Sans aucune autre forme de profession de foi déclarée, le
pays a changé de «religion» passant sans mouiller le... drapeau de la main sur
le (gros) coeur à la main calleuse dans les deux poches, ouvertes aux quatre
vents. Résultat «truqué»» des courses : un BNB (bonheur national brut) en chute
libre et des pelotons d'alhéro-sceptiques de plus en plus râlants. Mais, selon
une pseudo-étude qui jure ne pas nous conter fleurette, il paraît que le
parachute le plus doré au monde se trouverait bel et bien sous nos cieux
désemparés. Il est même offert en papier-cadeau à chaque Algérien, de jour
comme de nuit, du landau jusqu'au tombeau, de dimanche à jeudi, le week-end (à
nous) inclus. En franco-vernaculaire dans le texte, cela veut dire que parmi
tous les peuples de notre (dé) veine, l'Algérien est celui qui ressemble le
plus à son pays, l'Etat-mamelle tombant carrément dans les bras ouverts du
peuple-gamelle. L'autre preuve par nos propres yeux que le pays a le coeur...
trop à gauche est ce record imbattable du montant à dix chiffres, consacré
chaque année aux transferts dits «sociaux», selon le langage vachement abscons
des exégètes de la chose économique.
Ces «lâchers d'argent» vus par les oeillères de nos
gabegies, sont l'oseille «chipée» de la poche de ceux qui triment la tête dans
le cambouis, pour la déposer encore en suée dans la main manucurée de tous ceux
qui se prélassent sous l'imperméable de nos incuries grandeur nature. Parce que
si l'Algérien du juste milieu paye moins de quarante dinars par jour (vécu) de
loyer plus que modéré, l'Etat est malus et le bled est bonus. On se noierait
même dans une eau dessalée puisée de la mer de nos gaucheries que c'est encore
l'Etat qui tronque et le bled qui boit la tasse. Se chauffer au dinar
symbolique et s'éclairer (sans aucune lanterne) contre moins qu'un kopeck,
c'est toujours l'Etat qui se brûle les doigts et le bled qui se dore sous le
soleil le plus généreux de toutes les lumières. Aller à l'école publique sur le
dos bosselé du beylik pour apprendre que lire et écrire n'est pas mieux qu'une
bonne «affaire» de sous, c'est l'Etat qui refait ses classes et le bled qui
fait dans la sublimation percutante. Rouler carrosse avec un carburant deux
fois bon marché que de la flotte embouteillée, l'Etat fait toujours du
patinage... artistique, au moment où le bled roupille en costard-pyjama sur un
hamac en peau de mammouth. Travailler (ou aller simplement au travail) pour
quatorze foutues minutes par jour seulement (!), c'est l'Etat qui va toujours
chercher à la nage le blé au grand large et le bled qui remercie l'immanence de
manger par louchées entières du pain bénit. Une histoire qui rappelle ce
cauchemar «éveillé» vieux comme nos fatigues éternelles celle de ce chef marin,
pour éviter à sa felouque de sombrer dans les fonds de l'océan, est obligé de
jeter du lest jusqu'à ne laisser qu'un seul matelot à bord. Mais lequel d'entre
le maître à bord et le dernier des matelots a le droit «naturel» de marcher sur
le cadavre encore chaud de l'autre ? La réponse revient, surtout, à savoir
lequel de l'Etat perdant-perdant ou du bled gagnant-gagnant doit monter sur le
dos de l'autre pour aller scier la branche vermoulue sur laquelle est assis
celui qui a le souffle le plus court...