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Accident meurtrier à Ghazaouet: 16 morts et des émeutes

par Belbachir Djelloul

Ce qui devait arriver, arriva. Un véhicule de transport rural de type J5 avec 14 passagers à bord dont 4 femmes a été percuté de plein fouet par un camion 10 tonnes transportant du sable au lieu-dit Dar Mahiou, à 2 km de Ghazaouet.

 L'engin de mort, selon certains témoins, a, au moment de la collision frontale, traîné le véhicule sur une cinquantaine de mètres dans la piste, avant d'écraser littéralement l'habitacle tuant sur le coup tous les passagers, ainsi que les deux chauffeurs. Il n'y a aucun système de freinage du camion. Il aura fallu plus de 3 heures aux sauveteurs pour arriver à découper, dans une mare de sang, les tôles déchiquetées et retirer 16 corps inertes et mutilés. Parti de Ghazaouet, le véhicule de transport devait se rendre à la station balnéaire de Sidi Youcha distante de 18 km. Selon les dernières informations, les passagers du J5 sont tous issus de la même famille.

 Après l'évacuation des corps vers le centre hospitalier de Ghazaouet, des habitants ont bloqué la RN 98 au niveau de la station-service de Sidi Amar. Des pneus brûlés dégageant une forte fumée empêchant toute visibilité sur plus de 500 mètres prouvent à quel point la colère était à son paroxysme, à Ghazaouet, après ces énièmes victimes. Il faut dire que toutes les populations de Ghazaouet, d'El-Bor et des environs se sont agglutinées près du lieu de l'accident, bloquant déjà toute circulation dans les deux sens. Le désarroi est très grand, à la hauteur du drame qui vient de frapper cette région et qui est une commotion pour les familles, mais aussi pour tous les habitants qui subissent quotidiennement le diktat de ces «engins de la mort».

 A 15h30, l'agitation fut transportée en plein centre-ville, les habitants, estimant avoir payé un lourd tribut à la RN 98, faisant fi des services de sécurité venus en renfort et exigeant la présence du wali de Tlemcen, en l'absence du chef de daïra, ont bloqué toutes les artères du centre-ville et des pneus ont pris feu devant la sûreté de daïra. Tous les commerces ont baissé rideau et la fumée des pneus a même poussé quelques familles du centre-ville à quitter leurs domiciles. Les émeutiers s'en sont pris à un camion 10 tonnes cause d'un accident mortel, la semaine dernière, garé en fourrière au commissariat de police. A 16h10, de gigantesques flammes surgissaient du camion.

 Il est à noter que la RN 98 est devenue très dangereuse, depuis que les véhicules lourds n'ont plus accès à Maghnia en plein jour et que les habitants de Ghazaouet ont, à plusieurs reprises, alerté les autorités locales à coup de pétitions et par voie de presse sur le non-respect de limitation de vitesse de ces «engins de la mort» comme ils sont dénommés à Ghazaouet. Mais aucune mesure n'a été prise et les accidents ayant pour cause ces «engins de la mort» se sont multipliés, surtout à l'entrée de Ghazaouet. Déjà, la semaine dernière, c'est un motocycliste qui a été percuté par un semi-remorque sans que les services de sécurité ne sévissent. C'est peut-être ce laxisme de la part des autorités locales qui a poussé à l'émeute, après ce drame qui a endeuillé toutes les familles de Ghazaouet.

 A 16h51, ce sont les baies vitrées du siège de l'APC qui ont volé en éclats. Les émeutiers se sont ensuite dirigés vers le tribunal. Vers 17 heures, les forces de l'ordre ont pu enfin sortir du commissariat et occuper les rues du centre-ville où ils ont été confrontés à une pluie de pierres. Certains, dont un officier, se sont réfugiés dans la mosquée.

 Par ailleurs, vers 18 heures, une brigade d'intervention était en route vers la ville de Ghazaouet. Celle-ci est arrivée vers 18h30 avec plusieurs camions dont un équipé d'un lance-eau. Les émeutiers campaient toujours sur leurs positions, attendant l'arrivée du wali de Tlemcen.

 Aux environs de 19 heures 30, malgré l'intervention des brigades anti-émeutes et la fermeture du pont Tahraoui, les émeutes ont gagné différents quartiers de la ville.

 Selon les dernières indications, au moins trois édifices publics, le commissariat, le tribunal et le siège de l'APC, ont été saccagés.