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L’accolade sociale et l’embrassade nationale

par El Yazid Dib

L’accolade sociale ou l’embrassade nationale doit être la phase supérieure de la réconciliation nationale. Autrement dit, la réconciliation nationale est censée contenir en son sein trois volets : la réconciliation sécuritaire, la politico-historique et l’autre, appelons-la de la haute administration.
Aimons-nous. La vie est une partie furtive d’un temps qui court à une allure vertigineuse.Il ne peut y avoir donc assez de temps pour mourir dans l’infamie, le non pardon et l’ingratitude. Aimons-nous. Disons baraket !
 Feu Bachir Boumaza est parti en emportant dans son linceul une douloureuse fin de fonctions. Le quiproquo qui le faisait décamper du piédestal sénatorial en serait le motif. Ainsi, plusieurs personnalités nationales en disgrâce circonstancielle avec la sainteté du pouvoir en place s’en vont, sans qu’il y ait eu en leur faveur une séance de réconciliation. Lamine Debaghine, une autre icône du nationalisme à l’instar d’autres figures emblématiques est parti lui aussi presque en... un inconnu. Que dire alors de Cherif Belkacem ? M’hamed Yazid ? Youcef Benkhedda ? Benyahia ? Point de commémoration à leur mémoire. Y a une honte, quelque part.
 L’amnistie générale commencerait, dans son état embryonnaire, par offrir d’abord les conditions finales d’une réconciliation nationale. Celle-ci, perçue en son sens politique était et continue d’être, une forte prospérité. Néanmoins, si beaucoup de choses restent à faire afin de parfaire la symbiose générale amnistiante, tout le travail devrait être orienté vers l’accolade sociale. Une autre forme de réconciliation. Celle que nous connaissons, s’accorde à rallier ou lier l’Etat ou le pouvoir à d’autres personnes en dehors de ce pouvoir.
Rien en fait ne pourrait se décider sans qu’il y ait cette assurance même probable de vouloir installer dans la durée un Etat de droit.
 La réforme de l’Etat commencerait par la réforme de la vision des critères de sélection et d’élimination. L’ossature de cet édifice n’est mise en relief que par l’existence de poutres et autant de piliers qui sont en finalité les cadres et le cortège subséquemment employé. En poste ou marginalisés, ils constituent toujours un stock d’approvisionnement pour le pouvoir ou au profit d’une opposition intellectuelle. Nonobstant son efficacité, elle ne peut à elle seule constituer une intelligentsia. Le menu logiciel du cadre devrait être formaté avant qu’il ne soit inséré, affiché et édité. Il est seulement un simple fichier sur l’écran de ceux qui le gèrent, lui et tout son environnement. S’il ne s’ouvre pas à certaines invites, il y a la corbeille et le clic d’un decret-érase. Il ne sera plus permis de recourir ni à la restauration, ni à la sauvegarde ni encore à la récupération. A moins de changement radical, sans risque sûr, sur le disque dur. Toutefois, l’erreur d’un commandement n’est pas personnelle. Elle est dans la construction du jugement erronée que lui fait une DRH voire, un VRH (virus de la ressource humaine) initialement pertinent et perverti.
 La multitude qui n’allait que grossir les rangs de ce capital-savoir rendu inutile et non employé, devenait après usage, une marchandise éligible aux premières étagères du stockage de la grande réserve de la République. L’impression du cadre jetable, rechargeable, changeable n’est de mise qu’en ces temps dus aléatoirement à l’instabilité de l’ordre politique et au manque criard de projet de société. Ce sera une aubaine stratégique pour le projet amnistiant de regrouper en son sein, après levée de scellés, toutes ces ex-compétences. Le pardon restera une culture et un savoir-faire. La vengeance par contre amoindrit son auteur.
