat d'enquêtes judiciaires qui ont conduit à l'inculpation de personnages aussi bien du monde des affaires que de responsables haut placés de l'administration et d'entreprises en charge de la réalisation du projet.

 Déjà ainsi, le scandale est énorme. Mais il s'annonce encore plus destructeur avec les révélations apportées par notre consoeur S. Tlemcani d'El Watan, établissant que pour la corruption qui a eu cours pour cette réalisation, le «beau monde» impliqué n'est pas circonscrit aux seules personnes interpellées dans le cadre des enquêtes diligentées. Et pour du «beau monde», c'en est un, et rutilant, selon ce que croit savoir notre consoeur. Avec à l'avenant des ministres de la République, des officiers supérieurs de l'armée, d'autres grands commis de l'Etat et même de célèbres et fieffés trafiquants étrangers agissant pour le compte de groupes de pression de leurs pays d'origine.

 La première question que nous nous posons est celle de savoir si les enquêtes ouvertes l'ont été par une volonté politique déterminée à faire la lumière, toute la lumière sur la corruption et la prédation qui ont sévi dans ce projet de l'autoroute, où si tout simplement elles l'ont été à titre de pression d'un clan sur l'autre dans la lutte de pouvoir toujours à l'oeuvre au sommet de l'Etat. Les deux interrogations dans notre question trouvent justification.

 Il n'est pas impossible en effet que le clan présidentiel ait été à l'origine des enquêtes ouvertes sur la gestion du chantier de l'autoroute. Enquêtes dont le but attendu était que la détermination de Bouteflika à lutter contre la corruption imprègne l'opinion publique et conforte ainsi sa cote de popularité, singulièrement en baisse depuis sa réélection.

 Sauf que l'opération «mains propres» voulue par le milieu a été peut-être considérée comme le visant par l'autre clan du Pouvoir, au sens où elle ne concernait que des personnes qui lui seraient proches. D'où sa menace d'un «grand déballage» qui n'épargnerait pas le camp présidentiel, ainsi que le laisse entendre l'identité des personnalités données comme ayant elles aussi trempé dans des affaires scabreuses en lien avec le projet de l'autoroute.

 La seconde question est donc celle du jusqu'où vont aller les enquêtes ouvertes : à ce «grand déballage» dont on nous a servi un avant-goût ou à un enterrement entérinant un compromis de «raison» au sommet de la République. Une chose est pourtant sûre : c'est que le Pouvoir a très vite reperdu le capital confiance qu'il avait quelque peu retrouvé auprès des citoyens en surfant sur l'extraordinaire élan de patriotisme qui a soudé la nation, peuple et gouvernants, en réaction au déchaînement anti-algérien suscité en Egypte par Moubarak et son clan.

 Les révélations sur la prédation et les turpitudes ayant eu cours autour du chantier de l'autoroute font que ces citoyens sont vite retombés de l'euphorique union sacrée qu'ils ont cru nécessaire de créer autour du Pouvoir pour la défense de l'honneur et de la dignité de la nation. Il n'a pas fallu longtemps pour que ce Pouvoir leur réapparaisse comme ce qu'il a toujours été : un conglomérat d'affairistes et de vautours assoiffés d'accaparement de l'argent et du bien public.