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Plages: Racket sur la corniche oranaise

par Salah C.

Plusieurs années après l'introduction de la concession des plages durant la saison estivale, la réglementation, pourtant claire et contenue dans le cahier des charges approuvé par le locataire du rivage, n'est appliquée que dans très peu de cas.

L'un des litiges qui oppose les estivants aux concessionnaires, notamment durant les jours de grand afflux, réside dans l'obligation imposée de facto à tout estivant de louer le parasol, la table et les chaises. Dans le cas où ce dernier s'obstine, on lui avance qu'ils sont locataires de l'espace et il est sommé de quitter les lieux, parfois sous la menace. Des citoyens se disent privés même de la liberté de disposer d'espaces pourtant publics et protestent contre le racket qu'ils subissent engendré par cette formule qui reste encore mal comprise par les concessionnaires eux-mêmes. Or, la réglementation en la matière stipule que tout estivant a le droit de s'installer là où il veut et qu'il n'est pas contraint d'utiliser les équipements que propose le concessionnaire.

Ces derniers jours, plusieurs virées sur toutes les plages de la corniche oranaise, du reste celles qui restent encore fréquentables, entre Bomo Plage et les Andalouses, montre qu'elles sont entièrement concédées par les communes de Bousfer et El-Ançor et, par conséquent, il n'y a plus d'espace libre pour les estivants voulant passer quelques moments sur la plage. Les concessions se suivent sans espace libre pour les estivants «libres», même au plus près du rivage, tout près de l'eau. En effet, chaque concessionnaire délimite son espace soit par une corde, soit par des balises, avec à l'entrée une caisse. Pour les tarifs, c'est 400 dinars pour un parasol, une table et 4 chaises, le tout sur un espace de 4 mètres carrés. Selon un concessionnaire, «il n'a jamais été question d'interdire aux estivants de se baigner» ! Ceci sous-entend qu'ils doivent s'installer, mais avec les équipements prévus à cet effet et loués chez le concessionnaire ! A voir la disposition des parasols, pratiquement collés les uns aux autres et situés jusqu'à deux mètres du rivage, il n'est pratiquement laissé le moindre pouce aux estivants «libres».

Notre interlocuteur tient à préciser qu'il a «loué chèrement l'espace» et qu'il doit faire le maximum de recettes pour s'en sortir, surtout que cette année, la saison estivale est écourtée en raison de l'arrivée du mois de Ramadhan, prévu vers le 20 août, sinon il risque d'être déficitaire. Notre source explique qu'en «tant que locataire de l'espace, il tient à le rentabiliser au maximum en installant ses équipements à proximité du rivage laissant l'arrière libre, mais il n'est pas contre des estivants respectables et surtout respectueux qui viennent s'installer, notamment ceux qui viennent en famille, et ce dans le souci d'assurer de meilleures conditions de repos aux clients et sans verser le moindre dinar».

Du côté de la clientèle, les quelques estivants rencontrés estiment que cette formule est avantageuse à bien des égards. Pour eux, il est important de venir sans trimballer les parasols et autres accessoires, car une journée de détente suppose également moins d'efforts et une plage concédée offre de meilleures conditions de sécurité, étant donné que le concessionnaire tient à la réputation de son espace pour être plus compétitif. «Et puis, que peuvent valoir 400 dinars si on offre à sa famille de temps à autre un moment de répit», a tenu à expliquer un citoyen accompagné de ses enfants. D'autres iront plus loin en avançant que la concession d'une plage ne peut peser très lourd par rapport à toutes ces plages privées où il est pratiquement interdit à toute personne étrangère de mettre les pieds. Entendre par personne étrangère tout citoyen non locataire d'une chambre d'hôtel.

Toutefois, ceux qui pâtissent également de cette situation sont les vacanciers installés dans des cabanons et qui se voient parfois refuser de planter leurs parasols, et ils sont nombreux. L'exemple nous vient de Bousfer Plage, un site où s'entremêlent des complexes touristiques, des cabanons et mêmes certains espaces concédés. «Il est anormal que je verse annuellement un impôt foncier pour un bien que j'utilise à raison de deux mois par an et qui ne vaut que par sa proximité du rivage et il est inconcevable que je paye encore pour m'installer les pieds dans l'eau», explique l'un d'eux. Pour ce cas de figure, bien des rixes ont éclaté entre les locataires du rivage et les riverains qui estiment qu'ils ont le droit de s'installer où et quand ils veulent, et des concessionnaires qui croient dur comme fer qu'ils sont propriétaires des lieux.

D'autre part, l'autre point noir reste la gestion des aires de stationnement, étant donné qu'à chaque entrée on vous remet un ticket contre une somme de 50 dinars. S'agit-il de droits de stationnement ou de gardiennage ? La question demeure entière car, en plus, et dans bien des cas, au moment de garer votre véhicule surgit une personne muni d'un gourdin vous proposant ses services. Pire encore, certains ont squatté des trottoirs pour en faire des espaces de stationnement comme c'est le cas aux Andalouses, ce qui contraint les piétons d'emprunter la chaussée.

Approché, un élu de la commune de Bousfer, qui compte à elle seule 7 concessions, précise que «dans toute plage, des accès libres sont prévus pour les estivants libres et sont contenus entre des drapeaux, visibles à l'oeil nu, et au niveau desquels les concessionnaires n'ont aucunement le droit d'intervenir».       Concernant le stationnement, notre interlocuteur a été très clair en rappelant que «chaque automobiliste accosté par un gardien informel peut se rapprocher des services de sécurité pour signaler ce dépassement, et que mis à part le droit de stationnement payé à l'entrée contre un ticket mentionnant le nom du concessionnaire et de la collectivité locale, il n'est admis aucun autre opérateur». Enfin, il est à signaler que la majorités des plages ont été équipées cette année de douches publiques, des équipements qui ont disparu des plages de la corniche depuis de très longues années. A ce titre, le responsable communal fait un appel aux citoyens de les préserver vu que des actes de vandalisme ont été déjà enregistrés alors que la saison estivale n'est qu'à ses débuts.