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Nouvelle polémique, nouveau débat dans l'Hexagone sur l'immigration
(ciblée), notamment maghrébine. La France s'est trouvée en cette difficile
rentrée sociale marquée par la menace de la grippe aviaire, un sujet de débat
politique entre la gauche et la droite qui aurait été inutile en d'autres
temps. Le thème: l'immigration. Le sujet: les fameux tests ADN pour fixer la
parenté d'un candidat à l'immigration dans le cadre du rapprochement familial.
Cette loi, sarkozyenne s'il en est, et votée au plus fort du débat sur
l'immigration ciblée prônée par l'équipe de Nicolas Sarkozy alors ministre de
l'Intérieur, ne sera pas mise en application dans les délais prévus, c'est-à-dire
le 31 décembre 2009. Dimanche, le ministre français de l'Immigration Eric
Besson annonce qu'il ne signerait pas le décret d'application de la loi sur les
tests ADN pour le regroupement familial. La non-validation de ce décret dénoncé
par la gauche et les associations de défense des immigrés, dont SOS-Racisme,
est due au fait que le ministre français n'était pas «en mesure» de «respecter
l'esprit et la lettre de la loi». «Je ne signerai pas ce décret d'application
pour une raison simple. Je ne suis pas en mesure dans les délais impartis par
la loi, 31 décembre 2009, de respecter l'esprit et la lettre de la loi», a
expliqué Eric Besson à la radio Europe 1. «Le législateur a émis tellement de
contraintes que le décret d'application n'est pas possible en l'état», a-t-il
ajouté, expliquant notamment que les «consulats (français à l'étranger) ne sont
pas équipés pour ces empreintes génétiques». La France a adopté en 2007
l'expérimentation de tests ADN pour le regroupement familial dans la loi sur la
maîtrise de l'immigration, mais le Sénat avait restreint ses modalités par
rapport au projet initial, qui avait déclenché de nombreuses protestations. En
fait, la chambre haute du Parlement français avait conditionné ces tests à la
décision d'un juge, conduisant nombre d'observateurs à prédire une application
très difficile. Mais, en novembre 2007, le Conseil constitutionnel, juge de la
constitutionnalité des lois en France, avait validé, sous réserves, le recours
possible aux tests ADN tout en rejetant une application systématique. Déjà, au
mois de février dernier, Eric Besson avait affirmé qu'il signerait le décret
d'application permettant la mise en oeuvre de ces tests quand il aurait «la
conviction absolue que tout a été fait sur le plan éthique, moral et des réalisations
concrètes», évoquant alors un délai d'»un mois et demi ou deux mois». Cette
décision a, d'ailleurs, provoqué une large satisfaction au sein des
associations locales de défense des droits des immigrés et contre le racisme,
ainsi que la gauche. Pour autant, le Premier ministre français, François
Fillon, semble accepter la position de son ministre et annonce, alors qu'il est
en partance pour Moscou, que le gouvernement va rediscuter avec le Parlement
des conditions de mise en oeuvre de cette loi. En marge d'un déplacement en
Russie, le Premier ministre a défendu «un texte très équilibré qui contient à
la fois des dispositions visant à mettre en oeuvre les tests ADN et des
garanties pour les personnes». Mais, «pour le moment, nous n'arrivons pas à
mettre en oeuvre ces garanties, donc il n'est pas question d'appliquer
seulement une partie du texte voté par le Parlement», a-t-il dit, précisant que
«tant que ces garanties ne seront pas applicables, nous ne mettrons pas en
oeuvre ce texte».
Dans ce «un pas en avant, deux pas en arrière», c'est en fait le président du groupe UMP à l'Assemblée française, Jean-François Copé, qui est le plus chaud et qui pousse pour l'application de cette loi. Lundi, il a plaidé pour que soit signé le décret d'application de la loi sur les tests ADN pour les candidats au regroupement familial, rappelant qu'une loi avait été votée. «Il faut que chacun soit bien conscient tout de même qu'il s'agit d'une loi votée et que lorsque la loi est votée, les gouvernements ont l'obligation de mettre en oeuvre les décrets d'application», a-t-il souligné sur une radio locale. En 2007 et lors de la présentation de cette loi à l'assemblée, de vives critiques s'étaient exprimées contre cette mesure, qui a été finalement approuvée dans une loi sur la «maîtrise de l'immigration» adoptée par le Sénat avec de très importantes restrictions. Mais la mesure ne pourra s'appliquer d'emblée à l'Algérie, au Maroc et à la Tunisie. Un test génétique ne pourra être pratiqué qu'avec l'accord de la personne concernée, et devra être approuvé par un magistrat français. Les tests ne concerneraient en outre que la filiation avec la mère, seraient gratuits et ne seraient employés que pendant une période probatoire, jusqu'en 2010. Le président de la Ligue des droits de l'homme (LDH) Jean-Pierre Dubois a considéré dimanche que l'annonce d'Eric Besson confortait l'opinion de son organisation sur le recours aux tests ADN, jugé «scandaleux et inapplicable». Il a souligné que l'appel obligatoire à des médecins à l'étranger et à l'approbation d'un magistrat français en urgence rendait de toutes façons inopérant le texte de loi. Le débat est lancé, et la bataille pour le retrait de cette loi «scélérate», qui vise particulièrement les Maghrébins, ne fait que commencer. Alors que resurgissent dans l'Hexagone des voix et des gestes malsains, à la limite du racisme primaire comme au temps honni de la «métropole», comme cette sortie scandaleuse du ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux, il est urgent que les associations de défense des droits de l'homme et de lutte contre le racisme interviennent pour barrer la route à de telles lois dignes de l'époque la plus noire de la colonisation française en Afrique. |
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