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Blida: Ruée vers les plages

par Tahar Mansour

Bien sûr la mer n'est pas si éloignée de la wilaya de Blida, puisque située à peine à une vingtaine de kilomètres et il ne faut payer qu'entre 200 et 400 DA pour y aller et en revenir. Il y a les bus qui se spécialisent dans ces directions ainsi que beaucoup de fonctionnaires propriétaires de voitures qui les utilisent pour le transport de jeunes voulant faire trempette, contre une somme d'argent convenue auparavant. Mais il existe une autre catégorie qui ne peut même pas débourser 100 DA pour se rendre à la mer, ce sont les enfants dont les parents arrivent à peine à joindre les deux bouts. Ces enfants, âgés entre 12 et 16 ans, sont là à longueur de journée à s'ennuyer, cherchant par tous les moyens à se débrouiller l'argent nécessaire pour passer une journée à la mer.

 Parfois, ils trouvent quelqu'un qui veuille bien les emmener pour pas cher mais la plupart du temps ils se morfondent longuement avant d'opérer pour les rivières, canaux d'irrigation ou retenues collinaires assez proches, à quelque deux ou trois kilomètres de chez eux. Ils s'en vont alors par groupes de 4 camarades ou plus, arrivant parfois jusqu'à dix, dans une ambiance heureuse et insouciante. Arrivés là, ils se jettent du haut d'un rocher, du haut d'une falaise ou pénètrent directement dans l'eau, essayant toujours de faire plus pour épater les amis. Mais ces endroits ne sont pas dépourvus de dangers et les exemples de véritables drames ne manquent pas. Au niveau des rivières, les jeunes mettent de grosses pierres l'une à côté de l'autre pour retenir l'eau boueuse et s'ébattent dans une sorte de piscine naturelle formée ainsi. Mais c'est quand ils plongent qu'ils risquent de se fracasser le crâne contre une pierre ou de voir leur visage enfoncé dans la terre, la profondeur de l'eau ne permettant pas de plonger.

 Pour les canaux d'irrigation, ils sont interdits mais les jeunes font fi de toute prudence et chaque année ils sont plusieurs à payer de leurs vies d'avoir bravé l'interdit et le danger. Heureusement que ces canaux ne se trouvent qu'à l'ouest de la wilaya et ne touchent qu'une population pas très nombreuse. Il y a aussi les retenues collinaires et là le danger est bien plus grand et les jeunes qui s'y rendent ne mesurent pas le danger auquel ils pourraient être confrontés. En effet, vu d'en haut, les retenues collinaires donnent l'impression d'être assez profondes mais la vase ayant rempli jusqu'à 80% de cette profondeur, il ne reste qu'à peine un mètre d'eau. Ceux qui s'y risquent sont aussitôt retenus par cette vase gluante et attirés inexorablement vers le bas et la mort dans des conditions effroyables. Le pire c'est qu'ils entraînent souvent leurs amis avec eux car ces derniers, les voyant en difficulté, plongent et tentent de les aider et ils sont pris au piège avec eux. Si nous ajoutons le fait que les secours ne peuvent être avertis que près d'une heure après, nous comprendrons qu'il n'y aura rien à faire que de retirer le ou les cadavres, au terme d'énormes difficultés et parfois après plus d'une journée de recherches.

 Pourtant, il aurait été plus judicieux de prévoir des piscines municipales au niveau de quelques communes et de faciliter leur accès en le rendant gratuit ou en faisant payer juste quelques dinars, quitte à limiter l'âge de ceux qui peuvent y entrer à 14 ou 15 ans, les adultes pouvant se débrouiller seuls. Il y a bien des piscines qui sont programmées à Boufarik et à Meftah en plus de celle du stade Tchaker, mais elles demeureront insuffisantes, sans parler du fait qu'elles seront réservées certainement à une autre catégorie de personnes que celle qui en a le plus besoin, c'est-à-dire ces enfants qui ne peuvent aller à la mer et qui s'en vont mourir bêtement dans une retenue collinaire ou au fond d'un canal d'irrigation.