L'Algérie bouge plus par en bas que par en haut. Un peu comme un séisme.
Elle bouge par les pieds grâce au football, par les hanches grâce au peuple qui
a dansé sa victoire, par les épaules qui supportent le poids de la fracture
sociale, le chômage, la corruption, l'injustice. Et dans ce mouvement
d'ensemble du corps social, la tête reste immobile dans l'attente d'une bonne
parole, d'un geste, d'une rupture de silence. En bas, la rupture est faite et
l'énergie dégagée par l'épisode égyptien demeure disponible pour qui sait
gouverner les humains au lieu de continuer à gouverner du béton et opposer aux
revendications sociales des chiffres. Le béton résiste peu au temps et les
chiffres changent d'une période à une autre selon la couleur des graphes.
L'avenir immédiat est plus mobilisateur encore autour de la question du
football, pour ceux qui savent se préparer, prévoir et éviter d'être aussi
surpris qu'un lièvre traversant une route sous les phares d'une voiture.
L'heure est à la vérité et non aux esquives. Un plan de redressement des
valeurs nationales s'avère nécessaire et une remise en cause des pratiques de
gouvernance est déjà dans la rue. Nombreux sont ceux qui ont attendu un
changement de gouvernement juste après la qualification de l'Equipe nationale à
la Coupe du monde, chacun pour une raison qui lui est propre. Au moins par
principe et en exécution de la promesse déclarée par le Président de la
République lors de la reconduction de l'actuel gouvernement. Si la solution
n'est pas forcément dans ce changement, elle nous permettra tout au moins de
voir des têtes nouvelles à la place de gouvernants qui se sont installés chez
nous via la télévision sans y être invités. Elle nous permettra au moins de
découvrir que l'Algérie ne se limite pas à une poignée d'hommes et de femmes
immuables en contradiction des lois de la nature. L'heure est à un nouveau
style de communication, à l'élégance dans la pratique de l'Etat, à
l'enterrement définitif de la langue d'un bois mort par pourrissement. L'heure
est à la propulsion courageuse dans cette mondialisation qui a glissé
discrètement chez nous des sociétés boiteuses dans leurs propres espaces
d'évolution, introduites par mécanismes de fausse fraternité ou par bakchich.
Nous avons le droit de savoir où va l'argent du pays et ce qu'il nous rapporte
y compris lorsqu'il s'agit de contrats politiques. Nous, veut dire le peuple et
non plus les Scapins de la représentation nationale, plus attirés par les
fourberies que par le contact avec leurs supposés électeurs. Le nombre de
détournements de fonds, les signes extérieurs de richesse, inexplicables par
les seuls salaires ou autres revenus familiaux font le lit de la contestation
sociale et poussent le pays vers l'irréversible. Lorsqu'il s'est agit de
l'Equipe nationale de football personne ne s'est interrogé sur ce qu'elle a
coûté ni sur les primes accordés aux joueurs, ni qui a financé. Tout simplement
parce qu'elle a gagné et permis une joie rare à tout un peuple qui renaît de
ses cendres. Mieux, on ne veut pas le savoir et un théléthon aurait même permis
à nos joueurs de se mettre à l'abri du besoin durant trois générations. On ne
veut pas le savoir parce qu'ils le méritent. Ils le méritent parce qu'il nous
ont permis de sortir d'un coma profond pour découvrir une Algérie gagnante et
une réconciliation nationale qui a échappé aux textes de lois et aux corps
constitués, pour se transformer en véritable festival de couleurs et de musique
sans avoir à dépenser un dinar. Pas un dinar des caisses de l'Etat. Combien a
coûté le Panafricain ? Cela dépend du sexe des comptables. Cela dépend de la
popularité d'une action et de son degré d'adhésion à une cause. Combien a coûté
le festival du film égyptien à Oran, appelé pour la circonstance festival du
film arabe ? Cela dépend de l'image, du son et des actrices qui nous ont
traités de tous les noms lorsqu'il s'est agit de cracher sur l'Algérie en plein
mois de Novembre. C'est pour ces raisons que le gouvernement doit changer avec
l'espoir de voir arriver une équipe jeune et sportivement d'attaque pour
engager une réforme profonde. Pour refléter cette nouvelle configuration du
pouvoir capable d'affronter les problèmes d'une jeunesse qui attend du travail,
une vie décente et qui est prête à partir pour tous les Soudans du monde
défendre les couleurs nationales. Qui est prête à pardonner en formant un
peuple uni pour une fois autour d'une balle ronde en attendant un vrai projet
qui lui permettrait de se réconcilier avec son Histoire et sa géographie, une
fois les hâbleurs de salons mis aux oubliettes. Un match se joue à deux et dans
l'adversité. A sa fin, le perdant doit se retirer et se taire à jamais. Juste
pour que l'Algérie bouge de partout.