 L’étiquetage clanique est brandi sous la forme de la bonne gouvernance, et parfois se hisse en un essentiel silencieux d’une mise à l’écart progressive et tacite. Une équipe n’est pas forcement un clan, à la différence que l’équipe se connaît et ainsi se cimente, par des liens d’adhésion à des objectifs communs, alors que le clan n’est qu’une réduction de l’esprit ! C’est une satisfaction interne d’avoir à rendre service. Ce n’est en fin de compte qu’une bande qui compte régler des comptes. Combien de premiers ministres, de deuxièmes ou troisièmes ministres sont aujourd’hui, sans fournir nulle contribution, répertoriés sur les listes des futurs Premiers ministres ou ministres ? Du moins, leur fait-on croire, à juste titre et se cantonnent à l’affût des meilleures opportunités politiques. Sans partis, ils étaient venus, avec ou sans d’autres partis, ils reviendront à l’épreuve. Que les meilleurs demeurent à notre service !
 Le temps passé dans la marge du système sous un « sommeil vigilant » n’est que cette attente de se voir un jour replacé dans l’échiquier du commandement. Ainsi il y va du ministre qui, deux décennies après, est élu président, de l’autre qui, treize ans après, devient Premier ministre, du « responsable de l’appareil » de masse devenu treize ans après président du perchoir d’une nation. Ainsi que de nombreux autres qui de ministre à ministre qui de ministre à moins que cela. Cette règle du replacement reste valable pour tous. Seule l’humilité est apte à anéantir l’effet ravageur des prompts retours aux affaires. La morale étant gardienne de toute conscience.
 Octobre 1988 avait indubitablement, au nom de la responsabilité, laissé beaucoup de « cadavres » parmi les dirigeant-cadres, bien avant la rénovation de leur intitulé en cadre-dirigeants, ceux-ci étaient voués à l’abattoir populaire. Néanmoins, les rescapés finiront par agoniser aux abords des années 90/91. En ces temps là, la force populaire et politique que représentait le FIS ne cessait de puiser de la réserve de la République ou du cimetière des cadres d’Octobre, la quasi-composante de ses listes électorales. Elle pensait de ce fait rendre à ceux-ci l’honneur bafoué, à ceux-là la dignité souillée, et aux autres la fausse responsabilité honteusement endossée. L’après-Benflis aurait connu une autre manière de régler les listes. Que vienne pour le salut de tous les enfants du pays, l’amnistie générale ! Cette réconciliation à trois volets.
 Quant la politique de merde se mêle des conditions de nomination et de dénomination du cadre, les selles, excréments et autres produits fécaux, deviennent des noms sans prénoms précédés de préfixe phonétiquement conditionnel. Quand l’on mêle sous un étendard d’un gouvernement de bonne gouvernance de la ressource humaine, l’aérodynamique aux sciences hydriques, le scalpel aux records olympiques, l’argents aux dépensiers, la blouse blanche aux képis, la duperie politique s’affiche et ne semble reculer devant nulle promesse. Culot étatique ! L’Etat risquait de se voir mentir comme respireraient ses ministres.
 Les cadres de l’Etat, ces hauts et moyens personnages extirpés des tripes de l’appareil étatique, étant toujours valables, forment la mémoire, et sont les artisans du pays voire de la nation. Hélas, le pouvoir les émasculent et comme des capes utilisées iront remplir les obscénités et l’apathie de l’ordre du jour ou des salons mal feutrés ou des cafés maures.
 Les cadres de la Révolution, s’ils ne sont pas dans l’au-delà, connaissent les affres de la marginalisation du fait des détenteurs du pouvoir dans sa dimension instantané. Ils ne s’appartiennent pas dans le principe. Un Aït Ahmed, un Benbella, et d’autres, bien vivants, sont le bien propre de tout Algérien. Ils sont inaliénables, insaisissables et imprescriptibles donc impartisans, car, se sont des personnes publiques appartenant historiquement à la communauté. La défection en a fait tantôt une réserve tantôt une poudrière. La réconciliation verra aussi son jour amnistiant dans la reconnaissance historique et permanente de tous ces personnages. De leur vivant et non après trépas. Je ne saurais dire à ma charge, hélas, par défaut justement de mise à jour qui n’est due qu’au silence meurtrier les plombant, qui des messieurs Abdellatif Rahal ; Mostefa Lacheref, est vivant ou mort ! C’est grave pour le chroniqueur que je semble incarner. C’est encore dramatique pour le citoyen algérien que je suis !
