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Béni-Saf: Tripier, un métier qui n'attire plus

par Mohamed Bensafi

Le tripier, ou comme on l'appelle chez nous «debbah», c'est celui qui est chargé de l'abattage des bestiaux (moutons et boeufs) et du dépeçage au niveau des abattoirs de la ville.

Autrefois, chez le boucher du coin, vers 15 h, il n'y avait plus de viande bovine fraîche ramenée directement des abattoirs. Pour le boucher, la viande bovine est très demandée durant ce mois de ramadhan car, non seulement elle est très appréciée, mais surtout elle entre dans plusieurs recettes «spécial ramadhan», notamment lorsqu'elle est hachée. Les plus avertis viennent tôt le matin pour l'acheter. Et même si elle est nettement plus chère, ceux qui évitent de la remplacer par la viande congelée vous diront qu'ils préfèrent de loin, en cette période de jeûne, une petite bouchée de viande fraîche qu'une grosse quantité congelée. Et à notre question : «pourquoi ne pas en remplir davantage le frigo ?», la réponse du boucher est toute simple : «où trouver d'autres tripiers ?». On a compris qu'entre-temps, il faudrait passer par les abattoirs.

 «De nos jours, ce métier n'attire plus personne, même pas les jeunes chômeurs. Le gens qui font encore ce métier se comptent sur les doigts de la main», dit-il. Et «abattre un veau ou un boeuf de 300 kg ou plus n'est pas donné au premier venu. Il faudrait un tripier de métier», ajoute-t-il.

 Aujourd'hui, au niveau des abattoirs de Béni-Saf, il existe à peine 5 tripiers, dont 2 doyens, pour tous les bouchers de la commune (une bonne vingtaine). Les autres sont souvent leurs fils ou proches engagés malgré eux. Ammi Boucif, de son vrai nom Settouti Boucif, dit Boucif Gonzalès, 72 ans, est là depuis près de 50 ans. Avec lui, il y a Zenasni Mohamed, plus connu sous le nom de Skarfas, 70 ans. Lui aussi est là depuis un demi-siècle, mais tous deux et même les autres sont sans aucune protection sociale. Pour Ammi Boucif : «A mon âge, si je continue de travailler, c'est que je n'ai ni retraite ni rien».

 Et dire que malgré le poids de toutes ces années, ces deux vieux tripiers mettent encore à peine 15 minutes pour abattre et étriper un veau. « Comment attirer les jeunes, s'ils ne peuvent pas prétendre à un statut et à une couverture sociale ?», avance encore Ammi Boucif. Avant d'ajouter : «moi, j'ai obligé mes deux fils à quitter l'école pour les faire venir de force avec moi et leur apprendre ce métier sans avenir et je le regrette beaucoup».

 Personne n'est capable aujourd'hui d'abattre un boeuf ou un veau. Le manque de matériel spécifique, comme un palan, pour relever le boeuf, nous a épuisé. Pour exécuter cette tâche, c'est-à-dire abattre et dépecer un boeuf, on s'y prend parfois à quatre. Les uns le prennent par derrière à l'aide d'une corde, les autres le font basculer à terre et à celui qui doit continuer le travail tout seul, de le saisir et le passer sous la lame. Toutefois, ce métier de tripier reste encore payé à l'unité à un prix dérisoire. Et ça dépend si c'est un ovin ou un bovin. A cette allure, on risque de ne plus trouver personne pour travailler dans les abattoirs et ces derniers de fermer leurs portes. Cependant, reste la formation professionnelle, principal vecteur d'intégration professionnelle, qui devrait peut-être un jour se pencher sur cette spécialité et séduire les jeunes pour le choisir.