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Pour deux milliards de dollars de moins

par Ahmed Saïfi Benziane

Il est vrai que côté agriculture les choses vont mieux. Les fruits et légumes sont disponibles bien que chers pour les petites bourses. La qualité s'est améliorée au point de croire que nous revivons la période coloniale et les premières années de l'indépendance, pour la poignée qui s'en rappelle.

Des commerçants sont redevenus gentils et aimables, signes de la surproduction. Les subventions vont là où il faut et moins dans les poches des amis, et des amis des amis. Les pépiniéristes se sont mis à comprendre la portée de leur mission. Il reste que les protéines animales demeurent inabordables, mais consommer végétarien n'est pas si mauvais pour la santé, au contraire. Il reste à s'attaquer à l'ennemi numéro un des économistes, le prix.

 L'annonce par le ministre du secteur agricole de la réduction de la facture alimentaire de 2 milliards de dollars est un objectif ambitieux et réalisable. Voilà un objectif d'Etat digne d'un Etat et qui obéit à une stratégie réelle. Cela ne fait pas encore tache d'huile dans les autres ministères qui continuent de naviguer à vue, mais ce sont là, les premiers signes de sérieux, résultats à l'appui.

 Il ne s'agit pas ici de faire la publicité de Monsieur Rachid Benaïssa à la veille d'un virtuel remaniement ministérielle, mais de reconnaître que depuis sa prise en main des leviers du département dont il a la charge, les choses bougent.

 D'ailleurs, connaissant le caractère du Président et de son cercle immédiat, cela risque même de nuire au Monsieur. En effet, réduire la facture alimentaire peut provoquer quelques réactions musclées des habitués de l'importation à distance, via les camarades d'écoles coraniques, ou amis de douars de certains pontes infiltrés dans ce qu'il est convenu d'appeler, les institutions algériennes.

 La nouveauté dans cette stratégie de réduction de la facture du ventre nationale n'est pas dans l'objectif lui-même, mais plutôt dans les mécanismes qui consistent non plus à réduire la consommation, mais à augmenter la production en professionnalisant et en modernisant le secteur agricole.

 Professionnaliser et moderniser supposent une batterie de mesures, aussi bien pour la formation que pour l'acquisition d'équipements, qui feront changer le mode de production actuel aux limites démontrées. Nous avons besoin d'une nouvelle génération d'agriculteurs avec de nouveaux réflexes pour peu que la question du foncier viendrait à être résolue définitivement.

 Les anciennes pratiques qui consistaient à semer collectivement des graines de blé sur des terres communes et saturées, puis attendre que Dieu fasse son travail, ignorant que l'Homme est sa plus belle oeuvre, doivent cesser. On ne pratique plus l'agriculture d'une manière fataliste mais selon une vision qui s'accorde le privilège et l'ambition de la concurrence mondiale.

 Des nations qui ont compris cela assurent leurs besoins alimentaires, y compris en cultivant des terres au-delà de leurs frontières. Les Chinois introduisent des techniques simples et adaptées aux mentalités africaines avec, comme condition, le travail et l'effort.

 Les Européens s'appuient plus sur les modes d'organisation des campagnes en s'appuyant sur les différents modes de crédit.        Les Mascaréens excellent dans la culture de la pomme de terre par tradition ancestrale, n'en déplaise à leurs détracteurs.

 Espérons qu'un jour, nos éleveurs aillent déverser leurs citernes de lait aux portes du ministère de la Santé en signe de contestation contre la baisse des prix.

 Ou qu'ils fassent exploser les silos de blé au point de faire rougir le ministre du Commerce de ses diplômes. Reste une question suspendue aux lèvres de cette curieuse race d'opposants par survie malgré tout : que deviendront les 2 milliards de dollars économisés ? Certains doivent se frotter déjà les mains pour trouver le meilleur moyen de les avaler tout cru, dès l'atteinte de l'objectif et l'arrêt des comptes. D'autres s'amuseront à cacher les statistiques pour démontrer que nos agriculteurs ne sont bons qu'à nous faire dépendre des importations. 2 milliards de dollars c'est l'équivalent d'un budget de fonctionnement d'un pays africain.

 C'est la libération de la Palestine de toute dépendance d'Israël. C'est un programme de logement rural ou de création de plus de 250.000 emplois. S'il était imposé à chaque ministère sérieux d'économiser 2 milliards de dollars, on imagine bien la disparition du phénomène de l'émigration clandestine. On imagine bien ce que deviendrait l'Algérie durant ce dernier mandat de Bouteflika, qui n'aura plus besoin de justifier l'atteinte d'un programme qui dure depuis 10 ans.

 On imagine mal la tête que fera le GSPC et ses appendices costumés devant la baisse de recrutement. On imagine mal des Algériens pauvres et sans sourire. 2 milliards d'économie pour chaque ministre pourraient devenir les termes de références pour le prochain gouvernement, sans faire appel à des lois de finances complémentaires loufoques, bien que paradoxalement soutenues par un parti qui se dit de gauche et qui a perdu l'orthodoxie de son communisme à force de gesticuler à voix rauque. 2 milliards de dollars économisés c'est déjà le début d'un Etat.