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« Le Caire est la mère du monde
(Oum Eddounia), l'Algérie en est la grand-mère». C'est un chanteur de rap
algérien qui fait le résumé de l'enjeu. Plus machistes, des Algériens disent,
avec le clin d'oeil, «que l'Algérie en est le père». Car la prochaine étape est
de battre les Egyptiens. Pourquoi faut-il les battre ? Pourquoi les rencontres
avec ce pays officiellement frère ont cet air de guerre des sables et d'enjeu
de vie et de mort ? Lorsqu'on s'y attarde, on finit par s'avouer que le
football n'y explique pas tout. Ni l'affaire Belloumi. Ni le nassérisme
culturel. Les Egyptiens représentent ce que nous aimons en nous-mêmes. Et ce
que nous y détestons. Tout le monde avait compris que lorsque l'EN algérienne a
battu l'Egypte lors du premier match, on a surtout gagné le match contre la
fatalité, le sentiment d'échec, le vide, l'ennui et le mauvais oeil qui nous
frappent depuis près de deux décennies ou trois. Pour le second match, on est
tenté de comprendre plus: les Algériens veulent gagner contre l'équipe de
l'Egypte mais pas seulement.
Le but n'est pas la cage du gardien adverse mais quelque chose de plus sourd et de moins visible. L'Egypte c'est l'arabité qui se pense plus arabe que les autres Arabes, la mère du monde qui ne veut pas d'enfants que ceux de son Nil, la capitale de nos mythes qui ne veut pas partager, le pays qui regarde le reste des pays du haut de ses pyramides. L'ambivalence de l'image de l'Egypte en fait la cible des fascinations culturelles et des rejets sans appel. Avec un seul match au programme, on a cette impression confuse qu'on reconvoque une guerre souterraine de leadership, d'identité et de sens de l'histoire. Gagner contre l'Egypte est presque vécu comme la victoire d'une identité contre une vanité. L'algériannité contre ceux qui la réduisent à un crépuscule maghrébin. Le soi contre le «on». L'Egypte a trop enthousiasmé depuis toujours, pour ne pas risquer de trop décevoir. Elle a endossé la guerre conte Israël puis le compromis et le sursis à elle toute seule. La compromission et le pragmatisme. Elle a trop de feuilletons, ses chanteurs ne laissent pas chanter les autres, son équipe veut représenter tous les Arabes et pas uniquement tous les Egyptiens, son Amr Moussa ne veut pas céder la place depuis Kennedy et son Moubarak n'en finit pas de nous revendre et de nous solder. Tous les clichés de la déception panarabe sont collés à l'Egypte qui s'y complait à moitié et ne laisse pas les Egyptiens s'en défendre. Peuple gonflé à l'hélium du nombrilisme, les Algériens en veulent à l'Egypte pour son nombrilisme justement: le ventre ne pouvant pas en avoir deux. Des raisons farfelues, aux sens ténébreux, qui font que les Algériens veulent battre les Egyptiens. Du moins au foot, à défaut d'autres buts. |
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