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C’est le 16 septembre prochain que le gouvernement des Emirats Arabes Unis (EAU) doit décider quel sera le consortium étranger qui aura la charge de construire le premier réacteur nucléaire de la péninsule arabique. D’une valeur de 40 milliards de dollars, ce contrat est disputé par trois groupements concurrents. L’un d’eux a pour chef de file le coréen Korea Electric Power Corporation, le second est essentiellement français puisqu’il comprend Areva, Total, EDF et GDF Suez, tandis que le troisième est une alliance américano-japonaise avec les compagnies General Electric et Hitachi. Un cas d’école La décision des autorités d’Abou Dhabi est très attendue par l’industrie nucléaire. Certes, le marché des réacteurs dans le Golfe est loin de représenter la manne chinoise - où plus d’une vingtaine de centrales doivent être construites dans les trente prochaines années -, cela sans parler du marché américain, verrouillé depuis l’accident de Three Mile Island le 28 mars 1979, mais dont la modernisation interviendra tôt ou tard. Pour le groupe qui empochera le contrat émirati, il s’agira à la fois d’une affaire lucrative mais aussi de prestige. Lucrative, car, en matière de nucléaire, les Emirats partent de zéro. Ce n’est qu’en 2007 que le projet est passé du stade d’intention à celui de priorité nationale et les besoins directs et indirects qu’il engendre sont tels que son coût total dépassera de loin les 40 milliards de dollars. Quant à la question de prestige, il n’est nul besoin de comprendre ce que signifie, dans la conjoncture régionale actuelle, le fait d’aider un pays arabe à se doter de l’énergie nucléaire civile et cela avec l’accord, quand ce n’est pas l’appui, de la totalité des pays occidentaux. Dans le même temps, ce contrat est un véritable cas d’école. Conscient du temps qu’il faut pour bâtir une filière nucléaire — vingt ans au minimum — les autorités d’Abou Dhabi ont mis les bouchées doubles et ouvert leur carnet de chèques. De grands noms, spécialistes occidentaux de la sécurité nucléaire, cadres de grandes multinationales et ingénieurs ont été débauchés des quatre coins du monde. En un tour de main, le pays s’est bâti une administration en charge des questions liées au nucléaire, tandis que sa diplomatie a fait le tour des capitales pour convaincre de ses intentions pacifiques. Et pour amener les grands groupes à participer au projet, Abou Dhabi a signé la plupart des conventions internationales régies par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Enfin et surtout, les Emirats se sont engagés à ne pas enrichir l’uranium et donc à s’adresser à des fournisseurs étrangers pour acquérir la substance nécessaire pour faire fonctionner le futur réacteur. Questions et inquiétudes Sans préjuger du résultat de la compétition entre les trois consortiums (la partie française serait favorite), on peut se poser la question légitime d’un tel projet dont la finalité économique est de répondre à la hausse attendue de la demande en électricité dans le Golfe. Pour de nombreux spécialistes, les Emirats auraient gagné à mettre l’accent sur les énergies renouvelables ou à s’engager dans une démarche plus régionale, quand d’autres s’inquiètent de l’impact de la centrale sur l’environnement. Plus important encore, on peut se demander si les autorités émiraties ont bien réfléchi au statut futur que va conférer à leur pays l’existence de cette centrale nucléaire. On peut voir cette dernière comme l’expression d’une souveraineté pas toujours prise au sérieux, notamment par les voisins saoudien et iranien. Mais on ne peut ignorer qu’un tel site nucléaire constituera fatalement un facteur d’inquiétude dans une région traversée par d’importantes tensions géopolitiques. |
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