A moins de dix jours de la fin du Ramadhan, toutes les astuces et les
ficelles inimaginables pour tuer le temps ont été mises à l'épreuve par les
Oranais pour ne pas compter les heures qui les séparent de la rupture du jeûne.
«La pendule semble comme à l'arrêt dès que j'y jette un coup d'oeil», se désole
Mahmoud, dont c'est le premier mois de carême en plein mois d'août. «Le temps
est long et même si on se réveille à midi, c'est encore près de huit heures
qu'il faut passer», ajoute-t-il. Alors pour se consoler comme il peut, Mahmoud
se plante devant le petit écran à zapper entre les chaînes «soft», piété
oblige, et les films expurgés à la sauce MBC. «A la longue, on a envie de
carrément éteindre la téloche au risque de perdre sa vue en essayant de
déchiffrer le sous-titrage». Le soir, c'est le café du quartier, les
interminables parties de dominos et de rami et parfois un tour au centre-ville.
Pour d'autres, c'est l'occasion de revisiter sa foi, longtemps en jachère
pendant les autres mois de l'année. Amine est de ceux-là et profite de chaque
moment du mois sacré pour «se rattraper» comme il le dit. «La mosquée, la
lecture du saint Coran ou encore la prière des Tarawih sont mon quotidien
préféré», affirme-t-il. Pourtant, il existe une troisième catégorie qui
s'ingénie à diversifier ses occupations pour ne pas trop s'occuper du chrono.
Le bord de mer offre pour quelques irréductibles l'endroit rêvé pour une double
détente et il n'est pas rare de les rencontrer en célibataire ou en famille sur
le sable des Andalouses ou de Bomo-plage. L'autre alternative est le sport avec
ses classiques matchs de football ou encore le footing qui est en train de se
démocratiser. Au complexe sportif des Castors, il y a foule l'après-midi de
chaque jour où les coureurs du dimanche des deux sexes viennent transpirer.
Jeunes, vieux et femmes enchaînent les tours de piste, chacun sa foulée, plongé
dans ses propres réflexions. Les étirements, les pompes ou le travail des
abdominaux sont également au programme. Samir est devenu un habitué des lieux
pour avant tout «exorciser sa maladie», explique-t-il. «Je cours pratiquement
tous les deux jours et ma foi je ne me plains pas. Chacun est dans son coin et
tout le monde est en sécurité. Les femmes ne sont pas dérangées et il existe
même des coachs qui peuvent vous prendre en main». Salim, par contre, n'a
commencé à fréquenter la piste qu'en première semaine de Ramadhan sur
invitation d'un de ses amis. «Je viens ici pour ?tuer' les derniers moments de
la journée qui sont pour moi les plus durs mais à force, je prends de plus en
plus de plaisir à courir pour la forme». Pour les femmes, c'est une tout autre
paire de manches où le temps libre n'existe que rarement. Souad, 28 ans,
fonctionnaire, a préféré ce mois pour prendre son congé, et partage son temps
entre la cuisine, les «moussalssalète» et la cuisine. «Que voulez-vous faire ?
Nous les femmes c'est la maison et ses contrariétés mais c'est mieux que
l'extérieur et le fait de supporter les températures qui y règnent. En plus, je
ne peux pas me passer des feuilletons arabes qu'on passe à la télé». Anissa,
quant à elle, se prépare activement à la préparation des gâteaux de l'Aïd. «Je
sais que ça va accaparer tout mon temps et avec la cuisine et la télé, je ne
vois vraiment pas le temps passer». Chacun a sa méthode infaillible pour ne pas
succomber au temps mais pour certains, la meilleure chose à faire est de dormir
toute la journée et ne se réveiller, abruti, que pour avaler sa première
cuillère de hrira.