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Le gouvernement a décidé, par le biais de la loi de finances
complémentaire 2009, de recourir aux services des sociétés spécialisées dans le
contrôle des importations avant leur expédition.
La Direction générale des douanes (DGD), directement concernée, a expliqué, dans un communiqué, le dispositif qui permet le recours à des sociétés de contrôle des importations avant leur expédition. Deux précisions sont apportées par l'administration des douanes: le recours à ces sociétés spécialisées ne sera pas systématique mais ciblera des marchandises faisant l'objet de suspicion de fraude. Ces sociétés auront à s'occuper des «éléments de la déclaration en douane tels que l'espèce, l'origine et la valeur des marchandises». L'administration des douanes rappelle que la finalité de ce recours aux sociétés d'inspection avant expédition est de préserver «les intérêts financiers nationaux (prévention contre la fuite des capitaux et la fraude commerciale, baisse des recettes douanières par la minoration des valeurs déclarées ainsi que le contournement des droits de douane) et la lutte contre la contrefaçon». Sans surprise, les douanes précisent que le recours au contrôle exercé par ces sociétés ne sera pas «systématique» et ciblera des marchandises particulières susceptibles de favoriser les transferts de capitaux. En outre, cela «n'occulte aucunement son rôle et ses attributions en matière de contrôle des marchandises aux frontières». Pour la direction des douanes, l'objectif est de «disposer d'informations préalables avant l'arrivée des marchandises, notamment pour certains types de marchandises sensibles ciblées qui font l'objet de suspicion de fraude». En fait, le recours à ces sociétés étrangères n'exclut pas que les douanes puissent procéder à de nouveaux contrôles des marchandises à leur arrivée sur le territoire national. Les douanes précisent que le contrôle avant l'expédition de ces marchandises s'effectue «à la demande des autorités douanières, les résultats de ce contrôle sont exploités lors du dédouanement des marchandises, sur le territoire national». Ces inspections, explique l'administration des douanes, participent à la facilitation des opérations de dédouanement et permettent aussi d'éviter le «déversement de certaines marchandises douteuses ou prohibées qui encombrent actuellement les espaces portuaires». Les douanes algériennes qui sont déjà liées par des conventions d'assistance mutuelle administrative avec 16 pays, considèrent que l'apport des sociétés d'inspection «de par leurs expertises et les banques de données dont elles disposent sur les échanges commerciaux internationaux peut constituer un outil d'aide à la décision pour le traitement de certains dossiers de dédouanement qui revêtent parfois un caractère de complexité, et qui permettront aux douanes algérienne de renforcer leur dispositif de lutte contre l'évasion et le transfert illicite des capitaux». Faux débat sur la «souveraineté» L'effort «d'explication» fourni par la Direction générale des douanes participe, bien entendu, de la montée au créneau du gouvernement pour justifier le bien-fondé des mesures prises dans le cadre de la loi de finances complémentaire. Elle semble être aussi une réponse à ceux qui ont vu, «par principe» et sans examen préalable, dans le recours à des sociétés spécialisées dans le contrôle des marchandises avant leur expédition vers l'Algérie, une «atteinte à la souveraineté nationale». Pourtant, de nombreux pays qui ne badinent pas forcément avec leur souveraineté mais qui admettent ne pas disposer d'outils performants de contrôle y ont recours. Sur le site de l'Organisation mondiale du commerce, l'inspection avant expédition est définie comme «une pratique qui consiste à recourir à des sociétés privées spécialisées (ou «entités indépendantes») pour vérifier l'expédition - essentiellement le prix, la quantité et la qualité - des marchandises commandées à l'étranger». Un tel système «utilisé par les gouvernements des pays en développement a pour but de protéger les intérêts financiers nationaux (pour empêcher la fuite des capitaux, la fraude commerciale et le non-paiement des droits de douane, par exemple) et de compenser les carences des structures administratives». La définition est suffisamment claire pour ne pas prêter à équivoque. Si des pays en développement ont recours à un tel système, cela signifie que la rémunération perçue par ces sociétés d'inspection (entre 1 et 2% de la valeur de la marchandise) est largement compensée par une réduction sensible de la fraude sur les marchandises et les transferts illicites de capitaux. On comprend aisément que les importateurs marrons et aussi, il faut le dire, les fonctionnaires qui monnayent le «bon carrefour» où ils sont placés, voient d'un mauvais oeil le recours à ces sociétés d'inspection avant expédition. Il y a des rentes qui risquent de se perdre. La question de la souveraineté, trop souvent invoquée par les détenteurs de rente, n'est guère fondée. Un domaine juteux et sulfureux La seule vraie bonne question est de savoir si le recours à ces sociétés d'inspection avant expédition sera bénéfique à l'économie ou non ? S'il ne faut pas préjuger de l'avenir, on peut noter que le maintien du statu quo est, selon les chiffres livrés par des responsables des douanes, très préjudiciable à l'économie. On a pu lire que la rémunération des SIE pourrait atteindre entre 400 et 800 millions de dollars. C'est un chiffre haut qui considère que toutes les marchandises importées vont passer par le contrôle des SIE. Le communiqué des douanes infirme cette option en parlant de «ciblage» de certains types de marchandises. Certains font valoir que les sommes versées à ces sociétés pourraient être investies dans le système national de contrôle pour le rendre plus performant. L'argument ne manque pas de pertinence. Mais tout dépend de l'appréciation que l'on a de l'efficacité de ces instruments et surtout de leur capacité à agir rapidement. Car s'il faut évoquer la «souveraineté» et les «intérêts du pays», il y aurait énormément à dire sur le très sulfureux chapitre de l'import-import. Dans une interview publiée récemment par notre confrère El-Watan, le Directeur régional des douanes d'Alger, M. Regue Benamar, a donné des chiffres édifiants sur l'ampleur de la fuite des capitaux pratiquée par des sociétés à travers les surfacturations. Selon lui, 10 milliards sur les 40 milliards de dollars consacrés à l'importation de biens d'équipement et de produits de consommation partent «dans les comptes des sociétés ouverts à l'étranger, grâce à la majoration des valeurs des produits importés». Si le recours aux sociétés étrangères d'inspection avant expédition réduisait de manière substantielle cette part due à la «surfacturation», leur rémunération serait amplement justifiée et la «souveraineté» et l'économie nationale ne s'en porteraient que mieux. |
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