C'est à l'initiative de l'APC de Chetouane
et avec le concours de notables qu'a été lancée vendredi dernier la première
édition du Maoussim Sidi Slimane El Kamil de Aïn El Hout. Après la prière de
l'Asr accomplie dans l'antique mosquée du village, la procession des Aïssaouas
venus de Mostaganem, Oran, Sidi Bel-Abbès entre autres, étendard bien en vue,
s'ébranla vers l'école primaire Khiat Sid Ahmed où ils furent accueillis par
les autorités locales avec à leur tête le chef de daïra (représentant le wali
qui devait assister à cette cérémonie) ainsi que le P/APC et ses
vice-présidents. Maîtres Brahim (avocat) et Krim (huissier) se succédèrent à la
tribune pour prononcer pour la circonstance l'allocution de bienvenue avant que
le maire, le Dr Abdelkader Saïdi, n'annonce l'ouverture officielle du Maoussim
Sidi Slimane El Kamil. «Cette initiative s'inscrit dans le cadre de la mise en
valeur de notre patrimoine immatériel et consacre notre appartenance à la
civilisation arabo-islamique», devait souligner le P/APC. Invités en tant que
chercheurs, MM. Ghenaou Mustapha de l'université d'Oran (CRASC), un fils de Aïn
El Hout, et Kazi El Hachemi, professeur de sciences sociales au lycée Cdt
Faradj (Tlemcen) présenteront en tandem l'historique du village de Aïn El Hout
et du saint Sidi Slimane El Kamil. Généalogiquement, on saura que ce dernier
est le petit-fils (4e génération) de Fatima-Zohra, la fille du Prophète
Mohammed (QSSL). A noter que ses dates de naissance et de décès ne sont pas
encore déterminées. Mais d'après le professeur Mohammed Baghli, il serait mort
en l'an 195 ou 200. Lors de la conférence sur Sidi Slimane qu'il donna au
centre culturel communal de Chetouane avec M. Benmansour Abderrahim et M. Chikhi
Laroussi, il suggéra dans ce contexte deux dates commémoratives: le 9 décembre
ou le 19 juin. Sidi Slimane laissa cinq fils (dont quatre passèrent à Tlemcen)
qui sont Idriss, Djaâfar, Yahia, Mohammed et Moussa, enterrés et vénérés
respectivement à Zerhoun (Maroc), Sousse (Tunisie), Soudan, Younbou' (Afrique)
et en Inde. Au titre de la toponymie, le village sera connu successivement par
«Ghirane Errih» et «Qariat El Alaouyine» avant de s'appeler «Aïn El Hout», une
appellation en usage jusqu'à aujourd'hui, qui aurait été adoptée par Sidi
Abdellah Benmansour. Une exposition thématique illustrée de photos de sites et
sanctuaires était organisée à cette occasion par Mme Tekki Nabahet. Des Chinois
(chargés du projet de l'autoroute est-ouest) étaient venus assister à ce
festival haut en couleur. Par ailleurs, l'idée de la création à Aïn El Hout
d'un complexe cultuel et culturel (zaouïa) fut évoquée à la faveur de ce
«conclave». Le cortège mystique se rendit ensuite au sanctuaire de Sidi
Slimane, voisin du mausolée de Sidi Abdellah Benmansour, où une foule compacte
était massée pour assister au spectacle. La présence de Cheikh Ghaffour, un
adepte de la zaouïa ziania de Nedroma, accompagné de son frère, fut remarquée.
A propos, ce festival gagnerait à intégrer la dimension lyrique à travers la
programmation de «fqirate» ou de chanteurs spécialistes dans le medh, tels
Cheikh Chafik Hadjadj qui interpréta le premier «Sidi Mohammed Ben Ali djitek
fi mnem Allah, moul el khalwa ya sa'mine, zartou oua tani Allah...» ou Meriem
Benallal qui l'imita... Pour notre part, nous nous souvenons comme si cela
datait d'hier de la fête patronale de Sidi Mohammed Ben Ali où les familles
Tabet et Bekkaï organisaient pendant les vacances d'été leur rituelle waâda
accompagnée de chants mystiques «maison», qui se terminait par une sortie
champêtre agrémentée de hawfi à Tihammamine... M. Mohammed Baghli, qui était
présent sur les lieux (à l'intérieur du sanctuaire), confia au chef de daïra:
«Vous avez la chance d'être au coeur d'un patrimoine en perspective de
l'événement de 2011 (allusion à «Tlemcen, capitale de la culture islamique»,
ndlr)». Ce spécialiste du legs universel, qui est considéré, faut-il le
souligner, comme l'artisan de la réhabilitation historique dudit site avec le
concours du PNT avait signalé une mystérieuse substitution dans un article
publié dans Le Quotidien d'Oran (dans son édition du 22/8/2007) selon qui «Les
visiteurs traditionnels à l'intérieur de la houweita de Sidi Slimane à Aïn
El-Houtz furent surpris durant le dernier Ramadhan 1427 H de constater une
nouvelle épitaphe en lieu et place de la tombe de Sidi Slimane de Aïn
El-Houtz... Une commission officielle se pencha sur l'examen de l'acte par
lequel une épitaphe récente d'un nommé Hadjaj Sidi Slimane, décédé le
18.5.1611, remplaça une ancienne épitaphe du lieu symbolique de Sidi Slimane de
Aïn El-Houtz, décédé au début du IXe siècle et signalé depuis ces temps d'abord
par un palmier visible de toutes les directions à partir de ces espaces,
ensuite par une houweita érigée au début du XXe siècle près de ce lieu...». Le
«mahradjane» se termina en apothéose tard dans la soirée avec une giga hadra
tenue en plein air au milieu de la cour de l'école précitée. Des familles
entières assistaient au spectacle dans un climat de convivialité sans pareil.
Visiblement émue, nostalgie oblige, une vieille femme ne put contenir ses
larmes. Devant un parterre ébahi, de jeunes adeptes de la tariqa aïssaouïa
s'adonnaient en transes à des exhibitions «paranormales» (exorcisme) à coups de
sabre et autres accessoires dangereux (débris d'ampoule, torche enflammée,
couteau, tournevis...) paradoxalement encouragés par les youyous des femmes. A
noter qu'aucune restriction d'âge n'était imposée pour la circonstance
nonobstant la sensibilité des enfants et des personnes émotives présents.
Auparavant, les festivaliers et le public furent conviés à une «zerda» faite de
couscous houti par excellence. Toujours dans ce cadre, l'ex-parcours de
cross-country au lieu-dit Hsida Tabti abrita vendredi une fantasia dans la pure
tradition. Il convient de mentionner que l'ouverture dudit Maoussim coïncida
avec la célébration de la fête de l'indépendance et de la jeunesse. Par
ailleurs, il faut savoir qu'une campagne de circoncision collective est
organisée chaque année (mois de juin) à Aïn El Hout par des bénévoles.