Restaurateur célébrissime qui a conquis Paris, Londres et Dubaï, ce
Franco-Algérien cultive une image d'artiste culinaire.
Plus que des restaurants, ses sept «hauts lieux» de cuisine emploient au
total 410 personnes, et dont il ne veut pas estimer la valeur globale. Comment
cet homme d'une famille modeste de huit enfants d'origine algérienne a-t-il si
bien réussi ailleurs ? «Il a envie de construire», commente son ami intime, le
comédien Smaïn, en soulignant le «désir de revanche» des enfants d'Algérie
vivant à l'étranger. L'hyperactif Mourad Mazouz, alias Momo, 49 ans, a les yeux
clairs, les cheveux blancs et une barbe de trois jours. Il a fait fortune à
Londres, à Paris, Dubaï et Beyrouth. Le secret de sa réussite: «Pour être
honnête, je n'ai pas de ?goût' pour la cuisine. La cuisine, c'est un peu comme
le théâtre, on est tous les soirs sur scène. La restauration, c'est d'abord la
nourriture. Autour, il y a des satellites: décoration, musique, art, lumière,
service, accueil», confie Mourad. Né avec l'indépendance de l'Algérie, il sera
incessamment poussé comme une herbe folle à Alger, parti à Paris, reparti
ailleurs et ailleurs encore. Il y a douze ans, il a ouvert le Momo, premier
restaurant maghrébin du centre de Londres, doté en sous-sol d'un bar à kémias
(tapas maghrébines) privé, où les célébrités paient leur tranquillité en
achetant une carte de membre. Trois jours après l'ouverture, Madonna y dîne en
compagnie de Stella McCartney. Le Momo devient l'une des tables préférées des
people londoniens, de Kate Moss à Robert Plant. On peut y apercevoir des
footballeurs comme Didier Drogba ou William Gallas, le réalisateur Spike Lee et
même Youssou N'Dour, venu découvrir un jeune artiste sénégalais avec Peter
Gabriel. Les limousines affluent dans l'impasse crado, devenue soudain
pimpante. Il faut chasser les paparazzi, qui font le pied de grue pour
débusquer Madonna, Tom Cruise, Nicole Kidman, Naomi Campbell ou Kate Moss.
Autre fidèle des lieux: l'icône du raï la regrettée Cheikha Rimitti. Riche de ce
succès foudroyant, il ouvre dans la capitale britannique un complexe de 2.500
mètres carrés. Nom de baptême du «bateau»: Sketch. Ce lieu, monté avec le chef
français Pierre Gagnaire, en 2001, est situé en plein coeur de Londres, entre
Picadilly et Oxford Circus. La décoration est très hype, déjantée et
visionnaire. Noé Duchaufour-Lawrance, qui a conçu avec lui la décoration
futuriste du Sketch, à sa sortie des Arts-Déco, est maintenant l'un des
designers en vue du Tout-Paris. En 2001, il fait appel au plasticien marocain
Hassan Hajjaj, et ouvre à Paris, l'Andy Whaloo (jeu de mot venu de l'arabe
dialectal qu'on pourrait traduire par «j'ai rien»). Arrivé en France après
avoir été «viré du lycée», il a débuté tout en bas de l'échelle, à Paris, puis
partagé l'appartement du comique Smaïn, dont il a été l'attaché de presse: «On
a fait le Tintamarre, son premier théâtre, ensemble.» Sa première affaire, le
Bascou, qu'il a acheté à rue Réaumur, à Paris, en 1988. Toujours à Paris, il a
récemment ouvert Derrière, où il propose «une cuisine maison française» servie
dans le cadre d'un appartement dont le décor rappelle les quarante-cinq
premières années de sa vie («mes disques, mes voyages»), situé juste derrière
le 404, son restaurant à couscous du Marais. A Londres, il est à l'origine du
Double Club, un lieu éphémère (bar, restaurant et dance-club) imaginé par
l'artiste allemand Carsten Öller, qui confronte pendant six mois cuisine
congolaise et occidentale. Dans un espace bien entendu atypique: un ancien
entrepôt victorien où les oeuvres des peintres congolais Monsengwo Kejwamfi et
Chéri Samba, ainsi qu'une tenue de scène de Franco, père de la rumba, côtoient
une pièce d'Andy Warhol. Après l'ouverture à Dubaï, en 2006, d'Almaz by Momo,
ce passionné infatigable va poursuivre l'exportation de son concept au
Moyen-Orient: à la fin de l'année, il a ouvert à Beyrouth Momo at the Souk. «On
me propose des lieux à New York, mais ça m'intéresse moins. À Beyrouth,
Istanbul ou Buenos Aires, l'ambiance est électrique. Ce sont des villes du
futur, il s'y passe quelque chose», confie-t-il.