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Amar Zitouni, de son vrai nom Kebdani Amar,
était infirmier. Durant la révolution, il a créé une infirmerie clandestine où
étaient soignés les moudjahidine de la région. Ce 30 novembre, il a tiré sa
révérence. Il avait 76 ans.
Aujourd'hui, tout le monde se rappelle du partisan plein de courage, puis d'un homme humble et généreux. Benighmour Sidi Mohamed (ancien membre du réseau de Sidi-Boucif, ex-inspecteur de l'Education et ex-maire de Béni-Saf) a connu Kebdani Amar, avant, pendant et après l'indépendance. «Kebdani Amar est un enfant de Sidi-Boucif, un quartier populaire qui a donné beaucoup de fida's (moudjahidine en milieu urbain) à la révolution. Amar a d'abord exercé le métier d'infirmier à la compagnie Mocta El-Hadid, qui exploitait la mine de Béni-Saf. Et quand le Dr Satchs, un médecin français d'origine helvétique, était venu prendre ses fonctions à la place d'un autre toubib (Pons Lechar), rentré en France, Amar était devenu son assistant et surtout son confident. Vers la fin 1956, et alors que la révolution était dans les années de braise, Kebdani Amar rejoignit le réseau qui assurait l'acheminement des médicaments vers les maquis, dont le principal ravitailleur était le défunt Rahal Djaffar, l'unique pharmacien algérien dans la région à cette époque-là. Satchs fit de même. Mais cette complicité ne s'arrêtera pas là. Satchs et Amar aménagèrent une pièce, située à l'arrière du cabinet, en salle d'infirmerie qui devait recevoir les «khaoua» (frères combattants) blessés lors des accrochages ou d'attentats commis en ville. Plusieurs responsables de la lutte armée sont passés par cette pièce et dans les mains de Satchs et de Kebdani. Certains y ont même séjourné pendant toute une nuit, le temps de se remettre après avoir reçu les soins nécessaires. Parmi eux, le chahid Merbah, adjoint de «Si Boucif», qui a été soigné dans cette infirmerie clandestine après qu'il fut blessé lors de la bataille de M'dedha (20 km à l'ouest de Béni-Saf). L'infirmier Kebdani Amar passait plusieurs heures dans cette infirmerie clandestine à panser les plaies, sinon de poser des points de suture. Il était d'une précieuse assistance pour les moudjahidine en besoin de médication. Et comme alibi aux patrouilles de police qu'il croisait souvent le soir en rentrant chez lui, il expliquait qu'il revenait de chez le docteur Satchs où il suivait des cours du soir de médecine. Le cabinet de Satchs, qui était fait pour recevoir, la journée, les ouvriers de la mine, devenait le soir une véritable infirmerie militaire. La proximité d'une zone boisée facilitait les mouvements de ses patients pas comme les autres au cabinet. Satchs prenait en consultation les blessés et Kebdani faisait le reste, quand ce n'est l'un qui soigne et l'autre qui surveille par les fenêtres toute présence gênante. Cependant, démasqués, les 2 complices seront arrêtés en février 1957. Kebdani sera torturé à mort sans souffler un mot. Les brûlures subies au chalumeau des mains de ses tortionnaires sont restées ineffaçables sur sa poitrine. D'ailleurs, quelques jours avant sa mort, une équipe de la télévision algérienne était venue chez lui pour un entretien. Satchs et Kebdani comparaîtront plus tard devant le tribunal de Tlemcen qui les condamna à 2 années de prison ferme. Ils n'en purgeront que 18 mois. Le FLN avait engagé une avocate suisse, Mlle Jacqueline Jagger, pour les défendre à l'audience en appel. A sa sortie de prison, Kebdani ne tarda pas à intégrer un autre réseau, le groupe «El-Nasr» de Sidi-Boucif, aux côtés de Belghomari Mustapha, Kaddour Chahbouni, Miloud Bensafi dit «Râbâge»(comprendre ravages) et Kadri Kaddour, tous tombés plus tard au champ d'honneur. Quant au Dr Satchs, il fut expulsé vers la Suisse. Amar Kebdani continuera ainsi à soigner dans la clandestinité les moudjahidine jusqu'à l'indépendance. Après juillet 1962, il travaillera à Nedjadjra (ex-Café Maure), un douar près de Honaïne, toujours comme infirmier, dans une salle de soins, avant d'intégrer plus tard le service médical de la cimenterie de Béni-Saf, où il restera jusqu'à sa retraite en 1993. Il mènera ensuite une vie simple dans une humilité totale. Ce qui fait conclure notre témoin : «Je viens d'apporter là un témoignage qui, à mes yeux, est un devoir de militant d'un homme qui fut très dévoué, discret, courageux et nationaliste, qui mérite toute la gratitude et la reconnaissance de la nation pour l'avoir servie honorablement. Que la paix d'Allah soit sur lui, ajoutera M. Benighmour, la gorge nouée et les yeux presque en larmes. Amar Kebdani a été enterré au cimetière de Sidi-Sohbi de Béni-Saf en présence d'une foule immense venue de toute la région. Repose en paix Ammi Amar ! Le Dr Satchs, qui retournera plusieurs fois en Algérie, avait promis de faire d'un «petit» Kebdani un grand médecin. Il l'a fait. Il s'agit du fils d'un Bénisafien condamné à mort et exécuté par l'armée coloniale. |
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