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C'est
tout à l'honneur de la presse: la vidéo diffusée par Le Monde, où le ministre
français de l'Intérieur, très à l'aise, livre son sentiment sur les Arabes,
provoque la polémique. «Quand il y en a un, ça va, le problème c'est quand il y
en a beaucoup», a dit M. Brice Hortefeux à propos d'un jeune militant d'origine
maghrébine lors d'une séance photo au cours d'une réunion en Auvergne du parti
de droite au pouvoir.
Ce qui est intéressant dans l'affaire n'est pas la «révélation» de l'idéologie ministérielle. Tout le monde connaît bien le parcours de cet éminent personnage et nul n'ignore ses penchants et ses inclinations. Non, ce qui est ironique dans ce monde d'apparences, de faux-semblants et de non-dits est le fait que ce même ministre, à «l'humour» révélateur, vient de mettre à la retraite un préfet coupable d'avoir brocardé la couleur de peau du personnel chargé de contrôler les passagers dans un aéroport parisien... La vidéo de l'échange est accablante, non seulement pour le ministre mais également pour quelques membres de ce parti qui semblent se disputer avec enthousiasme la palme de la vulgarité et du racisme de comptoir. Il faut immédiatement préciser que cette attitude n'est en aucune façon le monopole de la droite. Dans l'actualité quasi immédiate, on se souvient des propos inacceptables du «socialiste» Manuels Valls souhaitant avoir «plus de blancs» dans sa ville Evry. Il n'est pas si éloigné que cela de M. Hortefeux. Plus qu'un délit réprimé par la loi, l'histoire européenne proche l'a démontré sans nuances : le racisme est une sérieuse perversion, une forme de pathologie mentale particulièrement vicieuse aux conséquences potentiellement redoutables. Le problème du racisme en France est récurrent. Il trouve son origine dans un passé colonial non soldé, une réalité sociale où l'exclusion se confond avec l'origine ethnique et le discours omniprésent d'un lobby très puissant chargé de la stigmatisation des arabo-musulmans au nom de la cause israélienne. La faiblesse insigne des contre-feux - sans jeu de mots - visant à circonscrire l'affaire suscite le sourire. Voir dans la sortie ministérielle une sorte de dérapage insignifiant et de manipulation journalistique est la seule manière de désamorcer un propos d'une extrême gravité. S'il ne s'agissait pas d'un jeune Arabe et si l'objet de la dérision de ce ministre était un juif, on imagine sans peine le tollé que cela aurait provoqué. L'indignation est à géométrie variable et ce seront les mêmes qui n'hésiteront pas à faire la leçon au monde entier au nom de la supériorité de «leurs» valeurs. Aujourd'hui, selon les milieux éclairés qui ont pignon médiatique sur rue, le problème français n'est pas le racisme ordinaire, ce serait... la burqa. Pour reprendre le titre d'un film de Marcel Ophuls sur la collaboration en Auvergne - pur hasard -, on hésite entre le chagrin et la pitié. En tout état de cause, la polémique a le mérite de situer précisément le niveau du débat politique et d'amener l'opinion à regarder en face la calamiteuse réalité de ses idéologies dominantes. Après le colonialisme décomplexé, voici donc le racisme libéré. Quelle sera la prochaine étape de cette lamentable régression ? |
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