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La monarchie marocaine a célébré avec faste les 10 années de pouvoir de
Mohammed VI. Les shows n'ont pas manqué, pas plus que les émissions de pièces
de collection et de timbres. Les autorités marocaines savent y faire aussi bien
pour attirer les touristes et les investisseurs que pour glorifier un bilan qui
n'est ni noir ni rose. Indéniablement, les années de plomb de la période de
Hassan II sont bien derrière et la vie politique marocaine est, à maints
égards, plus intéressante que celle de l'Algérie. On peut le constater, sans
pour autant prendre pour argent comptant l'auto-bilan fait par Mohammed VI
affirmant que le Maroc a franchi, en «matière de construction démocratique et
de développement, des étapes majeures qui marquent un tournant important dans
l'histoire du Royaume». Il y a plus que de la nuance à apporter. Les droits de
l'homme sont moins lourdement bafoués que sous le règne précédent, mais ils ne
sont pas au zénith. Les ONG des droits de l'homme le signalent régulièrement,
même si les amis occidentaux ont tendance à regarder ailleurs.
En réalité, le Maroc est moins une «monarchie citoyenne», comme l'affirme Mohammed VI, qu'un régime qui veille à se donner les atours formels de la démocratie pluraliste. C'est très tendance dans le monde arabe. Et avec la sympathie avérée de la presse occidentale, ce jeu sur les formes semble relativement mieux réussir - médiatiquement du moins - au régime marocain qu'aux autres. Il n'empêche que comme dans tous les pays où l'on soigne la façade pour que les amis occidentaux ne soient pas gênés, le «jeu» est rattrapé par l'attitude de l'opinion qui n'est pas dupe. Et qui se désintéresse d'une partie politique contrôlée en sous-main et balisée par une multitude de «lignes rouges» (le roi, le Sahara Occidental...). L'envers du décor La presse marocaine qui s'est emballée au début a réappris les «limites» à ne pas dépasser... Elle devra suivre le bilan, très positif, que Mohammed VI a dressé de ses dix ans de règne. Elle peut célébrer le dynamisme de l'économie marocaine et son attractivité pour les investissements directs étrangers - ils sont bien réels -, tout en occultant l'envers du décor : celui d'une pauvreté qui ne recule pas malgré la présence du «roi des pauvres» à la tête du Maroc. Tout se prête en définitive à cette présentation formelle ambiguë où l'on insiste sur ce qui semble être un mieux et un progrès tout en occultant les lourds revers de la médaille. Il a manqué au roi Mohammed V à mettre sur son bilan décennal la réouverture de la frontière avec l'Algérie. Et bien entendu, il ne considère pas que la frontière toujours fermée soit à mettre, ne serait-ce qu'en partie, à son débit. Elle l'est exclusivement, à ses yeux, le fait du gouvernement algérien. On aura eu bien entendu la profession de foi - c'est moins que rien - sur le Maghreb comme «choix stratégique propre à concrétiser les ambitions des cinq peuples de la région en matière de développement intégré et complémentaire». Le roi Mohammed VI a souligné, à juste titre, que le Maghreb est à même de «répondre aux exigences inhérentes au partenariat régional et aux impératifs liés à l'ère des groupements internationaux». Une fois ces généralités dites, c'est au gouvernement algérien qu'il attribue le blocage. Ainsi, Mohammed VI appelle à «normaliser les relations maroco-algériennes dans le cadre d'une vision prospective et constructive, qui tranche avec les positions anachroniques héritées d'une époque révolue». Point n'est besoin de décoder pour comprendre que les «positions anachroniques» se rapportent à l'attachement de l'Algérie à la mise en oeuvre de l'autodétermination au Sahara Occidental. L'abcès de 1994 Le roi Mohammed VI a critiqué «l'obstination des autorités algériennes à maintenir la fermeture unilatérale des frontières terrestres». Il a estimé que cette «attitude, regrettable et injustifiée, est contraire aux droits fondamentaux de deux peuples voisins et frères, notamment celui d'exercer leurs libertés individuelles et collectives en matière de circulation et d'échanges humains et économiques». S'il n'est un secret pour personne que le gouvernement algérien n'est guère pressé d'ouvrir les frontières - et il ne manque pas d'Algériens pour penser que cette attitude est erronée -, il reste que le roi du Maroc a tendance à occulter les faits. En 1994, ce sont les autorités marocaines qui ont pris - à tort - l'initiative d'accuser les services algériens d'avoir organisé des attentats à Marrakech. Le discours de Mohammed VI sur cette question aurait pu être plus convaincant s'il reconnaissait qu'une grave erreur a été faite par les autorités marocaines. C'est d'autant plus facile que cette erreur a été faite sous le règne précédent. Or, le roi Mohammed VI continue de ne pas le faire et de distribuer les torts, tous les torts, aux voisins. Les positions sur l'avenir du Sahara Occidental sont connues et elles ne sont pas susceptibles de rapprochement. Beaucoup de militants maghrébins en arrivent à souhaiter un retour à la situation d'avant 1994. Dans ce cas, il faudra bien purger cet abcès. Le Maroc fera un bon pas en reconnaissant avoir très mal agi en 1994, au lieu de se lamenter indéfiniment sur la réaction algérienne. Le discours sur les dix années de règne en était l'occasion. Il a été raté. A Alger, ceux qui ne veulent pas entendre parler de réouverture des frontières auront apprécié... |
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