Benali El-Hassar,
le deuxième conférencier programmé dans le cadre de «l'Atelier sur la musique
andalouse», a intitulé son intervention «La musique andalouse de Grenade à
Tlemcen». Pour le bonheur des hôtes de l'Institut Cervantès organisateur de
cette manifestation, son intervention a constitué une sorte de prolongement de
la première, émise la veille par Mme Manuela Cortès Garcia. Mais, d'entrée dans
le sujet, El-Hassar a essayé de valoriser l'apport des Maghrébins à cette
musique, bien avant la Reconquista. Tout en reconnaissant ses origines, le
conférencier lancera «la musique andalouse n'est pas celle créée par Ziryab».
Pour étayer son propos, il avancera deux types d'arguments. Il remarquera que
même le terme musique n'a pas la même signification chez les deux plus
illustres historiens, Abderahmane El-Wancharissi (15e si.) et Ahmed El-Maqqari
(16e si.). Elle signifie «exhalaison» (Nefh Ettib) chez le premier, alors que
chez le second, elle est un ensemble de codification et de modes. Se référant à
l'histoire, le conférencier dira que durant les premiers siècles de la présence
arabe en Andalousie, la musique créée par Ziryab restera confinée dans les
palais des rois et émirs. A cette époque, on chantait le «mouacchah» et
beaucoup plus tard le «zadjal». Mais ce genre musical finira par déborder
l'enceinte des palais et, du même coup, profiter des apports des cultures
populaires locales. Lors de la naissance des dynasties berbères en Andalousie,
cette musique profitera même de l'apport de ces nouveaux conquérants. Le
conférencier indique qu'Ibn Badja a reconnu les influences des traditions
populaires, notamment berbères, sur la musique dite andalouse. Appréhendant la
question d'un autre angle, Mr El-Hassar évoquera le dense faisceau de relations
qui ont toujours existé entre Tlemcen (et certaines cités maghrébines) et
l'Andalousie. Il citera une liste de savants et poètes tlemcéniens qui ont vécu
en Espagne, et de savants et poètes andalous qui avaient séjourné au Maghreb.
Mais, l'apport de Tlemcen à la musique andalouse sera beaucoup plus apparent et
plus déterminant après la chute de l'Andalousie. Pour preuve, le conférencier
signalera qu'entre le 16e si. et le 19e si., au moins une soixantaine de
prosateurs, dont certains étaient des juifs, ont enrichi le répertoire poétique
chanté par ce genre musical. Même sous l'occupation turque, Tlemcen offrait des
conditions favorables à l'épanouissement des arts et du chant, souligne Mr
Benali El-Hassar. A l'instar d'autres villes du Maghreb, la cité des Zianides
recevra des vagues de réfugiés andalous. Cependant, le genre «el haouzi», né à
cette époque, venu enrichir la musique andalouse, est d'essence typiquement
maghrébine, notera l'intervenant. A la fin de son intervention, truffée de noms
de poètes et de qasidas, le conférencier relèvera que cette musique a échappé à
la déperdition grâce à la transmission par voie orale. Il ajoutera que les
musiciens et chanteurs continuent depuis des lustres d'exécuter des chants, des
textes dont les auteurs demeurent anonymes. Cet exemple lui servira d'argument
pour le travail qui reste à faire pour sauvegarder et interroger ce patrimoine
que nous partageons avec les autres pays de la Méditerranée. Il remarquera
qu'aucune rue ou établissement scolaire ou artistique ne porte le nom de
Mohamed Ben Msaib ou Said El-Mandassi.
La dernière soirée de ce cycle sur la musique
andalouse a eu lieu dans la cour de l'IDRH à Canastel, où des membres de
l'Association «Nassim El-Andalous» ont exécuté trois noubas. Une fort agréable
manière de clore ces ateliers sur la musique andalouse, coordonnée par Mr
Barakat, un mélomane venu spécialement de Sidi Bel-Abbès pour contribuer à la
réussite de cette manifestation.