Journée
particulière que celle de samedi, 1er jour du mois de Ramadhan de l'année
hégirienne de grâce 1430. Les Algériens, contrairement à leurs habitudes un
jour de week-end, étaient tôt dans les grandes artères, plus précisément dans
et près des marchés aux fruits et légumes. Les achats bien ciblés pour la
chorba, la h'rira ou le djari du f'tour ont incité nos concitoyens à se lever
un peu tôt par une chaude journée du mois d'août pour faire des emplettes avant
la prière du dohr. Malgré la surchauffe des prix, il y avait du monde chez les
bouchers, chez les vendeurs de volailles et les petites chaînes étaient
visibles dans plusieurs types de commerces. Chez les boulangers, une animation
des grands jours régnait, et les pains spécialement confectionnés pour ce mois
sacré n'avaient de concurrent que le sacro-saint kalbellouz. Les Algériens sont
ainsi sortis dans les souks et les marchés au cours d'une journée ordinaire,
n'était-ce cette effervescence si particulière, avec un arôme étrange, au mois
de jeûne. Les prix des denrées alimentaires étaient ce qu'ils ont toujours été
en pareil moment: chauds, chauds, même si les gens ne rebutaient pas à aller
chez le boucher ou acheter une volaille, avec des prix pour le premier de plus de
700 DA/kg pour la viande ovine. C'est clair, les Algériens, en dépit de la
hausse généralisée des prix des produits alimentaires, ne veulent en aucune
façon déroger à la tradition: bien remplir le couffin pour bien agrémenter la
meïda du ramadhan. C'est cela l'Algérien, il met un point d'honneur à ne pas se
priver de bonnes choses, et puis, ne dit-on pas que «la prospérité accompagne
le ramadhan ?». A Alger, côté Bab El-Oued, c'est la grande ruée vers le marché
des Trois Horloges, celui d'El Cantina (ou El Cantira). On y trouve
difficilement où mettre le pied. Dans les vieux quartiers urbains à Oran, la
vieille ville de Constantine, Annaba ou Béchar, c'est à peu près la même
ambiance fiévreuse. Loin de cette fresque boulimique, ceux qui n'ont pas été payés
ou qui ont perdu leur emploi vivent des moments de grand désespoir. A
l'intérieur de la fresque, dans cette effervescence toute populaire et
conjoncturelle, il y a un fait qui mérite d'être posé, c'est celui du nettoyage
des abords de nos marchés aux fruits et légumes, les ruelles commerçantes qui
ressemblent à des dépotoirs comme la rue de Tanger à Alger. Cette saleté de nos
rues, de nos avenues, au détour d'un marché de fruits et légumes, est devenue
tellement omniprésente que beaucoup de riverains désespèrent de la volonté des
instances municipales à vouloir y mettre de l'ordre et ramener la propreté qui
elle aussi semble avoir mis les habits des harraga. Ben oui, les villes
algériennes pourrissent chaque jour un peu plus de ces tonnes de détritus, d'ordures
ménagères et de saletés de toutes sortes qui tardent à être enlevées par les
services de nettoyage. Sauf que les amas d'ordures non enlevées ici et là dans
nos villes vont grossir à vue d'oeil avec la traditionnelle gabegie du mois de
ramadhan. Sinon, il ne reste qu'à espérer que les emplettes du mois de ramadhan
ne deviennent pas le souci principal, ni un fardeau pour les Algériens qui, il
faut le reconnaître, ont été programmés pour ne penser qu'à leur panse, plutôt
qu'à nourrir leur tête de projets devenus au fil des décennies des chimères.