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Les vidéothèques ne font plus recette

par El Kébir A.

Il y a de cela seulement quelques années, les gens avaient pour coutume de se rendre quotidiennement aux «vidéothèques» pour louer des films, en K7 VHS à cette époque, pour un délai de 24h.

Cette habitude avait pris de l'ampleur lors des années quatre-vingt-dix, pendant la décennie noire, où les gens ne se risquaient plus à fréquenter les salles de cinéma encore ouvertes trouvaient refuge en ces fameux établissements. On peut dire, sans trop exagérer, qu'à cette époque, les vidéothèques pullulaient, à tel point qu'on pouvait en trouver toute une dizaine dans chaque quartier. Les clients ainsi gagnaient au change : plutôt que d'acheter une vidéo dans un magasin à un prix mirobolant (un film en VHS coûtait 500 DA dans le temps), ils préféraient en louer dans les vidéothèques pour la modique somme de 30 DA. Les chalands prenaient alors un malin plaisir à louer des films, en laissant en dépôt leur carte d'identité ou leur permis de conduire. Parfois même, seule la photocopie de la carte d'identité satisfaisait les marchands. Avec l'avènement des années 2000, le prix des films en VHS se mettaient à chuter à une allure mirifique. Alors que dans le temps, le prix d'un film était de 500 DA, voilà que ce prix se voit diviser par deux pour se retrouver respectivement à 250, 200, 150 et ensuite 120 DA. Face à cela, les gérants des vidéothèques avaient trouvé la parade : celle de tout miser sur les films à peine sortis dans les salles européennes. Ils réussirent tant bien que mal à «tenir le coup» pendant quelques mois, mais avec l'apparition du DVD, autant dire que leurs bénéfices avaient nettement chuté. Cela dit, ce n'est pas pour autant qu'ils ont baissé les bras ; ils ont tôt fait de se mettre à la page et de proposer à leur client la location de films en DVD... pour une somme toutefois un petit peu plus élevée, puisque les films en «Digital Vidéo Disc» se louaient à 50 DA au lieu de 30.

 Il faut dire que le manque d'intérêt pour la fréquentation des vidéothèques n'a pas vu le jour de but en blanc, de façon soudaine et inattendue; mais au contraire, ce désintéressement s'est fait au fil des ans, doucement mais sûrement... au point que personne, à ce jour, ne s'en est rendu compte. Cela dit, là où ce genre d'établissement a reçu le coup de grâce, c'est quand le prix des DVD s'est mis à «nettement» diminué, et d'une... et de deux, quand est apparu sur le marché ce nouvel outil, inconnu il y a à peine quelques années de cela, qui est bien sûr le DIVX... outil grâce auquel on peut, pour une somme tout à fait dérisoire (50 ou 60 DA), obtenir plus de 6 films à la fois. Là, autant dire que les vidéothèques ont non seulement eu un sérieux coup, et qui plus est, aujourd'hui, ferment presque toute les unes après les autres.

 «Pour quelle raison vais-je louer un film en DVD pour 40 ou 50 DA alors que je peux en obtenir six en un seul pour une somme presque identique ?», nous dit un des chalands.

 Effectivement, les gens se sont rendus compte qu'il leur était plus «avantageux» d'acheter un film et de l'obtenir ainsi pour toujours, plutôt que d'en louer pour une durée d'à peine 24h, et pour une somme qui avoisine presque celle des magasins. Le DVD, ensuite le DIVX sont donc «coupables» de la fermeture presque systématique d'un bon nombre de vidéothèques. Dans le quartier de St-Pierre, à titre d'exemple, où on ne comptait pas moins d'une quinzaine de vidéothèques, il n'en reste aujourd'hui qu'à peine deux ou trois. Et encore, rares sont les fois où s'amènent des clients dans leurs établissements. Dans les nouveaux quartiers de la ville, ceux de la périphérie notamment, on ne voit plus la nécessité d'ouvrir une vidéothèque... chose qui était impensable il y a encore quelques années de cela. «Ce qu'on juge utile d'ouvrir, par contre, dans un quartier populaire, nous dit un des habitants, c'est plutôt des cybercafés... mais pas des vidéothèques ! Les gens ont perdu cette habitude de louer des films, ils préfèrent en acheter... et ils ont raison !».

 A Carteaux, en revanche, la vidéothèque qui s'y trouve, très prisée des Oranais, elle, n'a pas encore baissé rideau. On explique cela par le fait que le choix des films qu'elle propose est parfois «indisponibles» dans le marché des DVD oranais ; mais il n'y a pas que ça : afin de résister face au «tsunami DIVX» elle se met également, en plus de la location, à «vendre» carrément sa marchandise. Elle est devenue donc à la fois «vidéothèque» et «magasin de films». Elle n'est d'ailleurs pas la seule : bon nombre de vidéothèques se sont reconverties en magasin «vendant» des DVD... ou alors, les autres ont carrément viré vers d'autres métiers. Tout de même, on peut aussi, et à juste titre, attribuer cela au fait que le commerce des films se fait par le biais de l'informel et de la contrefaçon. En France, par exemple, ou dans n'importe quel autre pays développé, les vidéothèques marchent toujours... et cela tout simplement parce que le coût du DVD, originaux cela va de soi, est démesurément plus élevé que celui d'ici. Bref, toujours est-il que si les Oranais ont perdu l'habitude de fréquenter les vidéothèques, il n'ont pas encore perdu celle de voir les films. Et là est l'essentiel.