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A un certain moment, nous n'en avions plus ou seulement dans
sa version canadienne et espagnole. Ou si peu. Il appartenait à l'ENTV, à
Bouteflika qui l'avait à ses côtés quand il parlait à son peuple imaginaire, on
le suspendait aux devantures de « leurs » édifices et des institutions
désignées, Benbouzid a été obligé de l'imposer de force presque dans les
écoles, on le voyait au dos des blousons des jeunes immigrés algériens, et on
se cachait derrière pour déposer des gerbes de fleurs mortes sur des martyrs
très morts, mais nous, nous n'avions pas. Ou à peine. Nous n'avions plus de
couleurs et nous maraudions gris dans une jungle de papiers froissés.
D'ailleurs, dès qu'on en portait un, un peu, quelque part, on se voyait déjà un
peu complice de la rapine générale et associés à la fourberie nationaliste.
Pour certains, le plus urgent presque était de dire qu'on ne le connaissait pas, surtout dans les aéroports occidentaux, et de changer de couleurs pour qu'on n'en retrouve pas la couleur sur nos peaux en transit. Les scouts ont tenté un moment de nous imposer un exemplaire par maison, mais ils n'ont pas réussi. La femme de Messali l'a cousu, Messali l'a imaginé, ses enfants idéologiques l'ont volé, des gens sont morts pour lui, d'autres l'ont mangé et d'autres encore l'ont donné à leurs enfants et pas aux nôtres. C'est quoi ? Vous l'avez devinez sans effort: le drapeau national. Il a suffi de deux matchs de football pour que les Algériens se réconcilient avec leur emblème et l'arrachent des mains de ses preneurs d'otage pour faire leurs cigognes de joie. Dans le jeu de confusion féroce entre le mal et l'herbe verte, le régime a fait en sorte qu'il y soit associé au point où les Algériens en avaient presque honte. Aujourd'hui donc, ce n'est plus le cas. Nous avons déjà un drapeau en attendant d'avoir un pays. Les Algériens n'associent plus leur emblème à leurs voleurs, pour le moment. On peut être nationaliste sans être larbin ni dans un comité de soutien. On peut être heureux sans avoir bourré des urnes ni avoir servi de semelles à un décret. A la fin, c'est la plus grosse conclusion qui s'impose: le drapeau continuera à être pris en otage par le régime, mais l'emblème est en train d'être follement recousu par les Algériens. Celui du régime est en berne, mou, un peu affaissé, en arrière-plan de leurs discours et réduit à des pin's. Le notre est géant, plus grand, a des ailes, s'échange sous forme de tee-shirts, de parasols, de banderoles et de klaxons. Ce n'est rien encore, mais on aime se dire que c'est le début de quelque chose. Première étape: les couleurs. Un jour, nous aurons le reste, nous ou nos enfants. Sans armes et seulement en jouant peut-être. |
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