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Loi de finances complémentaire: Les patrons craignent le pire

par Z. Mehdaoui

La loi de finances complémentaire, dont les détails ont été rendus publics il y a quelques jours par des cadres du ministère des Finances à l'occasion d'une conférence de presse, continue de susciter mécontentement, appréhensions et interrogations.

En effet, certains textes contenus dans la loi de finances complémentaire sont simplement considérés par des responsables d'organisations patronales, comme allant à «contresens de toute logique économique».

 «C'est le retour à la case départ», a résumé hier en quelques mots la situation le secrétaire général de l'Association générale des entrepreneurs algériens (AGEA) Belkacem Mezine.

 L'interdiction imposée aux banques d'octroyer des crédits à la consommation est une «immixtion» dans les affaires des institutions financières et commerciales qui renvoie l'Algérie aux années d'avant l'ouverture de notre marché, nous a déclaré le responsable de l'AGEA qui craint des répercussions sur notre économie.

 Il appartient aux banques de décider d'arrêter la commercialisation ou non d'un produit, poursuit notre interlocuteur qui souligne que cette mesure va inciter de plus en plus au «marché noir» puisque, dit-il, toutes les liquidités déposées dans les banques vont se retrouver en dehors des circuits légaux.

 L'Etat, qui avait un oeil sur la «traçabilité» de l'argent utilisé dans le secteur automobile à titre d'exemple, ne pourra plus le faire puisque tout se fera comme dans le passé, à savoir dans l'opacité et dans le noir, a fait savoir le SG de l'AGEA. Ce dernier, concernant en outre «le crédit documentaire pour l'importation», appelle à sa suppression pure et simple.

 «Les répercussions seront énormes sur les entreprises productives qui devront attendre l'acheminement de leurs matières premières durant des mois», a déclaré M. Mezine qui précise que ce sont les étrangers qui seront bénéficiaires de telles mesures, au détriment des entreprises nationales.

 Dans un communiqué parvenu à notre rédaction, la Confédération des industriels et producteurs algériens (CIPA) a réagi également aux dernières mesures décidées par le gouvernement.

 «L'article 69 de la loi de finances complémentaire, portant sur une nouvelle réglementation sur le mode de paiement des importations des matières premières, pénalise lourdement les opérateurs économiques algériens et enrichit les fournisseurs étrangers», fait-on savoir au niveau de la CIPA qui ajoute que «la décision prise sans concertation ni préavis est considérée comme un coup de grâce assené à l'outil de production national et suscite bien des soucis aux opérateurs économiques, qu'ils soient producteurs ou transformateurs, pour préserver les postes d'emplois créés jusque-là».

 La décision, poursuit la CIPA, qui a été suivie par une circulaire de l'ABEF (Association des banques et établissements financiers) instruisant aux banques sa mise en application immédiate, a piégé de nombreux opérateurs économiques qui étaient en attente de faire sortir du port et de l'intérieur des bateaux en rade, les équipements de production et matières premières importées.

 «Sachant qu'une loi n'a pas d'effet rétroactif sur des dossiers introduits avant sa promulgation, où se situent dans ce cas précis, les slogans développement économique, extension de l'outil de production, management pour gagner des marchés intérieurs et extérieurs ?», s'interroge-t-on au niveau de cette organisation des industriels et producteurs.

 La CIPA va jusqu'à remettre en cause le pacte économique et social.

 «Les patrons s'interrogent encore sur l'utilité et les objectifs du pacte économique et social dont ils sont signataires et refusent de faire de la figuration», lit-on dans le communiqué dont les rédacteurs se démarquent de tout dérapage qui pourrait surgir du fait du mécontentement populaire qui s'accentue, estiment-ils, de jour en jour.

 Le paiement des importations des matières premières par le moyen de crédit documentaire va provoquer la faillite et la mise de la clé sous le paillasson des entreprises, pense-t-on encore au niveau de la CIPA qui précise toutefois que l'organisation est solidaire avec les pouvoirs publics pour lutter contre l'économie de bazar et pour la création de nouveaux emplois.

 «Certaines décisions prises sans consultation produisent parfois l'effet contraire», ajoute le communiqué qui souligne que les opérateurs économiques mis devant le fait accompli estiment «que les conséquences sur le plan économique sont comparables à un tsunami rasant toute liberté d'investir, initiative de création d'emplois».

 A noter que le forum des chefs d'entreprises (FCE) était en réunion hier pour débattre des dernières mesures contenues dans la loi de finances complémentaire. Un communiqué devait être rendu public hier expliquant la position du FCE concernant les mesures en question, à peine à trois mois de la tenue de la tripartite.