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Pour le 5 Octobre donc, une marche a eu lieu à Alger. Partout dans le reste du pays, le peuple
demandait des ralentisseurs. D'où cette question (généralement suivie d'un
soupir ou d'une demande de visa): comment faire changer les choses en Algérie ?
Première option, la théorie Hamrouche : entrer dans le régime et le changer de l'intérieur. Option hasardeuse : le régime vous change plus vite. Pris un à un, tous les ex-hommes du régime, rencontrés autour d'une table par exemple, ont une analyse d'une incroyable lucidité sur le pourrissement national, le crash collectif, les erreurs commises et les solutions possibles. Pris ensemble, ils refont la même erreur, interdisent les marches, fraudent les élections, reproduisent des discours Tsé-Tsé et servent la dictature mieux qu'elle ne le leur ordonne par téléphone ou avec un émissaire. Deuxième option, la lutte armée. Réactiver le populisme, trouver une idéologie qui promet le paradis ici et dans l'au-delà et prendre le pouvoir par le vote, la marche ou la menace comme on prend une femme par l'argent, un dîner ou par la main ou par la voie de ses parents. Cela ne marche pas là non plus. Le régime a fait le maquis bien avant : il en connaît les trous, les grottes, les dérives, les manipulations, les luttes de leadership et les itinéraires. A la fin, il vous arrive ce qui est arrivé au FIS : se faire infiltrer, manipuler, retourner les uns contre les autres, tirer sur le peuple ami, rejouer Mellouza mais dans un autre lieu. A la fin, vous êtes battu par vous-même : le peuple vous lâche, le Pouvoir vous offre un bus pour renter vers la plaine et la ville, vos compagnons vous insultent ou vous précèdent. A la fin, vous finirez ancien moudjahid de la nouvelle guerre, propriétaire d'une carrière de sable, reçu pour l'enterrement d'un général de corps d'armée décédé, associé à des consultations de rente. Troisième option : la démocratie par les démocrates. Vous êtes sûr de votre guerre que vous menez avec votre coeur, avec le lampadaire de vos analyses. Vous êtes pour les pétitions, les marches, les dénonciations, les partis, les livres blancs, les films engagés et la culture. Cela ne marche pas là aussi : on découvre vite que justement là où vous voulez une marche, le peuple veut des ralentisseurs. Le régime fait vite de vous isoler au sein d'un peuple populiste depuis Messali. Il vous convertit au pessimisme et vous regarde vous dissoudre dans les couchers de soleil ou les communiqués de journaux et les soirées « on ne voit plus Flène...». Le régime sait que vous êtes une minorité et vous savez que vous êtes une ténacité. Que signifie alors le chiffre de 300 marcheurs célébrant le 05 Octobre à Alger ? Au choix : une liste BRQ plus longue, le film adapté du roman graphique de Frank Miller racontant la Bataille des Thermopyles, qui opposa en l'an 480 le roi Léonidas et 300 soldats spartiates à Xerxès et l'immense armée perse de près d'un million de soldats. Selon l'angle de vue, le Pouvoir a gagné : les milliers de marcheurs d'Octobre 88 ont été réduits à 300 en 2009. Selon les marcheurs, le régime a perdu : le chiffre de 200 marcheurs en 2008 a été augmenté de 100 en 2009. Dans dix ans ou vingt ou en 2012, le 21 décembre selon le calendrier Maya (prédiction réelle chez les new-age) l'un des trois va disparaître : le peuple, le régime ou les 300. Il n'en restera que deux, pour perpétuer la race algérienne. Y a-t-il une quatrième option puisque les trois autres sont un échec relatif ? Quelle est la réponse à la question «comment faire changer les choses dans le pays sans changer de pays ?». Réponse : changer soi-même peut-être, mais réellement et pas avec la langue. Clandestinement, puis de plus en plus ouvertement, jusqu'à ressembler à Gandhi ou à Mandela, entre autres. Individuellement et chacun. Alors le Peuple finira par croire qu'il peut redevenir un peuple avec un bon leader, il pendra la rue qui lui appartient déjà mais dont il a perdu souvenir, ira à Alger et l'embrassera de force en lui expliquant qu'il s'excuse d'avoir été absent depuis si longtemps. C'est possible ? Un peu. C'est ce qu'il nous reste dans la main. Marcher à 300, c'est mieux que demander des ralentisseurs à 36 millions. «Vaut mieux faire partie de la minorité que de la majorité», a conclu l'un d'eux. Pourquoi ? La minorité agit, le régime s'agite, la majorité est agitée, à long terme selon le manuel des agitateurs. C'est un espoir mécanique. Il vaut mieux que les oranges étatiques. |
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