 Ce satanisme de diversion systémique du fonctionnement des rouages de l’Etat ne va certainement nous mener nul part. Hors du temporel il n’atteindra jamais le spirituel qu’il veut, à grandes lectures ; forcer notre croyance envers son don de sauveur ou sa vision para-naturelle des êtres et des choses. La réforme de l’Etat devra s’inscrire aussi dans le sens d’une amnistie générale en termes de réparation des inégalités et injustices commises à l’encontre des personnes du fait de leurs fonctions. L’on verra bien des walis écartés, tels que Mohamed Cherif Djebbari, Khelifa Bendjedid, Zoubir Bensebane, Rachid Zellouf, Mourad Hidouk et autres ; être conviés par les walis en poste, dans la wilaya, là où ils avaient eu un jour à officier en bons officiers d’exécutif. L’on verra bien Bouderbala inviter les anciens directeurs généraux des Douanes et voir venir Chaib Cherif, Lebib, Djebbara, Guenifed et Krichem pour leur rendre, à l’occasion de la Journée mondiale des Douanes le 26 janvier, hommage et mérite pour l’oeuvre accomplie dont ils sont auteurs.
 Quand le cadre est en poste, les tares ne sont pas dans la sphère pensante et dirigeante mais dans les êtres et les têtes. Quand il n’en est plus, sa raison dépasse l’inverse et tout lui paraît insensé, injuste et incohérent. Hélas, c’est une seconde nature puisée dans les trois règnes, animal, végétal et minéral dont est constitué cet homme. Avec une dose quelque peu forte d’animalité. L’aigreur et le fatalisme sont le produit de la nature.
 Refondre l’Etat sans fondre ses réflexes ingrats, infamants et avilissants vis-à-vis de sa substance qu’est le moyen humain; demeure à la limite un demi-jeu puéril.
 Si la charte pour la paix et la réconciliation, réussie quelque part : s’adressait en premier lieu à une frange de citoyens rebelles, tueurs et criminels ; son champ de fondement devait s’étendre vers une amnistie générale, disons d’ordre politique, historique et moral. L’on y verrait tout le monde, d’entre anciens, actuels, jeunes, vieux, ministres, ex-cadres etc... s’embrasser... se réunir... se souvenir...
 Afin de ne plus vivre son chagrin dans un regret mortel de ne pas avoir assez estimé l’autre dans sa réelle dimension, ne serions-nous pas heureux, de voir Bouteflika à El-Mouradia entouré de Zeroual, Chadli, Benbella, et Kafi auxquels se joindraient Aït Ahmed, Taleb Ibrahimi, Ghozali et Hamrouche ? Et Ouyahia autour d’une table de dîner proche du cercle présidentiel ; embrasser Hamdani, Redha Malek, Benflis, Belaïd, Benbitour et Sifi. L’on y verrait dans cette séance de famille Djaballah qui faisant l’accolade à Saadi rompu dans un fou rire avec Abassi ; prenait la main de Rahabi pour s’attabler auprès Nezzar, Ammar Mellah et Mahsas. Sous le regard amical et fraternel de Ali Benhadj où serrant chaleureusement Lamari et Belkhadem, l’on y verrait également venir souriants et élégants tous des Zerhouni et Benchicou la main dans la main, ovationnés par l’assistance pour prendre place aux côtés de jeunes invités, de Diar echems, de Ghardaïa, de Tébessa et de Tlemcen déjà en plein humour avec Toufik, Tounsi et Boustila. Bouteflika, ainsi en fin de dîner fera émotionnellement un prêche, mains levées ; au nom de Dieu, de son Prophète, de l’Algérie, de ses martyrs, de l’Histoire et des générations futures sollicitant et accordant de et à tous une grande indulgence et une accolade générale. Amen !
 Cette image certes imaginaire reste vigoureusement souhaitée et énormément désirée ; je le suppose par tant d’acteurs politiques et de citoyens nationaux. Ne pourrait-elle être vivante et réalisable ne serait-ce qu’à l’occasion du 1er Novembre, du 5 Juillet, des fêtes religieuses ou des grands rendez-vous des victoires nationales ? Tel que le match du 14 courant en Egypte.