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Les harkis reviennent cette semaine

par Abdou B.

«La liberté appartient à ceux qui l'ont conquise.» Malraux

Il a été créé en France une fondation qui rend hommage aux harkis et le gouvernement de ce pays entend promouvoir des mesures en faveur de ces derniers. Il était temps que l'Exécutif de la France répare le triste sort qui a été fait à une catégorie de Français, toujours considérée de seconde zone, longtemps enfermée comme des animaux sauvages, un peu exotiques, dans des camps de concentration identiques à ceux érigés par les nazis et par Israël pour contenir le peuple de Palestine. Et de toute évidence, c'est une affaire intérieure française qui ne concerne ni de près ni de loin l'Algérie officielle et le peuple qui a refusé la barbarie de la France coloniale, qui a payé cash pour être indépendant avec une nationalité choisie par lui, les armes à la main. Chemin faisant, l'Algérie indépendante a généré l'ONM, l'organisation des enfants des martyrs (avec son clone), la Fondation du 8 mai 45 et d'autres associations en relation avec la guerre d'indépendance. Ce sont là les affaires internes d'un pays souverain qui les gère en toute liberté, sans ingérence aucune.

 Les harkis (à ne pas confondre avec leurs enfants ni avec des épouses analphabètes, traînées en France) ont choisi dans des conditions propres à chacun de porter les armes contre l'Algérie, la nationalité française de deuxième catégorie, en ayant commis peu ou prou des crimes à hauteur de ce qu'ont fait les Français de «souche» dont certains ont des noms «difficiles à prononcer» comme disait Aragon dans «l'affiche rouge» magnifiquement chantée par Léo Ferré lorsqu'il passait à Moretti, lieu de fête ouvert à tous, jadis.

 Des historiens, des sociologues, des experts en matière de misère humaine, du niveau de conscience, ont étudié de fond en comble la problématique des harkis et les mécanismes de la trahison, de la déchéance vers le meurtre et la négation de l'humanité. Les nazis avec le peuple juif, de larges pans israéliens avec les Palestiniens, des régimes avec leur propre peuple, hier et aujourd'hui ont révélé et révèlent la folie, le désir d'asservir l'autre, de le nier comme être humain, né libre, pour l'opprimer et le massacrer. La France officielle veut reconnaître, enfin, parmi ses soldats ceux qui ont payé et payent le prix de l'ignoble, d'être de nulle part considérés comme des «sous-hommes». Grand bien lui fasse, c'est entre elle et des citoyens français.

 Point à la ligne. Et les historiens, seuls les historiens écrivent l'histoire selon des critères reconnus et adoubés par les universités, les chercheurs et les experts.

 La loi française du fameux 23 février a été rédigée et proposée par des députés français de droite. Elle a été votée par une majorité de droite, faut-il le souligner ? Des parlementaires là-bas ont fait ce qu'ils estimaient bon pour la cohésion sociale, selon eux, après avoir pensé, écrit et voté. Ils ont agi. Ici, certains se sont réveillés après une sieste ramadhanesque, tard, et ont juste réagi. Qui empêche des parlementaires ici de réfléchir, d'écrire et de proposer une loi sur les bienfaits de l'indépendance ? Ont-ils peur de créer un précédent ? Défendre les intérêts stratégiques de l'Algérie, à long terme est une philosophie, de la réflexion et des actes sur le chemin desquels l'histoire des harkis, qui n'intéresse que le gouvernement français et les historiens, est nulle et non avenue.

 L'Algérie et la France ont une histoire commune plus ou moins comparable à celle de l'Allemagne avec la France, à un degré très moindre celle de la Libye avec l'Italie, etc. Elle est complexe, passionnée, tragique, qui mêle l'épopée libératrice algérienne, les relations humaines, culturelles et linguistique, l'économie, la sécurité, l'énergie, la coopération, les mariages mixtes, le projet de l'union méditerranéenne, la Palestine, la crise actuelle, etc. Alors, les harkis, une inconnue totale pour les moins de trente ans de chaque côté où des rentes, la subvention, la guerre non faite, l'émotion qui n'a pas de place dans les relations internationales n'intéressent que le rentier, celui qui ne propose rien pour l'avenir. L'Algérie a gagné haut la main sa guerre d'indépendance. Que ses historiens non officiels écrivent notre histoire, sereinement, pour que les politiques imaginent, sereinement, l'avenir ou pas dans la relation algéro-française. Et que va penser un député français lorsqu'il entend d'authentiques maquisards dire qu'il y a eu et qu'il y a des harkis à des niveaux de responsabilité, de faux moudjahidine ? Il y a des espaces intérieurs à nettoyer, avant de balayer devant la porte du voisin.

 Le pays supporte actuellement une série «d'attaques» relatives à la LFC 2009 de la part d'intérêts, de patriotes qui entendent défendre leurs entreprises, leur niveau de vie en Europe et même aux USA. Des élus de Marseille, c'est de bonne guerre, donnent de la voix et souhaitent même en parler au Président Bouteflika. Les activités du port de Marseille seraient touchées par la LFC. C'est leur droit. Comme c'est celui d'élus nationaux lorsqu'ils décideront d'aller expliquer l'économie algérienne partout dans le monde. Ce qui se passe autour de cette loi incite à forger dans le débat un consensus et un front algériens lorsqu'il s'agira de la loi de finances 2010. Si Dieu le veut.